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Le LBO est-il encore un outil de succès pour les managers ?

21/12/2010

Les opérations de LBO se sont développées dans notre pays depuis une vingtaine d'années. Les dirigeants de sociétés ont su au fil des années devenir des acteurs clés de ces opérations et le rapport de forces a évolué en leur faveur. 
Les dirigeants sont en effet devenus essentiels dans toutes les étapes d'une opération de LBO, de la réalisation de l'investissement jusqu'au mo ment de la sortie, où ils ont permis notamment la réalisation d'opérations de LBO secondaires ou tertiaires. 
Les opérations de LBO ont certainement été le meilleur moyen pour ces dirigeants de s'enrichir. La crise est cependant venue perturber ces opérations et a entraîné un certain nombre de risques pour ces dirigeants. En premier lieu, la crise a limité pour beaucoup les espoirs de gains à la sortie. Dans certains cas, des dirigeants ont même perdu la totalité de leur investissement en capital.

Jusqu’à l’arrivée de la crise et sans doute parce que les défaillances de sociétés sous LBO avaient été extrêmement rares, le risque financier avait été un peu occulté. Certains dirigeants ont parfois investi une partie significative de leur patrimoine, d’autres ont eu recours à l’endettement sans avoir vraiment anticipé les risques de pertes. Dans les sociétés sous LBO, la crise a essentiellement provoqué des problèmes d’ordre financier. Les sociétés sous LBO étant majoritairement bien gérées et saines, elles ont plutôt bien résisté, même si elles ont constaté une baisse de leurs performances. Mais ces baisses de performances ont néanmoins directement impacté les accords de rétrocession conclus entre les dirigeants et les investisseurs financiers. 
Certains dirigeants ont fait le désagréable constat que le schéma d’intéressement ne pourrait pas être mis en oeuvre à la sortie, les taux de TRI ou de multiples prévus dans leurs accords ne pouvant être raisonnablement atteints. Plus grave encore, dans certains cas, des apports en fonds propres au profit de la société holding ont été nécessaires. Or ces mesures de restructuration financière ont pu avoir des impacts sévères sur la situation personnelle des dirigeants. 
Ces mesures de restructuration financière, qui comprennent des apports d’argent frais et/ou des conversions de créances en capital, ont entraîné, en effet, soit une forte dilution, soit même une perte pure et simple de l’investissement en capital que les dirigeants avaient pu réaliser au moment de la conclusion de l’opération de LBO. 
Dans de tels cas, une renégociation du management package semble alors souhaitable, notamment pour conserver la motivation des dirigeants.

Une espérance de gains plus modeste mais une réalisation plus sûre

Cependant, il est évident que dans de telles circonstances, les dirigeants ne sont pas aussi forts dans les négociations qu’au moment de la réalisation de l’opération. Leurs partenaires financiers ont, eux aussi, supporté des pertes dont les montants sont bien plus importants. En outre, il est bien souvent impossible financièrement pour les dirigeants de participer à une nouvelle augmentation de capital. On constate donc que ces nouveaux management packages sont moins performants, mais s’ils offrent une espérance de gain plus modeste, ils ont néanmoins l’avantage d’avoir une probabilité plus forte de réalisation. 
La crise n’a pas seulement engendré des risques financiers, elle a également modifié sensiblement les rapports entre les différents acteurs des LBO que sont les dirigeants, les investisseurs financiers et les banquiers. Les dirigeants, qui étaient notamment choisis pour leur capacité à créer de la croissance, se sont retrouvés dans l’obligation de gérer des situations de crise. 
Ils ont dû apprendre à travailler en étroite collaboration avec leurs partenaires actionnaires et financiers, dont l’intervention avait pu être assez limitée jusque-là. Ils ont dû concilier des intérêts parfois contradictoires. Les dirigeants se sont retrouvés au centre de ces difficultés : comment préserver les intérêts des investisseurs, des créanciers et l’intérêt social de chacune des sociétés sous LBO ? Ces situations ont logiquement entraîné un certain nombre de départs ; et ces départs ont donné lieu à la mise en oeuvre de clauses dites de « good » ou « bad leaver ». 
L’application de ces clauses a généré des contentieux mettant en lumière certaines difficultés d’application, en particulier pour la détermination du prix de rachat des titres. Ainsi, lors d’un exercice de promesse de vente en cas de bad leaver, le prix de rachat peut être inférieur à la valeur nominale, en raison des valeurs de marché définies par application des multiples retenues lors de l’investissement.

Les dirigeants devront s’adapter pour renouer avec le succès

D’autres difficultés sont également apparues avec l’application du droit social dans les accords contractuels conclus entre les dirigeants et les investisseurs financiers. Ainsi, une récente décision de la Cour de cassation (1) a-t-elle remis en cause la validité des clauses interdisant aux salariés licenciés pour faute grave ou lourde d’exercer leurs stock-options. Une autre décision (2) a considéré que le juge prud’homal était compétent pour connaître d’une action en réparation du préjudice subi par un salarié en exécution d’un pacte d’actionnaires prévoyant, en cas de licenciement, la cession immédiate de ses actions à un prix déterminé. Enfin, la validité des clauses de nonconcurrence est de plus en plus contestée devant les tribunaux. Les conditions de leur validité diffèrent cependant en fonction du statut du dirigeant qui souscrit une telle obligation, lequel peut néanmoins avoir trois qualités : vendeur de titres sociaux et/ou mandataire social et/ou salarié. 
Les dirigeants des sociétés sous LBO ont donc dû faire preuve d’une grande capacité d’adaptation. Pour autant, les opérations de LBO redeviendront sans doute des opérations majeures pour notre économie grâce à leur capacité à créer de la valeur et de la croissance. Nul doute alors que leurs dirigeants sauront rester les acteurs clés de ces opérations et qu’ils renoueront avec le succès.

1. Cour de cassation, 21-10-2009. 
2. Cour de cassation, 09-07-2008.

Article paru dans Fusions & acquisitions magazine | Novembre-Décembre 2010