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Les régimes d'exonération partielle "Dutreil" après la loi de finances rectificatives pour 2011

10/10/2011


La loi de finances rectificative pour 2011 assouplit le régime des pactes Dutreil qui permettent de bénéficier d’une exonération de 75% sur la valeur des titres de sociétés tant pour ISF que pour les droits de donation ou succession


La loi du 29 juillet 2011 maintient l’application d’une réduction de droits en fonction de l’âge du donateur pour les donations de titres de société opérées dans le cadre d’un pacte Dutreil transmission(1). En second lieu, et cet article se concentrera sur cet aspect, elle permet l’adhésion d’un nouvel associé aux pactes ISF et transmission et limite les hypothèses de remise en cause des avantages obtenus en cas de rupture du pacte par un signataire. Ces nouveautés sont source d’interrogations et leurs incidences doivent être analysées distinctement pour les pactes transmission et pour les pactes ISF.

1. L’incidence de la réforme sur les pactes transmissions

La loi permet l’adhésion d’un nouvel associé à un pacte en cours (A) et, en cas de cession, la substitution à l’associé cédant de son cessionnaire (B).

A. L’adhésion d’un nouvel associé

La loi subordonne l’adhésion d’un nouvel associé à la reconduction du pacte pour une durée minimale de deux ans.

Si aucune transmission n’a encore été réalisée sous le bénéfice de l’exonération partielle, l’adhésion d’un nouvel associé n’a pas d’intérêt pratique. En effet, il n’est pas plus avantageux ni formellement plus simple de prolonger le pacte initial pour deux années supplémentaires que de conclure avec l’associé concerné un nouveau pacte d’une durée minimale de deux ans. Dans les deux cas, l’opération requiert la signature d’un acte soumis à enregistrement par les souscripteurs d’origine et l’associé qui les rejoint.

Au contraire, si l’avantage fiscal a déjà été revendiqué (une transmission ayant été réalisée), l’adhésion d’un nouvel associé pourra être utile dans certains cas pour éviter la remise en cause de l’exonération obtenue :

  • L’exonération est, rappelons-le, soumise à la condition que l’un des signataires du pacte ou l’un des bénéficiaires de la transmission dirige la société pendant la durée de l’engagement collectif et dans les trois années qui suivent la transmission. Si le signataire qui remplissait jusqu’à présent l’obligation de direction n’est plus en mesure de le faire, un nouveau dirigeant pourra adhérer au pacte.
  • De même, l’adhésion d’un nouvel associé pourra être utile si l’un des signataires envisage de céder ses titres (voir point I B).

Cependant, l’adhésion d’un nouvel associé n’emportera pas que des conséquences favorables puisqu’elle aura pour effet de reporter le point de départ des engagements individuels de conservation des bénéficiaires de la transmission réalisée, engagements qui courent à compter de la fin de l’engagement collectif. Par ailleurs, l’obligation de direction devant être remplie pendant toute la durée de l’engagement collectif, l’adhésion pourra également avoir pour conséquence une prolongation de la durée de cette obligation.

B. Les conséquences d’une cession de titres par un signataire

En cas de cession de titres soumis au pacte à un tiers, la loi prévoit désormais que les exonérations des autres signataires sont maintenues si leurs titres engagés atteignent les seuils minimums de 34% ou 20% et s’ils les conservent jusqu’au terme du pacte. Ces autres signataires préservent alors les exonérations dont ont bénéficié les transmissions qu’ils ont eux-mêmes réalisées. Cette réforme est une avancée notable(2) .

Si les seuils ne sont plus atteints, les exonérations seront maintenues à condition que le cessionnaire adhère au pacte à raison des titres cédés, pour reconstituer les seuils de 34% ou 20%. L’adhésion du cessionnaire est assimilée à celle de l’associé cédant et a les mêmes conséquences (voir point I A). Si le cessionnaire ne veut pas adhérer au pacte, un autre associé pourra le faire afin de maintenir les seuils de 34% ou 20% et éviter ainsi la remise en cause des exonérations.

Quant au cédant, s’il a bénéficié de l’exonération sur les titres cédés, il verra nécessairement son exonération remise en cause car, par hypothèse, il ne sera pas en mesure de remplir son obligation individuelle de conservation de quatre ans qui devait faire suite au pacte.

2. L’incidence de la réforme sur les pactes ISF

Le contenu de la réforme pour les pactes ISF est le même. Cependant, comme ils ne répondent pas à la même logique que les pactes transmissions, les conséquences de la réforme ne sont pas identiques.

A. L’adhésion d’un nouvel associé

On sait que la durée minimale de l’engagement collectif est fixée par la loi à deux ans seulement. En cas de détention directe des actions engagées, il était toutefois conseillé de conclure le pacte pour une durée d’au moins six ans (*) : en effet, après deux ans, les signataires conservent leur exonération même si d’autres rompent leur propre engagement (il est donc mis fin à la solidarité qui existait entre eux au cours des deux premières années) et, aussi longtemps que l’engagement reste valide (conservation par les signataires d’au moins 34% ou 20% du capital), ils bénéficient de la possibilité de céder leurs titres à d’autres signataires. Puis, après six années de pacte, les exonérations passées des signataires sont consolidées.

La réforme indique que l’adhésion d’un tiers entraîne la reconduction pour deux ans de l’engagement en cours. Quels effets emporte cette reconduction pour les diverses parties en présence ? Faut-il toujours privilégier les engagements collectifs longs ?

Il est acquis que deux ans après avoir signé un engagement collectif resté valide, tout signataire d’origine du pacte acquiert un droit à exonération qui n’est plus dépendant de l’attitude de ses cosignataires. La loi nouvelle introduirait une régression que rien ne justifie si elle devait avoir pour résultat de gommer le bénéfice de cet acquis lors de l’introduction d’un nouveau signataire dans un engagement en cours. Ainsi, à notre sens, la reconduction pour deux ans ne modifie pas la situation des signataires d’origine, lesquels conservent le bénéfice des droits qu’ils s’étaient constitués antérieurement. L’adhésion d’un tiers à un engagement ayant plus de deux ans d’existence devrait donc rester neutre pour les signataires d’origine et la réforme ne doit pas inciter à raccourcir la durée des engagements.

De même, la réforme n’a pas changé le principe selon lequel les exonérations sont consolidées six ans après la signature de l’engagement. Il nous semble donc qu’une adhésion ne devrait pas proroger la date de consolidation des exonérations des signataires d’origine.

En revanche, la loi n’apporte aucune réponse certaine sur les effets de son adhésion pour le nouvel entrant. Compte tenu du fait qu’il adhère à un engagement préexistant, le nouvel entrant sera-t-il traité de la même façon que les signataires d’origine ? Si tel était le cas, dans l’hypothèse d’une adhésion à un pacte ayant une antériorité d’au moins deux ans, le nouvel entrant ne dépendrait pas de l’attitude des autres signataires et il consoliderait définitivement ses exonérations en conservant ses titres jusqu’à l’achèvement d’une période de six ans décomptée depuis la date de la signature de l’engagement. A défaut, l’exonération du nouvel entrant serait subordonnée à la conservation collective par l’ensemble des signataires d’une part du capital atteignant les seuils requis de 34% ou 20% pendant les deux premières années suivant son adhésion et, pour consolider définitivement ses exonérations, il devrait conserver ses titres jusqu’à l’achèvement d’une période de six ans décomptée depuis la date de son adhésion. Si cette dernière interprétation était retenue, la nouvelle mesure présenterait peu d’intérêt par rapport à la conclusion d’un nouveau pacte, sauf à éviter le report du point de départ de l’obligation de direction, qui court à compter de la signature de l’engagement collectif.

B. Les conséquences d’une cession de titres par un signataire

La loi prévoyait déjà une absence de remise en cause de l’exonération ISF pour les signataires autres que le cédant en cas de respect des seuils de 34% ou 20%.

La seule nouveauté consiste dans la possibilité de faire adhérer au pacte un cessionnaire en cas de non respect des seuils. L’adhésion ne sera utile pour les autres signataires que si la cession a lieu dans les deux premières années du pacte puisqu’au bout de deux ans, en tout état de cause, ils ne sont plus solidaires du cédant.

Lorsque le cessionnaire adhère au pacte, la cession doit-elle être assimilée à une transmission autorisée entre associés membres initiaux du pacte, moyennant quoi les exonérations dont le cédant a bénéficié seraient maintenues ? Il faudrait que cette solution soit admise si l’on veut que la réforme emporte ses pleins effets. Le cédant aurait alors toujours intérêt à ce que le cessionnaire adhère au pacte, même lorsque les seuils de 34% ou 20% restent atteints sans l’appoint de ses titres.

Les pactes Dutreil impliquent donc plus que jamais une gestion fine si l’on souhaite en bénéficier en toute sécurité juridique. On regrettera que les assouplissements introduits par la loi de finances rectificative ne s’appliquent qu’aux titres détenus en direct et non dans le cas de sociétés interposées où l’obligation de maintien des participations inchangées à chaque niveau d’interposition représente une contrainte injustement pénalisante.

(*) Sylvie Lerond et Grégory Dumont, De l’utilité de conclure des pactes Dutreil distincts « ISF » et « donation-succession », Option Finance 2008 n°974 p.28 ; Comment réduire son ISF ? Dossiers Pratiques Francis Lefebvre n°4915


1. Réduction de 50% si le donateur a moins de 70 ans. Cette réduction ne s’applique que pour les donations en pleine propriété de sociétés opérationnelles

2. Elle ne s’applique cependant que lorsque les titres engagés sont détenus en direct. En cas de cession de titres par une société interposée, cette souplesse n’existe pas.


Par Sylvie Lerond et Grégory Dumont, avocats CMS Bureau Francis Lefebvre

Article paru dans la Revue Option Finance du 10 octobre 2011

Auteurs

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Sylvie Lerond
Grégory Dumont
avocat