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Lettre Douanes/Accises | Février 2012

13/02/2012

La loi de finances pour 2012 vient de créer deux nouvelles contributions qui s’ajoutent pour certaines catégories de produits au droit spécifique sur les eaux et les boissons gazéifiées ou non prévu par l’article L 520 A du CGI (articles 1613 ter et 1613 quater nouveaux du CGI).

Ces deux nouvelles contributions, plus connues sous le nom de « taxes soda», s’appliquent aux boissons et préparations liquides pour boissons destinées à la consommation humaine qui :

  • Relèvent des codes NC 2009 et NC 2202 du tarif des douanes ;
  • Contiennent des sucres ajoutés ou des édulcorants de synthèse ;
  • Sont conditionnées dans des récipients destinés à la vente au détail soit directement, soit par l’intermédiaire d’un professionnel ;
  • Et dont le titre alcoométrique n’excède pas 1,2 % vol. ou, dans le cas des bières au sens de l’article 520 A, 0,5 % vol.

Sont exclus du périmètre de cette contribution les laits infantiles premier et deuxième âges, les laits de croissance et les produits de nutrition entérale pour les personnes malades ainsi que les denrées destinées à des fins médicales spéciales et les aliments hyperprotéinés destinés aux personnes dénutries.

Les redevables de ces deux nouvelles contributions, dont le montant est fixé à 7,16 € par hectolitre, sont les fabricants établis en France, les importateurs et les personnes qui réalisent en France des acquisitions intracommunautaires, sur toutes les quantités livrées à titre onéreux ou gratuit.

Sont également redevables de ces contributions les personnes qui, dans le cadre de leur activité commerciale, fournissent à titre onéreux ou gratuit à leurs clients des boissons consommables en l’état relevant des codes NC 2009 et NC 2202 du tarif des douanes, dont elles ont préalablement assemblé les différents composants présentés dans des récipients non destinés à la vente au détail.

Les expéditions vers un autre État membre de l’Union européenne ou un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ainsi que les exportations vers un pays tiers sont exonérées de la contribution lorsqu’elles sont réalisées directement par les redevables.

Les deux nouvelles contributions sont acquittées auprès de l’administration des douanes. Elles sont recouvrées et contrôlées selon les règles, sanctions, garanties et privilèges applicables au droit spécifique mentionné à l’article 520 A du CGI. Le droit de reprise de l’Administration s’exerce dans les mêmes délais.

On peut saluer l’initiative du législateur qui a eu recours, pour définir les produits concernés, à la nomenclature douanière. Entrent ainsi, par exemple, dans le champ des deux nouvelles contributions des produits fabriqués à partir de lait, comme les laits aromatisés, puisqu’ils relèvent de la position 2202. En revanche les yogourts à l’état liquide aromatisés ne sont pas visés, étant classés sous la position 0403.

On relèvera cependant une incertitude sur la définition exacte de la notion de « contenant destiné à la vente au détail » malgré les précisions apportées par la circulaire du 24 janvier 2012 (BOD n° 6919).

Les deux nouvelles contributions frappent les personnes qui, dans le cadre de leur activité commerciale, fournissent à titre onéreux et gratuit à leurs clients des boissons ou préparations consommables en l’état dont elles ont préalablement assemblés les différents composants présentés dans des récipients non destinés à la vente au détail. Notons ici que ne sont donc redevables que les établissements qui assemblent « les différents composants présentés dans des récipients non destinés à la vente au détail ».

Cette disposition est destinée à faire entrer dans le champ des deux nouvelles contributions les établissements de restauration qui assemblent les composants des boissons qu’ils servent à leurs clients.

Articles 26 et 27 de la Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012. 
Circulaire du 24 janvier 2012 publiée au BOD n° 6919.

Attention à l’intermédiation sur les plateformes de e-commerce

Un exploitant de deux boutiques en ligne a mis aux enchères des articles originaires de Chine sur la plateforme Internet eBay. Il a agi en tant qu’intermédiaire pour la conclusion des contrats de vente de ces marchandises et a récupéré la contrepartie financière des ventes.

La fixation des prix et la livraison par la voie postale des marchandises ont été, quant à elles, assurées par le fournisseur chinois de celles-ci. Or, les marchandises en cause ont été livrées aux acheteurs, établis en Allemagne, sans avoir été présentées en douane et sans que les droits à l’importation aient été perçus, apparemment en raison d’indications erronées communiquées par ledit fournisseur quant au contenu et à la valeur de l’expédition.

L’administration des douanes compétente a donc réclamé les droits et taxes dus à raison de ces importations à l’exploitant des boutiques en ligne, sur le fondement de l’article 202, paragraphe 3, deuxième tiret, du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le « code des douanes »).

L’article 202 du code des douanes désigne les personnes auprès desquelles il est possible de recouvrer la dette douanière née de l’introduction irrégulière de marchandises dans le territoire de l’Union. Les personnes débitrices de cette dette sont énumérées au paragraphe 3 de cet article.

Il s’agit de :

  • la personne qui a procédé à cette introduction irrégulière,
  • des personnes qui ont participé à cette introduction en sachant ou en devant raisonnablement savoir qu’elle était irrégulière,
  • ainsi que celles qui ont acquis ou détenu la marchandise en cause et qui savaient ou devaient raisonnablement savoir au moment où elles ont acquis ou reçu cette marchandise qu’il s’agissait d’une marchandise introduite irrégulièrement.

 Estimant ne pas être le redevable de la dette douanière, l’exploitant des boutiques en ligne a contesté devant les juridictions compétentes l’interprétation faite par l’administration douanière de l’article 202 paragraphe 3, deuxième tiret du code des douanes. C’est dans ce contexte que la juridiction de renvoi a posé à la CJUE la question préjudicielle suivante :

« Une dette douanière découlant de la ‘participation’ à l’introduction irrégulière d’une marchandise dans le territoire douanier de l’Union européenne, au sens de l’article 202, paragraphe 3, deuxième tiret, du [code des douanes], naît-elle à la charge de celui qui, sans apporter directement son concours à l’introduction, sert d’intermédiaire pour la conclusion des contrats de vente relatifs aux marchandises en question et envisage, dans ce contexte, que le vendeur puisse livrer les marchandises ou une partie d’entre elles en fraude des droits à l’importation ? ».

Après avoir constaté que l’exploitant des deux boutiques en ligne s’était limité à intervenir dans la conclusion des contrats de vente des marchandises, à récupérer la contrepartie de la vente et à communiquer les nom et adresse des acheteurs au fournisseur desdites marchandises, la Cour énonce que l’intéressé n’est pas susceptible d’être débiteur de la dette douanière de ce simple fait. En effet, en application de l’article 202, paragraphe 3, deuxième tiret, du code des douanes, seules sont débitrices de la dette douanière les personnes qui ont participé à l’introduction irrégulière de marchandises sur le territoire de l’Union en sachant, ou en devant raisonnablement savoir, que cette introduction était irrégulière. Il en résulte que la qualification de débiteur, au titre de cette disposition, est subordonnée à deux conditions, dont la première est objective, à savoir la participation à ladite introduction, et la seconde subjective, à savoir que les personnes aient participé sciemment aux opérations d’introduction irrégulière.

Cette condition subjective, figurant à l’article 202, paragraphe 3, deuxième tiret, du code des douanes, suppose que les personnes qui ont participé à l’introduction irrégulière savaient ou devaient raisonnablement savoir qu’elle était irrégulière, ce qui implique qu’elles avaient, ou devaient raisonnablement avoir, la connaissance de l’existence d’une ou de plusieurs irrégularités.

La Cour répond donc à la question préjudicielle dans les termes suivants :

« l’article 202, paragraphe 3, deuxième tiret, du code des douanes doit être interprété en ce sens que doit être considérée comme débitrice de la dette douanière née de l’introduction irrégulière de marchandises dans le territoire douanier de l’Union la personne qui, sans apporter directement son concours à cette introduction, a participé à celle-ci en tant qu’intermédiaire pour la conclusion des contrats de vente relatifs auxdites marchandises, dès lors que cette personne savait, ou devait raisonnablement savoir, que ladite introduction serait irrégulière, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier. »

La cour de renvoi devra donc apprécier si la condition subjective est bien remplie. En particulier elle pourra vérifier si l’intermédiaire exploitant les deux boutiques en ligne a été diligent et avisé en ayant pris soin d’entreprendre toutes les démarches pouvant raisonnablement être attendues de lui pour s’assurer que les marchandises en question ne seront pas introduites de façon irrégulière, notamment en informant le fournisseur de son obligation de déclarer ces dernières en douane.

Même si la CJUE laisse le soin à la juridiction de renvoi d’apprécier l’existence de la condition subjective, elle pose dans cet arrêt les principes qui devront être appliqués par les exploitants communautaires de boutiques en ligne afin de ne pas être reconnus comme débiteurs de la dette douanière lorsqu’ils s’interposent dans la vente de marchandises tierces.

Arrêt CJUE, 17/11/11, affaire C-454/10

Le droit de communication

Par un arrêt du 15 novembre 2011, la Cour de cassation a transmis au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative à l’article 65 du Code des Douanes. Cette disposition sert de fondement à la quasi-totalité des contrôles douaniers dans la mesure où elle organise le droit de communication de tous papiers et documents relatifs aux opérations intéressant les services douaniers.

En effet, c’est sur la base de ce texte que les enquêteurs douaniers réclament aux entreprises, lors de leurs enquêtes, la remise de copies de tous documents professionnels (documents douaniers, documents comptables, …). La transmission par la Cour de cassation au Conseil constitutionnel d’une QPC relative à ce pouvoir d’enquête de l’Administration suscitait donc un intérêt particulier.

Dans une décision du 27 janvier 2012, le Conseil constitutionnel vient de déclarer conforme l’article 65 du Code des Douanes en considérant :

  • que cet article ne confère pas aux agents des Douanes un pouvoir d’exécution forcée pour obtenir la remise des documents qu’ils sollicitent (même si on peut regretter que la décision ne fasse pas référence à l’article 413 bis du code des douanes qui définit l’opposition à fonction et se lit en combinaison avec l’article 65),
  • que ce texte ne leur accorde pas non plus un pouvoir général d’audition ou de perquisition puisque seuls les documents volontairement remis à l’Administration peuvent être saisis,
  • que ce texte n’interdit pas à toute personne intéressée d’avoir recours à l’assistance d’un avocat,
  • et qu’enfin, les contrôles effectués sur la base de l’article 65 peuvent donner lieu à un examen de leur régularité par les juridictions compétentes.

Le droit de communication de l’administration des Douanes ne ressort donc nullement ébranlé de cette épreuve. Pourtant la généralité de ce texte demeure troublante notamment lorsqu’il prévoit que les documents dont la communication peut être demandée sont l’ensemble des livres, registres, notes et pièces justificatives (comptabilité, registres, factures, correspondances, copies, etc.) relatifs à l’activité professionnelle de l’entreprise et ceci chez toute personne physique ou morale directement ou indirectement intéressée par des opérations relevant de la compétence des services de la Douane.

La vente par enchères, avant jugement, des moyens de transport et des marchandises périssables saisis

Signalons qu’une autre QPC concernant également la matière douanière a été accueillie cette fois-ci favorablement par le Conseil constitutionnel dans une décision du 2 décembre 2011.

Etait en cause ici l’article 389 du Code des Douanes qui encadre la possibilité de vente, avant, jugement des marchandises périssables et des moyens de transport saisis par l’administration des Douanes.

Le Conseil a considéré l’article 389 comme contraire à la Constitution. En effet, il apparaît que cette disposition autorise un examen par le juge de la demande de vente présentée par la Douane sans que le propriétaire soit entendu ou appelé. En outre, le contrôle par voie d’appel de la décision du juge n’est pas suspensif. Le défaut de contradictoire et le caractère non suspensif de la voie de recours ont donc convaincu le Conseil constitutionnel du caractère non conforme à la Constitution de cet article du Code des Douanes. On notera que la décision ne fait pourtant produire des effets à cette situation d’inconstitutionnalité qu’à compter du 1er janvier 2013.

Décision n°2011-203 QPC du Conseil constitutionnel du 02/12/11 
Décision n°2011-214 QPC du Conseil constitutionnel du 27/01/12

Transfert du contentieux du recouvrement douanier du Tribunal d’Instance au Tribunal de Grande Instance

A la différence du contentieux fiscal, le contentieux douanier est un contentieux judiciaire. Il est confié, pour ses aspects répressifs, aux tribunaux de police (contraventions) ou correctionnels (délits). Le contentieux du recouvrement, c’est-à-dire, pour l’essentiel, le contentieux de contestation des avis de mise en recouvrement émis par les Directions Régionales des Douanes et Droits Indirects est aujourd’hui confié aux tribunaux d’instance. La loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles transfère, à compter du 1er janvier 2013, cette dernière compétence aux tribunaux de grande instance. Les recours introduits avant le 31 décembre 2012 resteront soumis aux tribunaux d’instance.

Ce changement de juridiction devrait permettre une meilleure spécialisation des juges dans les affaires strictement douanières ou de fiscalité intérieure perçue par la Douane (TGAP, fiscalité énergétique, alcool, etc…).

La loi laisse cependant sans réponse un certain nombre de questions de procédure comme celle de la représentation obligatoire par avocat devant le tribunal de grande instance ou celle du caractère écrit de la procédure : en effet, le code des Douanes qui n’avait pas envisagé un contentieux devant le tribunal de grande instance, prévoit que la procédure est orale et que le ministère d’avocats n’est pas obligatoire.

Ces questions mériteront d’être éclaircies avant le 31 décembre 2012.

Loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011

La valeur en douane, fondée sur la valeur transactionnelle d’une marchandise, doit être déclarée telle qu’elle est connue au moment du passage en douane de la marchandise. L’application de cette règle rend difficile la prise en compte d’ajustements des prix de transfert intra-groupes, qu’ils soient en plus ou en moins, dès lors qu’ils ne sont pas encore connus au moment du dédouanement.

Pour pallier cette difficulté, la Douane propose de mettre en place des Conventions de valeur provisoire permettant de ne déclarer qu’une valeur provisoire au moment du dédouanement et de la régulariser ultérieurement, en tant que de besoin, une fois connus les ajustements de prix de transfert. Cette régularisation peut donner lieu à un versement complémentaire de droits et taxes en cas d’ajustement à la hausse ou, au contraire, au remboursement du trop-perçu en cas d’ajustement à la baisse. Le recours à la convention est indispensable car, à défaut, seuls seront opérés les ajustements à la hausse.

Cet assouplissement qui est rendu possible par les articles 254 et suivants des dispositions d’application du Code des douanes communautaires, s’inscrit dans le cadre d’une démarche plus générale de convergence entre la pratique des prix de transfert et de la valeur en douane.

« Régime 42 » : nouvelle décision administrative n°11-034 du 14 décembre 2011

Le « régime 42(1)» permet d’importer en France en exonération de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) des biens qui font ensuite l’objet d’une livraison intracommunautaire elle-même exonérée de la TVA.

Ce système permet d’une part, de ne pas avoir à solliciter le régime du transit (pas de garantie à mettre en place notamment) et d’autre part, une circulation libre des marchandises entre l’importateur français et le destinataire établi dans un autre Etat membre.

Pour que cette exonération puisse s’appliquer, il est notamment nécessaire que la livraison intracommunautaire intervienne immédiatement après l’opération d’importation.

La nouvelle instruction publiée par le Ministère du budget, des comptes publics, et de la réforme de l’Etat présente les obligations auxquelles l’importateur doit se soumettre pour bénéficier de ce dispositif particulier d’exonération de TVA, telles qu’elles sont prévues dans le décret n° 2010-1288 du 27 octobre 2010 qui transpose la directive 2009/69/CE du Conseil du 25 juin 2009 relative au système commun de TVA en ce qui concerne la fraude fiscale liée aux importations.

Désormais, pour bénéficier du « régime 42 », l’importateur doit notamment être en mesure de pouvoir fournir au moment de l’importation les informations suivantes :

  • le numéro d’identification TVA qui lui est attribué dans l’Etat membre d’importation ;
  • le numéro d’identification TVA attribué dans un autre Etat membre au client auquel les biens sont destinés à être livrés (ou son propre numéro d’identification TVA attribué dans l’Etat membre d’arrivée de l’expédition ou du transport des biens lorsque ces derniers font l’objet d’un simple transfert) ;
  • un élément de preuve justifiant que les biens importés sont destinés à être transportés ou expédiés vers un autre Etat membre.

Décision administrative n°11-034 du 14 décembre 2011 (BOD n°6912 du 14 décembre 2011)

(1) Article 291 III 4° du code général des impôts


Equipe Douanes / Accises

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Auteurs

Portrait deNathalie Pétrignet
Nathalie Petrignet
Associée
Paris
Portrait deDenis Redon
Denis Redon
Associé
Paris