Projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises : les mesures qui affecteraient le statut des baux commerciaux
Référence :
Projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (version du 21 août 2013)
Le projet de loi n°1338 relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, déposé devant l’Assemblée nationale par Madame la ministre Sylvia PINEL le 21 août dernier, comporte de nombreuses mesures dont certaines intéressent directement le statut des baux commerciaux.
Ce projet de loi, qui devrait être discuté au Parlement au cours de ce trimestre, prévoit à ce stade que les modifications apportées au statut soient applicables aux baux conclus ou renouvelés à compter du premier jour du troisième mois suivant celui de la publication de la loi.
1 - Le contenu du projet de loi
1.1- Les baux dérogatoires
Dans le souci de favoriser le recours aux baux dérogatoires de l’article L. 145-5 du Code de commerce, l’article 1er du projet de loi porte la durée maximale de ce type de baux de deux à trois ans.
1.2- Les baux commerciaux
a) L’abandon de l’indice du coût de la construction
L’article 2 du projet de loi supprime l’application de l’indice du coût de la construction en matière de révision triennale et de plafonnement du loyer de renouvellement. Ainsi, seuls l’indice des loyers commerciaux et l’indice des loyers des activités tertiaires sont conservés, ceci afin de procéder à un lissage de l’évolution des loyers.
b) L’extension de la compétence des commissions départementales de conciliation
En vue d’encourager le recours à la médiation, l’article 3 du projet de loi étend la compétence des commissions départementales de conciliation aux loyers révisés ainsi qu’aux charges et travaux.
c) La limitation de l’augmentation du loyer du bail renouvelé en cas de déplafonnement
L’article 4 du projet de loi limite à 10 % du dernier loyer acquitté l’augmentation du loyer de renouvellement dans les cas faisant exception à la règle du plafonnement des loyers commerciaux. Toutefois, il est prévu que cette limitation ne s’applique pas lorsque l’exception au plafonnement fait suite à la mise en œuvre d’une clause du bail relative à sa durée ou au mode de fixation du loyer.
d) L’obligation d’établir un état des lieux et de dresser un inventaire des charges
L’article 5 du projet de loi rend obligatoire l’établissement d’un état des lieux contradictoire au moment de la prise de possession des locaux et lors de leur restitution. Il est également prévu que le bail comporte un inventaire précis des charges indiquant leur répartition entre les parties. Un décret en Conseil d’Etat doit préciser les charges qui, en raison de leur nature, ne pourront pas être imputées au locataire.
e) La création d’un droit de préemption au profit du preneur
A l’instar de la législation en vigueur en matière de baux d’habitation, l’article 6 du projet de loi organise un droit de préemption pour le preneur en cas de vente du local commercial qu’il occupe. Le non-respect de ce droit est sanctionné par la nullité de la vente. En cas d’acceptation de l’offre qui doit intervenir dans le délai d’un mois, le locataire dispose alors d’un nouveau délai de deux mois pour réaliser la vente.
f) L’aménagement du droit de préemption des communes
L’article 7 du projet de loi aménage l’exercice du droit de préemption sur les fonds de commerce, les fonds artisanaux, les baux commerciaux et les terrains, par les communes en leur donnant la possibilité de déléguer ce droit à un établissement de coopération intercommunale, à un établissement public ayant vocation à exercer ce droit de préemption, ainsi qu’à un concessionnaire d’une opération d’aménagement.
2 - Notre analyse
Certaines dispositions du projet de loi apparaissent opportunes comme l’extension de la durée du bail dérogatoire, mais d’une manière générale on ne peut que s’étonner de cette atteinte à la liberté contractuelle inspirée de la législation en matière de baux d’habitation, alors que les baux commerciaux concernent des entreprises opérant dans une économie de marché et que la typologie des locataires ne se réduit pas aux très petites entreprises mentionnées dans l’intitulé du projet.
L’institution d’un « sur-plafonnement » du loyer du bail renouvelé, s’il procède d’une intention louable de limiter les hausses excessives de loyer pouvant entraîner le départ des locataires, risque d’aboutir au résultat inverse en conduisant à un renchérissement des valeurs de droits au bail et à une exclusion systématique de la règle du plafonnement dans les baux qui seront conclus ou renouvelés. Ainsi, en définitive, seuls les bailleurs non professionnels et mal informés pourraient se retrouver pénalisés par cette nouvelle disposition. Il aurait sans doute été plus avisé d’introduire dans la définition de la valeur locative la notion de taux d’effort permettant d’adapter la valeur locative au type de commerce exploité par les preneurs, l’alimentation ne pouvant supporter, par exemple, les loyers de l’équipement de la personne, en raison de marges plus faibles.
La suppression de l’indice du coût de la construction risque de poser de nombreux problèmes juridiques à l’heure où le champ d’application respectif de l’indice des loyers commerciaux et de l’indice des loyers des activités tertiaires est encore source d’incertitudes. En effet, le recours à l’indice du coût de la construction, valable pour tous les baux commerciaux quelle que soit l’activité du preneur, permettait d’assurer une véritable sécurité juridique.
Il est permis d’espérer que la copie du Gouvernement sera revue et améliorée par le Parlement.
Philippe Riglet, avocat associé et Laurent Toulze, avocat
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