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Mobilisation des créances de carry-back et de crédit d'impôt recherche

Jean-Yves Mercier

12/03/2009

Le Plan de relance de l'économie dévoilé le 4 décembre dernier par le Président de la République comporte un volet fiscal qui s'est immédiatement concrétisé dans la loi de finances rectificative pour 2008 qui vient d'être publiée. Certaines entreprises vont immédiatement dégager des marges de trésorerie significatives

Les deux dispositions phares du plan qui vient d'être adopté sont :

  • le remboursement anticipé par l'Etat des créances nées du report en arrière des déficits et l'octroi d'un paiement immédiat de la créance à naître du report du déficit de l'exercice clos le 31 décembre 2008 (ou qui était en cours à cette date)
  • l'apurement immédiat par l'Etat de ses dettes au titre du crédit d'impôt recherche des années 2005 à 2007 et l'octroi d'un paiement immédiat au titre du crédit appelé à naître des dépenses de l'année 2008 : fraction excédant l'IS de l'exercice clos le 31 décembre 2008 (ou en cours à cette date) ou montant total de ce crédit si l'exercice est déficitaire.

S'y ajoute la possibilité d'obtenir le remboursement immédiat des acomptes d'impôt sur les sociétés versés en trop par rapport à l'impôt définitif de l'exercice clos le 31 décembre 2008.

I. Créances de report en arrière des déficits

1.1 Les entreprises peuvent, sur simple demande, obtenir dès à présent le remboursement de l'ensemble des créances qu'elles détiennent sur le Trésor à raison de l'exercice d'un report en arrière de déficits. Seules sont exclues les créances qui ont été cédées en garantie à une banque ou remises à l'escompte (la banque détentrice devra alors attendre le cinquième anniversaire de la créance pour être payée par l'Etat).

Les créances ainsi devenues remboursables à partir du 1er janvier 2009 sont :

  • d'une part, toutes celles qui étaient nées au 31 décembre 2008
  • d'autre part, celle appelée à naître après cette date d'une option exercée au titre d'un exercice clos au plus tard le 30 septembre 2009.

Il s'agit en pratique de la créance afférente au report du déficit constaté à la clôture des exercices arrêtés au cours de la période 30 septembre 2008 - 30 septembre 2009. Et pour donner à cette mesure l'effet le plus immédiat, le texte autorise exceptionnellement les sociétés concernées à déposer leur déclaration d'option dès le lendemain de la clôture de l'exercice déficitaire, sur la base d'une estimation du déficit en cause, la marge d'erreur tolérée étant de 20 %.

C'est en effet seulement si la créance estimative excédait 20 % de la créance exactement déterminée après établissement de la déclaration du résultat que la société serait soumise à une amende de 5 % et à l'intérêt de retard de 0,4 % par mois, tous deux appliqués au montant du remboursement indu.

1.2 Le droit à remboursement étant posé sans réserves, les sociétés mères d'un groupe intégré qui ont racheté à leurs filiales les créances dont celles-ci étaient titulaires, obtiendront par anticipation le remboursement intégral desdites créances (la règle spéciale groupe qui fait dépendre l'utilisation par la mère des créances nées chez les filiales de la réalisation d'un bénéfice par ces sociétés n'ayant évidemment pas cours).

1.3 Pour exercer leurs droits, les sociétés intéressées doivent prendre certaines mesures préparatoires :

  • s'agissant des créances déjà nées, elles doivent chercher à obtenir des services fiscaux, si ce n'est déjà fait, les certificats attestant l'existence de leurs créances
  • s'agissant de la créance appelée à naître du report du déficit de l'exercice clos le 31 décembre 2008, elles doivent se livrer à une estimation du déficit de l'exercice concerné et déterminer, au vu des bénéfices issus des trois précédents exercices, la base d'imputation de ce déficit estimatif (en suivant le processus prescrit par la déclaration d'option à établir sur la formule n° 2039). Dans les groupes intégrés, ce travail préparatoire requiert le concours de chaque société membre du groupe, quel que soit le sens de ses résultats propres.

L'introduction de cette possibilité de remboursement anticipé pourra inciter les sociétés qui avaient cédé leurs créances en garantie à rechercher l'accord de leur banque pour obtenir l'annulation de cette cession de manière à redevenir titulaires de créances immédiatement remboursables.

II. Crédit d'impôt recherche

2.1 Au 1er janvier 2009

  • Les créances qui subsistent à l'actif des entreprises au titre du crédit d'impôt recherche afférent aux années 2005, 2006 et 2007 deviennent immédiatement remboursables. Le remboursement anticipé ne s'étend pas à celles des créances susvisées qui ont été cédées en garantie à une banque ou escomptées, ce qui pourra justifier la demande d'une annulation de cette cession
  • Les entreprises obtiendront, sur simple demande, le paiement immédiat du crédit d'impôt afférent à leurs dépenses de recherche de l'année 2008, à hauteur de la fraction de ce crédit qui excède le montant de l'impôt sur les sociétés afférent au résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2008 ou en cours à cette date.

2.2 L'obtention du remboursement des créances en instance ne nécessitera pas d'autres démarches que la production de l'état de ces créances.

2.3 La mobilisation du crédit d'impôt recherche de l'année 2008 appelle une préparation plus exigeante. L'entreprise devra tout d'abord évaluer son droit à crédit suivant les règles, substantiellement aménagées, entrées en vigueur au 1er janvier 2008 (crédit calculé au taux de 30 % sur le montant même des dépenses sans condition d'un accroissement de l'effort de recherche par rapport aux années précédentes).

Elle devra ensuite procéder à une estimation du résultat fiscal de l'exercice qui vient tout juste d'être clos (clôture au 31 décembre 2008) ou de celui qui va l'être courant 2009 (estimation dont la difficulté croît en fonction de l'éloignement de la date d'arrêté).

Et il faudra surtout que l'avantage demandé ne dépasse pas de plus de 20 % la différence positive entre, d'une part, le montant du crédit d'impôt définitif et, d'autre part, le montant de l'IS de l'exercice concerné. Au-delà de cette marge d'erreur, une pénalité de 5 % et l'intérêt de retard seraient dus sur toute la partie du remboursement se révélant avoir été indûment obtenue.

2.4 Ce travail de double estimation doit, dans les groupes intégrés, être mené chez chaque société membre. En effet, c'est la somme algébrique des résultats de l'ensemble des sociétés du groupe qui donne la mesure de l'IS à la charge de la société tête de groupe et c'est le total des crédits d'impôt nés chez chacune d'elles qui, s'il dépasse l'IS de l'exercice, détermine le montant du paiement à recevoir de l'Etat par la société intégrante.

III. Restitution immédiate des acomptes d'IS excédentaires

3.1 Visant le cas où, au titre d'un exercice qui sera clos au plus tard le 30 septembre 2009, les acomptes d'impôt sur les sociétés versés avant la clôture excèdent l'impôt finalement dû, la loi autorise la société à demander au Trésor le remboursement du trop versé dès le lendemain de la clôture, sans avoir à attendre l'échéance fixée pour la détermination du solde, laquelle se situe trois mois et demi après la clôture.

Ainsi, peut être demandé dès maintenant le remboursement du trop versé des acomptes de l'exercice qui a été clos le 31 décembre 2008, de même que des trop versés afférents aux résultats des exercices clos le 30 septembre 2008 (soit quelques jours avant l'échéance normale du 15 janvier 2009), le 31 octobre ou le 30 novembre 2008.

L'exercice de cette faculté nécessite lui aussi un travail d'estimation du résultat imposable. Mais, là encore, une marge d'erreur de 20 % sera tolérée.

3.2 Voici, à partir d'un exemple, comment s'apprécie cette marge. Les acomptes versés en cours d'exercice ont représenté 130, alors que la société estime à 100 le montant de l'impôt dû et demande en conséquence un remboursement de 30.

1er cas : L'impôt définitif s'établit à 115. Le montant non remboursé des acomptes (100) étant au moins égal à 80 % de celui de la cotisation définitive, aucune pénalité n'est applicable.

2ème cas : L'impôt définitif s'établit à 125. Le montant non remboursé des acomptes (100) étant inférieur de plus de 20 % au montant de la cotisation définitive, l'entreprise sera soumise à l'amende de 5 % et à l'intérêt de retard de 0,4 % par mois sur l'excédent d'acomptes indûment remboursés : en l'occurrence sur 25.

3.3 Cette possibilité de remboursement anticipé intéresse spécialement les groupes intégrés qui se sont formés au 1er janvier 2008 ou se sont enrichis à cette date de nouvelles filiales car, en pareille situation, les sociétés devenues membres du nouveau groupe ou du groupe élargi ont dû normalement continuer de verser des acomptes calculés sur leurs propres résultats antérieurs, ce qui peut faire que le total des acomptes ainsi versés excède sensiblement l'IS d'ensemble.

C'est normalement la société tête de groupe qui présentera la demande de remboursement.

Article paru dans la revue Option Finance du 5 janvier 2009