Home / Publications / Le remboursement des impositions sur le fondement...

Le remboursement des impositions sur le fondement du droit communautaire des aides d'Etat

31/05/2007


Il est nécessaire de rappeler les trois points suivants :

  • Les aides d'Etat mises à exécution en méconnaissance de l'obligation de notification à la Commission européenne, prévue par l'article 88, paragraphe 3, CE, sont illégales (sauf cas particulier des aides qui relèvent d'une catégorie exemptée de cette obligation de notification) ;
  • Ces aides illégales sont, suivant le cas, compatibles ou incompatibles avec le marché commun, cette appréciation appartenant à la seule Commission (ainsi le système fiscal de l'article 44 septies du Code général des impôts a été considéré tant comme une aide illégale que comme une aide incompatible avec le marché commun) ;
  • Les juges nationaux doivent tirer toutes les conséquences de cette illégalité sur les actes comportant mise à exécution de ces mesures d'aide et, en particulier, sur les modes de financement de ces mesures (jurisprudence développée depuis CJCE, 21 nov. 1991, Fédération nationale du commerce extérieur de produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon, C-354/90, Rec. I, p. 5505).

Il résulte d'une jurisprudence désormais constante que, "lorsqu'une mesure d'aide dont le mode de financement fait partie intégrante a été mise en oeuvre en méconnaissance de l'obligation de notification, les juridictions nationales sont tenues, en principe, d'ordonner la restitution des taxes ou des cotisations spécifiquement levées pour financer cette aide" (CJCE, 21 oct. 2003, Van Calster e.a., C-261/01 et C-262/01, Rec. I, p. 12249).

Dans ce contexte, les contribuables ont récemment pris conscience du potentiel que constituait pour eux le droit communautaire des aides d'Etat et ont multiplié les contentieux tendant au remboursement d'une imposition servant à financer une aide d'Etat illégale.

Face à la multiplication de ce type de contentieux, la Cour de justice des Communautés européennes a précisé les conditions dans lesquelles le mode de financement d'une aide d'Etat pouvait être considéré comme partie intégrante de la mesure d'aide, de sorte que l'illégalité de l'aide emporte l'illégalité de l'imposition. Elle considère, en effet, à présent qu'il doit exister "un lien d'affectation contraignant" entre la taxe et l'aide, de sorte que "le produit de la taxe influence directement l'importance de l'aide et, par voie de conséquence, l'appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché commun" (cf., notamment, CJCE, 13 janv. 2005, Streekgewest westeljik Noord-Brabant, C-174/02, Rec. I, p. 85 et CJCE, 13 janv. 2005, Pape, C-175/02, Rec. I, p.127).

Ce n'est, par exemple, pas le cas, dès lors que le montant des aides versées est déterminé indépendamment du produit de la taxe qui finance pourtant cette aide, ainsi que la Cour de justice l'a jugé en ce qui concerne la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (CJCE, 27 oct. 2005, Distribution Casino France e.a., C-174/02 et C-175/02, Rec. I, p. 9481).

Malgré cette jurisprudence restrictive, les contribuables ont souvent obtenu le remboursement d'impositions qui finançaient un régime d'aides d'Etat :

Il en a été ainsi pour la taxe sur les imprimés publicitaires (article 302 bis MA du Code général des Impôts) qui finançait jusqu'à il y a peu le Fonds de modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale, régime d'aides d'Etat aux entreprises et agences de presse qui n'avait pas été notifié à la Commission européenne, ainsi que l'a tout récemment confirmé le Conseil d'Etat (CE, 21 décembre 2006, ATAC, n° 290045 ; Auchan France, n° 288562) ; notons que cette taxe est, depuis 2006, affectée, non plus directement au Fonds, mais au budget général ;

  • De même pour la taxe sur les achats de viande qui, jusqu'en 2001, finançait le service public français de l'équarrissage, régime d'aides d'Etat qui n'avait pas non plus été notifié à la Commission (CJCE, 20 novembre 2003, GEMO SA, C-126/01, Rec. I, p. 13769) ; cette taxe est cependant, depuis 2001, affectée au budget général.

D'autres impositions pourraient également faire l'objet de remboursements si les juridictions nationales considéraient qu'elles font partie intégrante de régimes d'aides d'Etat illégaux au regard du droit communautaire :

  • Ainsi, la Cour de justice a récemment confirmé, en ce qui concerne la taxe sur les ventes directes, qui pesait sur le chiffre d'affaires relatif aux ventes effectuées en France aux pharmacies par les laboratoires pharmaceutiques, mais non par les grossistes-répartiteurs, alors même que ces deux catégories d'opérateurs sont dans un rapport direct de concurrence, que, "dans un tel cas de figure, il y a lieu d'admettre qu'un opérateur économique tel que [un laboratoire pharmaceutique] puisse exciper de l'illégalité de la taxe sur les ventes directes, au motif qu'elle constitue une mesure d'aide, pour en demander le remboursement" (CJCE, 7 sept. 2006, Laboratoires Boiron, C-526/04, non encore publié au Recueil).

De même, ce pourrait être le cas, pour une période déterminée, de la taxe sur les vidéogrammes (article 302 bis KE du Code Général des Impôts) qui finance le mécanisme français de soutien financier à l'industrie cinématographique et à l'industrie des programmes audiovisuels, régime d'aides d'Etat qui a certes été autorisé à plusieurs reprises par la Commission mais qui, pour un temps au moins, n'a pas bénéficié de l'autorisation requise, la précédente décision de la Commission étant devenue caduque et la France ayant omis de notifier à nouveau et en temps utile le régime à la Commission.

Ces quelques exemples révèlent le potentiel que peut constituer le droit communautaire des aides d'Etat pour les entreprises qui doivent, d'une part, n'accepter de bénéficier d'aides d'Etat que si elles sont légales et compatibles avec le droit communautaire et, d'autre part, s'interroger sur leur intérêt à remettre en cause les actes comportant mise à exécution d'aides d'Etat illégales dont elles pourraient avoir connaissance et, en particulier, au regard des modes de financement de ces aides. Article paru dans la revue Option Finance du 19 février 2007


Authors:

Caroline Medina, Avocat