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Les aménagements apportés à la fiscalité des droits de la propriété industrielle par la loi de finances pour 2011

21/04/2011


L'article 126 de la loi de la loi de finances pour 2011 modifie sur plusieurs points le régime fiscal applicable aux droits de la propriété industrielle. Il étend l'application du régime des plus-values à long terme aux perfectionnements apportés aux brevets et inventions brevetables ainsi qu'aux opérations de sous-concession. Par ailleurs, il supprime la restriction du droit à déduction des redevances versées à des entreprises liées. Enfin, le régime des plus-values de cession de droits de la propriété industrielle constatées par les entreprises relevant de l'impôt sur le revenu (IR) est désormais harmonisé avec celui des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés (IS) en cas de liens de dépendance unissant la cédante et l'entreprise cessionnaire.


Rappel du régime fiscal des droits de la propriété industrielle

Le régime des plus-values à long terme s'applique, dans toutes les entreprises, aux plus-values de cession et aux produits de concessions de licences d'exploitation portant sur des brevets ou des inventions brevetables, ainsi que sur les procédés de fabrication industriels qui en constituent l'accessoire indispensable (soit une taxation réduite aux taux de 15 % pour les sociétés soumises à l'IS et 16 % majoré des prélèvements sociaux pour les entreprises relevant de l'IR)

L'application du régime des plus-values à long terme est subordonnée à la condition que les brevets et les autres éléments visés ci-dessus, qu'ils soient cédés ou concédés, aient le caractère d'éléments de l'actif immobilisé.

En outre, lorsque les droits de propriété industrielle ont été acquis à titre onéreux, l'acquisition doit remonter à deux ans au moins (en cas de concession, le régime spécial n'est applicable qu'à l'issue de ce délai). Aucun délai n'est exigé en revanche si l'entreprise a découvert ou mis au point elle-même les droits cédés ou concédés, ou les a acquis à titre gratuit.

Seul le résultat net de la concession est soumis au régime des plus-values à long terme.

Les redevances tirées de l'exploitation de brevets et droits assimilés sont imposables au taux réduit des plus-values à long terme même s'il existe des liens de dépendance, directs ou indirects, entre l'entreprise concédante et le concessionnaire. Mais, en contrepartie, lorsque de tels liens existaient, le concessionnaire ne pouvait dans le régime en vigueur jusqu’au 31 décembre 2010, déduire les redevances versées que pour une fraction de leur montant, égale au rapport existant entre le taux réduit des plus-values et le taux normal de l'impôt (soit 15/33,33e. lorsque l'entreprise concédante était soumise à l’IS).

Lorsque des redevances étaient ainsi versées au sein d'un groupe d'entreprises, l'administration autorisait néanmoins les entreprises concédantes à renoncer au taux réduit de taxation, afin de permettre aux concessionnaires de déduire de leur résultat l'intégralité des redevances versées (Inst. 4 C-2-04 n° 21).

Cette limitation incitait évidemment les groupes à localiser par préférence leurs brevets en France et à en concéder l'exploitation à des filiales étrangères plutôt qu'à des filiales françaises. Ainsi, l'entreprise concédante bénéficiait en France du taux réduit sur les redevances de concession perçues, alors que la filiale étrangère n'était pas soumise à la limite de déduction dans son pays.

Le taux réduit s'appliquait également aux plus-values réalisées lors de la cession de droits de la propriété industrielle, à condition, pour les seules sociétés soumises à l'IS, qu'il n'y ait pas de lien de dépendance entre le cédant et l'entreprise cessionnaire. En revanche, il n’existait pas une telle restriction pour les entreprises soumises à l’impôt sur le revenu.

Enfin, jusqu’au 31 décembre 2010, le régime des plus-values à long terme n’était applicable qu’aux concessions et pas aux sous-concessions.

Aménagements apportés par la loi de finances

Les aménagements apportés au régime fiscal de la propriété industrielle s'appliquent aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2011.

1-Déduction des redevances par l'entreprise concessionnaire

L'article 126 de la loi supprime la limite de déductibilité des redevances versées à des entreprises liées afin de mettre fin à la règle actuelle qui pénalise l'exploitation des brevets en France. Ainsi, il est désormais équivalent pour une société de concéder l'exploitation de son brevet à une filiale française ou à une filiale étrangère. Dans les deux cas, les redevances de concession sont imposées au taux réduit chez l'entreprise concédante et les redevances sont déduites sans limitation par sa filiale concessionnaire, quel que soit son lieu d'implantation.

En présence de liens de dépendance entre l'entreprise concédante et l'entreprise concessionnaire, la déduction intégrale des redevances est cependant subordonnée à la condition que l'entreprise concessionnaire exploite effectivement le brevet, l'invention brevetable, les perfectionnements qui y ont été apportés ou le procédé de fabrication industriel. L'article 39,12 du CGI modifié par la présente loi prévoit expressément que la sous-concession constitue une exploitation effective d'une licence. En revanche, si elle n'exploite pas le droit concédé de manière effective, l'entreprise concessionnaire ne peut déduire les redevances dues à l'entreprise concédante que dans les limites actuelles.

2- Régime des plus-values de cession

Le régime des plus-values à long terme applicable en cas de cession de droits de la propriété industrielle par une entreprise relevant de l’IR est désormais subordonné à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens de l'article 39, 12 du CGI entre la cédante et le cessionnaire. Le régime applicable aux plus-values de cession est donc harmonisé puisque l'exclusion du long terme en présence de liens de dépendance, désormais codifiée à l'article 39 terdecies, 1 du CGI, concerne indifféremment le cas où l'entreprise cédante relève de l’IR ou est soumise à l’IS.

3-Extension du régime du long terme à la sous-concession

L'article 126 de la loi modifie l'article 39 terdecies, 1 du CGI afin d'étendre le champ d'application du régime des plus-values à long terme aux sous-concessions de brevets, d'inventions brevetables, de leurs perfectionnements et des procédés de fabrication industriels. L'application du régime du long terme est alors subordonnée à deux conditions :

  • l'entreprise concédante ne doit pas avoir déjà bénéficié du régime du long terme sur les redevances de concession qu'elle a perçues ;
  • et l'entreprise sous-concédante doit prouver la réalité et la rentabilité de la sous-concession.

L'entreprise sous-concédante doit être la première à bénéficier du régime des plus-values à long terme. Cette situation se rencontre dans le cas où l'entreprise concédante est étrangère : faute d'être imposable en France, elle ne bénéficie pas, par hypothèse, du régime du long terme prévu à l'article 39 terdecies du CGI.

Pour bénéficier du taux réduit au titre des redevances de sous-concession, l'entreprise sous-concédante doit établir que la sous-concession d’une part n'est pas un montage artificiel dont le seul but serait de bénéficier du taux réduit, et d’autre part qu’elle est rentable.

La preuve de la rentabilité de l'opération devrait donc être considérée comme apportée lorsque les redevances de sous-concession excéderont les redevances de concession. La rentabilité de la sous-concession devra être démontrée sur l'ensemble de la période de sous-concession.

L'entreprise sous-concédante devra à ce titre constituer une documentation spécifique dont un décret précisera les modalités d'établissement.

4- Elargissement des droits concernés par le régime du long terme

L'article 126 de la loi étend le champ d'application du régime des plus-values à long terme aux perfectionnements apportés aux brevets et aux inventions brevetables. Ces perfectionnements sont donc désormais éligibles au régime du long terme alors même qu'ils ne répondraient pas aux critères d'une invention brevetable, contrairement à la règle antérieure. Notons que le régime des plus-values à long terme n’est cependant pas étendu aux perfectionnements apportés aux procédés de fabrication industriels.

Les perfectionnements apportés aux brevets et aux inventions brevetables doivent, dans les mêmes conditions que les autres éléments éligibles au régime du long terme, présenter le caractère d'éléments de l'actif immobilisé. Enfin, lorsque les perfectionnements apportés aux brevets et aux inventions brevetables ont été acquis à titre onéreux, ils ne bénéficient du régime des plus-values à long terme qu'à la condition d'être détenus depuis au moins deux ans.

Ces aménagements constituent donc à la fois une harmonisation et un réel assouplissement de la fiscalité des droits de la propriété industrielle au sein des groupes, ce qui mérite d’être signalé en cette période de rigueur budgétaire.


par Arnaud Donguy, Avocat associé

Article paru dans la revue Option Finance le 7 mars 2011