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Valorisation des sociétés : des conséquences défavorables de la cession d’un immeuble

Supplément du numéro 1487 du magazine Option Finance

06/12/2018

Certaines cessions immobilières peuvent générer un coût fiscal pour le vendeur, notamment lorsque l’opération de cession porte sur un immeuble ancien, auquel n’est pas rattaché une activité locative en TVA que l’acquéreur entend poursuivre (la cession de ce type d’actif bénéficiant de la dispense de TVA prévue par l’article 257 bis du Code général des impôts - CGI), ou pour lequel l’option pour la taxation de la vente à la TVA ne peut être exercée dans l’acte notarié (lorsque l’acquéreur est marchand de biens et ne peut donc récupérer immédiatement la TVA facturée dans l’acte d’acquisition).

Ce coût provient de l’obligation qui incombe au vendeur d’un immeuble ancien de reverser une partie de la TVA antérieurement déduite.

En effet, la cession d’un immeuble achevé depuis plus de cinq ans est en principe exonérée de TVA mais entraîne corrélativement l’obligation, pour le vendeur, de régulariser la TVA ayant antérieurement grevé l’achèvement, l’acquisition de l’immeuble ou des travaux de rénovation immobilisés qui ont été réalisés sur cet immeuble depuis son achèvement ou son acquisition, conformément à l’article 207-II de l’annexe II au CGI.

La période de régularisation pour les immeubles étant de vingt ans, le montant des régularisations de TVA est égal au montant de la TVA initialement déduite au titre de l’acquisition, l’achèvement ou les travaux, diminuée d’1/20e par année civile ou fraction d’année civile écoulée depuis la date à laquelle l’immeuble a été acquis, achevé ou les travaux réalisés.

Ce montant doit être reversé par le vendeur sur sa déclaration de TVA souscrite au titre du mois de cession de l’immeuble.

Ce coût pour le vendeur peut être neutralisé lorsque ce dernier transmet à l’acquéreur les droits à déduction équivalents, comme lui offre la possibilité de le faire l’article 207-III-3 de l’annexe II au CGI, sous réserve que le bien constitue pour ce dernier une immobilisation et qu’il soit affecté à une activité taxable.

Toutefois, dans cette hypothèse, rappelons que les régularisations de TVA constituant une charge augmentative du prix de cession de l’immeuble, elles génèrent alors un coût fiscal supplémentaire pour l’acquéreur, ce dernier devant acquitter des droits d’enregistrement au taux plein sur cette somme (sauf s’il entend prendre un engagement de construire ou de revente).

En revanche, lorsque le vendeur ne peut pas transférer les régularisations de TVA à l’acquéreur (cas d’une cession d’immeuble à un marchand de biens ou à un bailleur social par exemple), ces reversements demeurent à sa charge et génèrent ainsi un coût financier pour ce dernier.

En matière d’impôt sur les bénéfices

Une première conséquence, partiellement favorable, peut provenir de l’incidence sur le résultat des régularisations opérées en matière de TVA dans les conditions précédemment rappelées.

En effet et sauf opération anormale, la TVA non déductible peut en principe être retenue en charges pour la détermination du résultat fiscal ; elle n’aurait par ailleurs pas à être immobilisée en l’espèce puisque c’est justement la cession de l’immeuble auquel elle se rattache qui entraîne les régularisations.

Sous réserve de cette incidence purement indirecte, la cession entraîne l’imposition de la plus-value latente.

Il en résulte une conséquence évidente mais néanmoins notable sur la valeur de la société puisque, de façon générale, l’impôt latent n’est répercuté que partiellement sur la valorisation des titres dans la perspective d’une détention à moyen ou long terme.

A valeur immobilière constante, la cession de l’immeuble entraîne donc une dépréciation des titres à concurrence de l’écart entre la décote pour impôt latent (souvent comprise entre 40 et 60% de l’impôt théorique) et l’impôt résultant effectivement de cette vente.

L’absence d’impact en fiscalité locale des pertes de valeurs immobilières

Il existe une aversion des élus aux évolutions et cela est particulièrement visible lorsque l’on tente de toucher aux valeurs foncières servant d’assiette aux impôts locaux.

Indépendamment des réformes qui ont pu jalonner l’histoire de la fiscalité locale, toutes les tentatives visant à faire évoluer les bases foncières ont eu pour effet de provoquer des réactions des élus locaux et des services vérificateurs.

L’assiette de la taxe foncière, de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, de la cotisation foncière des entreprises et des taxes annexes, est constituée de la valeur locative foncière déterminée soit par la méthode comparative pour les locaux professionnels non industriels (article 1498 du CGI) et les logements (article 1496 du CGI), soit par la méthode comptable pour les locaux industriels (article 1499 du CGI).

Dans ces méthodes, il n’est pas question d’intégrer les éventuelles pertes de valeurs immobilières. Bien au contraire, chaque année le Parlement vote de façon unanime une actualisation positive de ces valeurs foncières indépendamment de l’évolution réelle du marché locatif, de sorte qu’inexorablement les bases des impôts locaux augmentent chaque année.

Si la méthode comparative semble particulièrement fermée à toute évolution du prix du marché immobilier, même avec l’instauration de la mise à jour permanente des loyers dans le cadre de la révision cadastrale appliquée depuis 2017, il en est de même pour les locaux industriels puisque la valeur correspond à 8% du prix de revient d’origine d’entrée au bilan chez son propriétaire.

De plus, plusieurs dispositifs législatifs ont été adoptés pour figer les bases d’imposition à chaque fois que les juridictions ont confirmé la possibilité d’intégrer des évolutions à la baisse du prix de revient des immeubles industriels justifiant un réexamen de la valeur foncière.

Par exemple, l’article 1499 O-A du CGI fige depuis 2007 la valeur foncière des biens acquis à la suite d’une levée d’option de crédit-bail ou d’un lease-back. De même, le législateur n’a eu de cesse de modifier l’article 1518 B du CGI qui prévoit l’instauration d’une valeur plancher en dessous de laquelle la valeur locative d’un immeuble industriel ne peut descendre après une opération de fusion, d’apport partiel d’actif, de scission, de cession d’établissement ou d’une transmission universelle de patrimoine. Ce plancher fixé historiquement à 2/3 en 1976, est passé à 4/5e en 1992 puis à 90% en 2006 (au cas d’une société intégrée fiscalement) et enfin à 100% depuis 2011. Cette fixité est même applicable aux cas de cession isolée d’un immeuble au sein d’un groupe.

Pour les élus, la nécessité de pérenniser des bases imposables doit leur permettre de maîtriser leurs budgets et leurs investissements sur le long terme.

Mais l’absence de prise en compte des pertes de valeurs immobilières est sans impact sur la valeur ajoutée servant d’assiette à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

Ainsi, les éventuelles provisions pour dépréciation que pourrait comptabiliser une entreprise ne minorent pas sa valeur ajoutée, tout comme les dotations aux amortissements (sauf si l’immeuble est loué pour une durée supérieure à six mois).
Lors d’une cession, les plus et moins-values ne sont prises en compte que pour autant que la cession immobilière relève d’une activité normale et courante. L’expérience des contrôles fiscaux permet de constater que si les plus-values sont régulièrement considérées comme normales et courantes, il n’en va pas de même des moins-values.

Ainsi, la perte de valeur immobilière n’a donc pas droit de cité en fiscalité locale.


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Dossier : les pertes de valeurs immobilières 

Auteurs

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Pierre Carcelero
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