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Une société mère n'est pas (encore) tenue des dettes environnementales de sa filiale

10/07/2008

Dans la droite ligne de l'arrêt Metaleurop du 19 avril 2005, la Cour de cassation a réaffirmé qu'une société mère n'est pas tenue de financer sa filiale pour lui permettre de remplir ses obligations de remise en état d'un site (Cass. com., 26 mars 2008, n° 07-11619). Cette solution de principe, qui s'inscrit dans un contexte particulier où les risques environnementaux et sanitaires suscitent de vifs débats, peut apparaître à certains égards comme déjà obsolète. 

En l'espèce, l'une des filiales d'un grand groupe français avait pris une participation au sein d'une société qui exploitait une décharge de déchets ménagers et industriels de classe I. Suite à la fermeture de la décharge, cette dernière avaient été tenue, en application de l'article L. 512-7 du Code l'environnement, d'assurer la réhabilitation du site d'exploitation. Puis, privée des ressources provenant de son activité essentielle d'exploitation, elle avait été placée en liquidation judicaire après avoir réalisé les deux premières phases des travaux. La responsabilité financière de la société tête de groupe avait alors été recherchée. Or, en l'état actuel du droit et en vertu du principe de l'autonomie juridique des sociétés membres d'un groupe, l'activité d'une filiale ne peut engager la société mère sauf en cas de confusions de patrimoines ou d'immixtion dans la gestion de sa filiale. En conséquence, après avoir relevé que la société mère n'avait pas commis de faute dans les suites qu'elle avait réservées à la prise de participation dans la société d'exploitation, la Cour rejette le pourvoi et écarte toute responsabilité de la société mère. 

Cette décision est naturellement à mettre en perspective avec différentes propositions tendant à répondre aux difficultés concernant la mise en cause de la responsabilité des sociétés mères, liées au « voile » de la personnalité juridique de chaque entité d'un groupe. Dans l'objectif d'une réforme du droit des obligations, l'avant-projet Catala de 2005 avait suggéré de mettre en place une responsabilité objective de « celui qui contrôle l'activité économique ou patrimoniale d'un professionnel en situation de dépendance. [...] Il en est ainsi notamment des sociétés mères pour les dommages causés par leurs filiales ». Plus récemment la proposition 68 du rapport Lepage vise à insérer un nouvel article 1384-1 dans le Code civil aux termes duquel « toute société répond du dommage environnemental ou sanitaire causé par la faute de ses filiales ou des sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-3 du Code de commerce en cas de défaillance de ces dernières ». 

De telles propositions, si elles devaient être reprises dans la loi, constitueraient un véritable bouleversement du « droit » des groupes et marqueraient, à des degrés divers, la fin de la notion de responsabilité limitée des actionnaires. En tout état de cause, le Président de la république, lors de son discours du 25 octobre 2007 tenu à l'occasion de la restitution des conclusions du Grenelle de l'environnement, a fermement exprimé son intention de promouvoir un principe en ce sens.

Article paru dans la revue Option Finance du 2 juin 2008

Authors:
Christophe Blondeau, Avocat Associé