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Opportunité du report du point de départ du délai d'opposition à la date de la publication au BODACC

Lettre Corporate | Décembre 2018 #2

20/12/2018

La proposition de loi SOILIHI (n° 759), adoptée en première lecture par le Sénat fixe le point de départ du délai d’opposition des créanciers lors d’une opération de transmission universelle de patrimoine (TUP) prévue par l’article 1844-5 du code civil à la date de la publication de l’avis de dissolution au Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales (BODACC). Si cette disposition est censée combler un "vide juridique", elle s’avère en pratique regrettable.

L’opération juridique de TUP d’une filiale à sa société mère détenant l’intégralité des titres de la société dissoute, est soumise à un régime juridique qui a le mérite d’être succinct et simplifié1. À la suite de la décision de dissolution prise par la société mère, le dirigeant de la société confondue ou son mandataire, le cas échéant, devra faire procéder à la publication de la dissolution dans un journal d’annonces légales du département du siège social de ladite société. Puis il devra déposer les documents sociaux relatifs à la dissolution de la filiale au greffe du tribunal de commerce après enregistrement pour qu’ensuite le greffier publie l’avis correspondant au BODACC.

Ces formalités sont nécessaires pour informer correctement les créanciers de l’opération en cause afin qu’ils puissent exercer leur droit d’opposition dans les plus brefs délais. L’effectivité de la TUP n’interviendra qu’à l’issue de l’expiration du délai d’opposition des créanciers ou au moment du rejet de l’opposition prononcé par le tribunal ou encore au moment de la réalisation du remboursement des créances ou enfin au moment de la constitution des garanties requises.2

Aujourd’hui, le délai d’opposition court à compter de la publication de l’avis de dissolution. Mais de quelle publication parle-t-on dans le silence des textes ?

La commission des lois de l’Assemblée nationale considère que "ce manque de précision concernant la formalité de publication de la dissolution de la société crée une insécurité juridique et rend possible une utilisation détournée de la règle visant à informer les créanciers de cette dissolution". La jurisprudence3 tout comme la pratique4 ont fixé le point de départ du délai d’opposition à la date de publication de la dissolution dans le journal d’annonces légales compétent, la réalisation de la publication étant à la diligence du dirigeant de la société. Ainsi, en pratique, le délai entre le dépôt au greffe et la publication de l’avis de dissolution au BODACC réalisée par le greffier n’a aucune incidence sur le délai d’opposition qui a déjà commencé à courir.Le projet de loi prévoit de fixer le début du délai d’opposition des créanciers à la date de publication de l’avis de dissolution au BODACC.Ce faisant si l’exercice est louable, il n’en reste pas moins qu’il va être plus difficile pour les dirigeants des sociétés de prévoir la date de réalisation effective de la transmission du patrimoine. En effet, cette publication au BODACC va dépendre de la date de transmission par le greffier de l’avis de dissolution au BODACC, sans possibilité à ce jour de convenir à l’avance de la date de cette publication alors qu’aujourd’hui les dirigeants disposent d’une maîtrise avec les journaux d’annonces légales pour fixer la date de publication de l’avis de dissolution étant toutefois observé que les oppositions de créanciers sont extrêmement rares.

Si cette loi est adoptée en l’état, les praticiens devront être vigilants sur le calendrier surtout en fin d’année. Par ailleurs, la prise d’effet d’une TUP le dernier jour d’un mois risque d’être plus problématique sauf à obtenir du BODACC la possibilité de prévoir une date de publication de l’avis de dissolution.Dans l’optique d’accroître la protection des créanciers, il aurait sans doute été plus opportun de fixer légalement le point de départ du délai d’opposition des créanciers à compter de la publication de l’avis de dissolution dans un  journal d’annonces légales tout en portant le délai d’opposition de 30 jours à 45 jours par exemple. Le cas échéant cela permettrait aux sociétés concernées, comme en matière de fusion ou scission, de faire courir le délai d’opposition des créanciers à compter de la publication sur leur site internet de la dissolution5. Outre la simplification apportée par la dématérialisation de cette formalité, cette disposition aurait le mérite d’ajouter un nouveau mécanisme de publicité au profit des créanciers tout en protégeant la date d’effectivité de l’opération juridique. 


1 Article L.1844-5 du Code de commerce
2 Article L.1844-5, alinéa 3 du Code de commerce
3 Cass com., 11 juin 2003, n°02-10.705
4 Avis n° 2012-026 du 30 mai 2012 du Comité de Coordination du Registre du Commerce et des Sociétés
5 Article R.236-8 du Code de commerce (issu du décret du 9 novembre 2011 n°2011-1473)


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Publication : Lettre Corporate | Décembre 2018