La preuve de pratiques anticoncurrentielles ne saurait être établie sur la base d'enregistrements téléphoniques obtenus de façon déloyale.
C'est ce que vient d'affirmer l'assemblée plénière de la Cour de cassation dans un attendu de principe : sauf disposition expresse contraire du Code de commerce, les règles du Code de procédure civile s'appliquent au contentieux des pratiques anticoncurrentielles relevant de l'Autorité de la concurrence.
Dès lors «l'enregistrement d'une communication téléphonique réalisé à l'insu de l'auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve» (arrêt du 7 janvier 2011).
Cette décision devrait mettre fin à la divergence opposant la Cour d'appel de Paris à la chambre commerciale de la Cour suprême.
On se souvient que, saisie pour la première fois de la question des moyens de preuve en droit de la concurrence, la chambre commerciale avait censuré, pour violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme {droit au procès équitable), la cour d'appel de Paris qui avait admis à titre de preuve d'une entente sur les prix des enregistrements clandestins produits par une entreprise victime des pratiques anticoncurrentielles (arrêt du 3 juin 2008). Or, statuant sur renvoi après cette cassation, la cour de Paris avait marqué sa résistance, considérant que l'article 6 § 1 de la CEDH n'emporte aucune conséquence quant à l'admissibilité des preuves, qui reste régie par le droit national, mais exige seulement que la procédure, prise dans son ensemble, garantisse un procès équitable. Elle en avait déduit que, si les enregistrements litigieux constituaient «un procédé déloyal à l'égard de ceux dont les propos ont été insidieusement captés, ils ne doivent pas pour autant être exclus du débat et ainsi privés de toute vertu probante par la seule application d'un principe énoncé abstraitement, mais seulement s'il est avéré que la production de ces éléments a concrètement porté atteinte au droit à un procès équitable, au principe du contradictoire et aux droits de la défense de ceux auxquels ils sont opposés» (arrêt du 29 avril 2009).
La Cour d'appel de Paris, appelée de nouveau à se prononcer dans cette affaire, devra cette fois-ci suivre l'interprétation de la Cour de cassation en censurant la décision de condamnation prise par l'Autorité de la concurrence sur la base des enregistrements clandestins. Pour cela, elle devra abandonner définitivement l'idée selon laquelle le caractère répressif des poursuites engagées devant l'ADLC permettrait de s'inspirer des règles de procédure pénale, et particulièrement de l'article 427 du Code de procédure pénale qui pose le principe de la liberté des preuves.
En effet, pour fonder la cassation, l'assemblée plénière s'est prononcée non seulement au visa de l'article 6 § 1 de la CEDH mais également du principe de loyauté dans l'administration dela preuve et de l'article 9 du Code de procédure civile. Elle entend ainsi marquer son attachement au principe de loyauté, qui participe pleinement à la réalisation du droit fondamental de toute partie à un procès équitable et s'applique en tout domaine, y compris en droit de la concurrence. Le rappel de l'application des règles de procédure civile aux pratiques anticoncurrenticllcs, sauf dispositions contraires du Code de commerce, et la référence expresse à l'article 9 du CPC clarifient définitivement la nature du recours formé contre les décisions de l'ADLC.
par Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat
Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 24 janvier 2011
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