La procédure de non-contestation des griefs semblait en passe de gagner la faveur d'un certain nombre d'entreprises poursuivies du chef de pratiques anticoncurrentielles. La portée récemment reconnue par la Cour de cassation à cette procédure pourrait toutefois amoindrir son attrait pour les opérateurs économiques.
La Cour de cassation a en effet rejeté l'ensemble des pourvois formés contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris qui confirmait la condamnation à une amende totale de 94,4 millions d'euros infligée par l'ancien Conseil de la concurrence aux trois majors de l'Intérim pour s'être concertés, entre mars 2003 et novembre 2004, sur la politique commerciale menée à l'égard de leurs clients les plus importants (arrêt du 29 mars 2011).
A cette occasion, elle a en particulier écarté l'argument avancé par la société Manpower, qui n'avait pas souhaité, contrairement aux deux autres sociétés, s'engager sur le terrain de la non-contestation des griefs, selon lequel : dans la mesure où « le choix d'une entreprise poursuivie pour entente de ne pas contester les griefs ne vaut pas aveu de l'entente », la Cour d'appel de Paris ne pouvait pas se référer à l'absence de contestation des griefs par certaines entreprises pour en déduire que la concertation des entreprises était acquise et qu'il suffisait au Conseil de la concurrence d'établir la participation de Manpower à ladite concertation pour sanctionner cette société.
Pour la Cour de cassation, dès lors que les sociétés Adecco et Vedior « n'avaient pas contesté les griefs qui leur étaient notifiés et n'avaient ainsi remis en cause ni la matérialité des faits, ni leur qualification juridique auregard du droit de la concurrence, ni leur imputabiliré, c'est à bon droit que lacour d'appel a jugé que le Conseil avait justement décidé qu'en conséquence seule la question de la participation (de Manpower) aux pratiques anticoncurrentielles reprochées devait être discutée ».
La position prise par la Cour de cassation pourrait être lourde de conséquences. En reconnaissant une portée aussi large à la non-contestation des griefs laquelle, on le comprend, produirait des effets non seulement à l'égard des entreprises qui ont choisi d'y recourir pour obtenir une réduction de l'amende encourue, mais aussi dec elles qui s'en sont tenues à l'écart, la cour suprême accroît l'efficacité substantielle de cette procédure. Ce faisant, elle facilite singulièrement la démonstration de la participation des autres entreprises à l'entente,d'autant que celle-ci peut être établie sur la base du seul faisceau d'indices précis et concordants.
Si la Cour de cassation persévère ainsi, elle risque de dénaturer une procédure organisée uniquement dans l'esprit d'un gain de temps procédural, sans volonté manifeste de lui accorder davantage de portée juridique, ce qui explique qu'elle soit traditionnellement présentée comme n'étant pas une reconnaissance de culpabilité.
En entérinant le fait que la non-contestation caractérise la pratique anticoncurrentielle et ne permet qu'à ceux qui contestent les griefs de discuter de leur participation, la Cour de cassation pourrait remettre en cause l'éventuel intérêt pour les entreprises de cette procédure : en effet, avec une telle portée, la procédure de non-contestation peut favoriser indéniablement l'exercice des actions civiles.
par Emmanuelle Flaicher-Maneval, avocat
Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 9 mai 2011
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