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Traitement des déficits : des aggravations se profilent

23/07/2012

Alors que jusqu’à présent, seul un changement profond d’activité entraînait la perte du droit au report des déficits, il en ira de même désormais en cas d’adjonction ou en cas d’abandon partiel d’activité

L’article 2 de la loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 a déjà sévèrement restreint l’exercice du report des déficits en instance. On sait qu’en application de ce texte, le déficit en report ne peut plus désormais effacer le bénéfice de l’exercice que dans la limite d’1 million d’euros, majorée de 60 % du bénéfice excédant cette somme, ce qui astreint la société accusant un bénéfice supérieur à 1 millions d’euros à décaisser l’IS en tout état de cause sur 40 % au moins de la fraction excédentaire.

C’est maintenant aux conditions mêmes du droit au report du déficit que s’en prend le législateur. L’article 12 du projet de loi de finances rectificative pour 2012 actuellement en cours de discussion devant le Parlement poursuit deux objectifs :

  • créer de nouveaux cas de péremption du déficit reportable
  • et restreindre les possibilités de transfert sur agrément des déficits en instance chez les sociétés faisant l’objet d’une absorption ou d’une scission ou auteurs d’un apport partiel d’actif.

Ces aggravations sont présentées comme destinées à lutter contre les abus, ce qui justifie, dans l’esprit de leurs concepteurs, qu’elles prennent effet pour la détermination du résultat des exercices clos à compter du 4 juillet 2012.

1. Multiplication des causes de péremption du déficit reportable

Une société ne subit aujourd’hui au cours de son existence la perte du droit au report de ses déficits que si elle change d’objet social ou d’activité réelle : application du 5 de l’article 221 du CGI aux termes duquel la cessation d’entreprise ne résulte que de l’un de ces deux types de changement.

Alors qu’actuellement, le changement d’activité réelle ne produit de conséquences que s’il s’agit d’un changement profond, le projet envisage deux séries d’aggravations.

1.1 Disparition temporaire des moyens de production

La société perdrait l’usage de ses déficits « en cas de disparition des moyens de production nécessaires à la poursuite de l’exploitation pendant une durée de plus de douze mois, sauf en cas de force majeure, ou lorsque cette disparition est suivie d’une cession de la majorité des droits sociaux ».

La première situation visée est celle d’une société qui se dessaisit de l’ensemble de ses moyens de production sans se doter au cours de la période des douze mois qui suivent de nouveaux moyens de production lui permettant de relancer son exploitation. Ce n’est que si elle subit la perte de ses moyens de production (par exemple suite à un sinistre) qu’elle échapperait, pour cause de force majeure, à cette conséquence.

Il est toutefois prévu que si l’abandon volontaire des moyens de production et leur reconstitution au-delà du délai de douze mois sont justifiés par des motivations principales autres que fiscales, la société pourra obtenir, sur agrément ministériel, le maintien de son droit au report de ses déficits. Elle devra déposer une demande en ce sens avant de se dessaisir de ses moyens de production.

La seconde situation visée est celle d’une société dont la majorité du capital change de mains alors qu’elle vient de se dessaisir de l’ensemble de ses moyens de production. Cette disposition est destinée à empêcher l’acquéreur du bloc majoritaire de disposer du déficit de la société cédée pour effacer les bénéfices qu’il fera réaliser à cette société après réorientation de son activité.

Les moyens de production visés par le texte ne se limitent pas à l’outil industriel des fabricants. Ils comprennent l’ensemble des moyens permanents d’exploitation affectés à une activité quelconque.

1.2 Adjonction ou abandon partiel d’activité

Le changement d’activité réelle d’une société serait désormais caractérisé en cas d’adjonction ou en cas d’abandon partiel d’activité, ces deux situations étant présentées par le projet de texte comme des exemples qui n’épuisent pas l’ensemble des circonstances propres à qualifier le changement d’activité.

L’adjonction d’activité s’entend de l’opération qui entraîne, au titre de l’exercice de sa survenance ou de l’exercice suivant, une augmentation de plus de 50 % par rapport à l’exercice précédant celui de l’adjonction, soit du chiffre d’affaires de la société, soit de l’effectif moyen du personnel et du montant brut des éléments de l’actif immobilisé de la société.

L’abandon partiel d’activité s’entend de l’abandon ou du transfert, même partiel, d’une ou plusieurs activités entraînant, au titre de l’exercice de sa survenance ou de l’exercice suivant, une diminution de plus de 50 % par rapport à l’exercice précédant celui de l’abandon ou du transfert, soit du chiffre d’affaires de la société, soit de l’effectif moyen du personnel et du montant brut des éléments de l’actif immobilisé de la société.

Il serait toutefois loisible à la société qui s’apprête à réaliser l’adjonction d’activité ou l’abandon partiel d’activité de requérir, par voie d’agrément ministériel, le droit au maintien de son report déficitaire en faisant valoir que la réalisation de son projet est indispensable à la poursuite de l’activité créatrice des déficits et à la pérennité des emplois.

En droit strict, ces nouveaux cas de péremption des déficits reportables pourraient devenir opposables aux sociétés à raison des opérations qu’elles auront réalisées au cours du premier exercice qu’elles clôtureront à compter du 4 juillet 2012. Mais pareil traitement serait rigoureux s’il devait sanctionner des décisions prises avant que ne soient connues les exigences du texte en projet et sans que leurs auteurs aient pu solliciter les dérogations que permet, dans certaines circonstances, le recours à la procédure d’agrément. C’est pourquoi il faut espérer que l’administration fera preuve en la matière d’une certaine compréhension.

2. Restrictions apportées aux possibilités de transfert sur agrément à l’occasion des restructurations

Actuellement (II de l’article 209 du CGI), les déficits restant en report chez les sociétés qui sont absorbées ou se scindent sous le régime de faveur des fusions ou chez celles qui réalisent un apport partiel d’actif placé sous ce régime, sont transférables à la société absorbante ou à la ou aux sociétés bénéficiaires de l’apport moyennant un agrément préalable, qui est délivré lorsque :

  • L’opération est justifiée du point de vue économique et obéit à des motivations principales autres que fiscales ;
  • L’activité créatrice des déficits dont le transfert est demandé est poursuivie par la ou les sociétés bénéficiaires des apports pendant un délai minimum de trois ans.

Cette solution vaut aussi pour les intérêts dont la déduction est restée en instance par application des règles de sous-capitalisation édictées par le II de l’article 212 du CGI.

On sait toutefois que la pratique des agréments fait preuve d’exigences allant au-delà des prescriptions ci-dessus. Ainsi l’agrément est généralement refusé pour la fraction du déficit trouvant sa source dans une activité à laquelle la société apporteuse a mis fin dès avant la restructuration. Il est également refusé aux sociétés qui se bornent à détenir des participations (holdings purs). Le projet de loi vise à introduire ces éléments d’appréciation dans le corps de la loi en renforçant comme suit les conditions de délivrance des agréments à compter du 4 juillet 2012.

Le transfert des déficits cesserait d’être accordé lorsque, préalablement à la restructuration, la société avait déjà elle-même fait évoluer de façon significative l’activité qui est à l’origine de ses déficits. La condition énoncée au b ci-dessus deviendrait une condition négative ainsi formulée : L'activité à l'origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé n’a pas fait l’objet par la société absorbée ou apporteuse pendant la période au titre de laquelle ces déficits et ces intérêts ont été constatés, de changement significatif notamment en termes de clientèle, d’emploi, de moyens d’exploitation effectivement mis en œuvre, de nature et de volume d’activité.

La condition figurant actuellement au b serait renforcée par le libellé d’un nouveau c ainsi conçu : L'activité à l'origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé est poursuivie par la ou les sociétés absorbantes ou bénéficiaires des apports pendant un délai minimum de trois ans sans faire l’objet, pendant cette période, de changement significatif notamment en termes de clientèle, d’emploi, de moyens d’exploitation effectivement mis en œuvre, de nature et de volume d’activité.

Enfin apparaîtrait un nouveau d aux termes duquel les déficits et intérêts susceptibles d’être transférés ne proviennent ni de la gestion d’un patrimoine mobilier par des sociétés dont l’actif est principalement composé de participations financières dans d’autres sociétés ou groupements assimilés, ni de la gestion d'un patrimoine immobilier.