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Pratiques anticoncurrentielles d'une filiale à 100 % : la mère est présumée responsable

Elisabeth Flaicher-Maneval, Avocat

05/01/2010

Une société mère peut être tenue solidairement responsable des comportements anticoncurrentiels de ses filiales indépendamment de toute participation personnelle à l'infraction. Il en est ainsi tout spécialement en présence de filiales détenues à 100 %. C'est ce que vient de confirmer la CJCE en validant la condamnation solidaire de la société Akzo au paiement de l'amende de 20,99 millions € infligée à quatre de ses filiales à 100 % pour mise en œuvre d'une entente illicite (arrêt du 10/09/2009).

La CJCE a rappelé que le comportement anticoncurrentiel d'une filiale peut être imputé à la société mère lorsque, bien qu'ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont données par sa mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. Dans une telle situation, la mère et sa filiale font en effet partie d'une même unité économique et forment une seule entreprise, au sens du droit de la concurrence (art. 81 et 82 Traité CE).

Elle a surtout affirmé que, dans le cas où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale, il existe une présomption simple selon laquelle la mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, sans qu'il soit nécessaire de produire des indices additionnels démontrant l'exercice effectif de cette influence.

Elle condamne ainsi toute lecture optimiste de l'arrêt Stora du 16 novembre 2000. Dans cette affaire, elle semblait avoir retenu outre la détention de 100 % du capital de la fille d'autres circonstances : non contestation de l'influence exercée par la mère sur la politique commerciale de sa filiale et représentation commune des deux sociétés dans la procédure administrative. Pour la CJCE ces circonstances n'ont été relevées que pour exposer l'ensemble des éléments sur lesquels le TPICE avait fondé son raisonnement et non pas pour subordonner la mise en œuvre de la présomption d'exercice d'une influence déterminante à la production d'indices supplémentaires relatifs à l'exercice effectif de cette influence.

Pour faire jouer la présomption, il suffit donc de démontrer que la société mère détient la totalité du capital de la filiale auteur de l'infraction. En revanche renverser cette présomption risque d’être beaucoup plus complexe voire quasi-impossible. Pour la CJCE, les sociétés mères ne peuvent pas se contenter de démontrer l’absence d’influence exercée sur la politique commerciale stricto sensu de leurs filiales : la preuve de l'autonomie de ces dernières ne peut résulter que de l'existence de liens organisationnels, économiques et juridiques entre la mère et sa filiale propres à attester qu'elles ne constituent pas une seule entité économique.


par Elisabeth Flaicher-Maneval, Avocat,

Article paru dans la revue Option Finance du 9 novembre 2009

Auteurs

Elisabeth Flaicher-Maneval
avocat