Home / Publications / Nouvelle condamnation en contrefaçon de droit d’auteur...

Nouvelle condamnation en contrefaçon de droit d’auteur pour le "transformateur" Jeff Koons

Lettre Propriétés intellectuelles | Janvier 2019

31/01/2019

Alors que Bansky a fait parler de lui dans les salles des ventes avec son œuvre "Girl with Balloon" qui s’est détruite "spontanément" quelques secondes après avoir été adjugée, le nom de Jeff Koons revient pour la deuxième fois devant le tribunal de grande instance de Paris. Celui-ci a récemment jugé que la sculpture en porcelaine dénommée "Fait d’hiver", créée en 1988 et exposée au centre Georges Pompidou en 2014, contrefaisait le visuel réalisé par le photographe Franck Davidovici pour une campagne de publicité Naf-Naf en 1985 (TGI Paris, 8 novembre 2018, n° 15/02536).

Cette condamnation de l’artiste et de ses exposants, la société Jeff Koons LLC et la société Centre national d’art et de culture Georges Pompidou, intervient peu de temps après une première condamnation rendue par la même juridiction (TGI Paris, 9 mars 2017, n°15/01086) dans une autre affaire portant sur la sculpture "Naked", jugée être une contrefaçon de la photographie "Enfants" de Jean-François Bauret.

Dans la nouvelle affaire, la contrefaçon était relativement évidente : le Tribunal est arrivé sans difficulté à la conclusion selon laquelle les éléments originaux de la photographie (une femme brune allongée dans la neige, une mèche de cheveux plaquée sur sa joue gauche, avec à ses côtés un cochon portant un tonneau de Saint Bernard) étaient reproduits par la sculpture de Jeff Koons.

L’intérêt de la décision réside essentiellement dans la défense de Jeff Koons : celui-ci justifiait la copie, d’une part, par le droit à la parodie et, d’autre part, par la liberté d’expression artistique. Le Tribunal a donc dû rechercher si la légitime protection des droits d’auteur sur l’œuvre première n’aboutissait pas à une atteinte injustifiée à ces droits fondamentaux. Il s’agit donc d’une nouvelle illustration de ce travail de "mise en balance" confié aux juges depuis la fameuse affaire "Klasen" (Cass, 1re civ. , 15 mai 2015, n° 13-27.391 ; CA Versailles, 16 mars 2018, n° 15/06029).

L’exception de parodie a logiquement été écartée : la sculpture de Koons ne pouvait pas être considérée comme "une manifestation d’humour ou de raillerie" de l’œuvre première dans la mesure où celle-ci était inconnue du public. Pour parodier, faut-il encore que l’objet de la parodie soit connu du public concerné.

Pour ce qui est de la liberté d’expression artistique, Jeff Koons expliquait sa démarche en indiquant que la série "Banality", à laquelle appartient "Fait d’hiver", poursuit "le but d’éliminer tout jugement de valeur […] et qu’il n’y a pas à avoir honte de nos goûts et de notre histoire". Ainsi, en habillant la jeune femme de la robe portée par l’actrice pornographique et femme politique italienne appelée "La Cicciolina", l’artiste avait voulu véhiculer le message selon lequel chacun doit avoir confiance en ses propres goûts.

Cette justification n’a pas trouvé d’écho favorable auprès des juges du fond qui ont considéré "qu’en reproduisant substantiellement ce visuel, par ailleurs inconnu du public, Jeff Koons ne peut prétendre avoir voulu susciter ‘un débat touchant à l’intérêt général, ou même à un débat concernant l’art, qui justifierait l’appropriation qu’il a faite d’une œuvre protégée' mais qu’au contraire, la reprise de la photographie "ne pouvait se faire sans l’autorisation de l’auteur de l’œuvre ‘première’".

La contrefaçon des droits de reproduction, de représentation et de paternité de l’œuvre du photographe était ainsi caractérisée.

Les principaux défendeurs ont donc été condamnés à verser à Franck Davidovici la somme de 110 000 euros pour la représentation de l’œuvre lors de l’exposition rétrospective, 25 000 euros pour la reproduction de l’œuvre sur le catalogue, l’album et le portfolio de l’exposition et 11 000 euros pour la reproduction de l’œuvre sur le site Internet de l’artiste.

Toutefois, la demande de confiscation de l’œuvre litigieuse, estimée entre 4 et 6 millions de dollars, a été rejetée.


En savoir plus sur notre cabinet d'avocats :

Notre cabinet d'avocats est l’un des principaux cabinets d’avocats d’affaires internationaux. Son enracinement local, son positionnement unique et son expertise reconnue lui permettent de fournir des solutions innovantes et à haute valeur ajoutée dans tous les domaines du droit.

cabinet avocats CMS en France

A propos de notre cabinet d'avocats

expertise droit propriété intellectuelle 330x220

Expertise : Droit de la propriété intellectuelle

Publication : Lettre Propriétés intellectuelles

Auteurs

Portrait deJoséphine Colin
Josephine Colin
Portrait deJean-Baptiste Thiénot
Jean-Baptiste Thiénot
Associé
Paris