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Le CoRDiS rend sa première décision sanctionnant un refus de se conformer à une décision de règlement de différend

10/10/2018

Parmi les décisions notables rendues par le comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS) de la Commission de régulation de l’énergie sous la présidence de Monsieur Lasserre, celle du 11 juin 2018 mérite que l’on s’y arrête un instant.

En effet, pour la première fois, le CoRDiS a prononcé, en application de l’article L.134-28 du Code de l’énergie et sans mise en demeure préalable, une sanction. Et non des moindres : trois millions d’euros. ENEDIS s’est vu reprocher de ne pas s’être conformé dans les délais requis à une décision de règlement de différend prise par le CoRDiS le 25 novembre 2015.

Cette sanction a ainsi donné l’occasion au CoRDiS de mettre en œuvre jusqu’à son terme la procédure de sanction organisée par le décret n° 2015-206 du 24 février 2015 qu’il avait jusqu’à présent toujours refusé d’utiliser (voir par exemple la décision du 24 février 2016 par laquelle le CoRDiS avait refusé de donner suite à une demande de sanction à l’encontre de la société EDF, décision de refus dont la légalité avait été confirmée par le Conseil d’Etat (CE, 7 février 2018, n° 399683). Assuré, depuis la réforme de 2015, qui a réécrit le décret n°2000-894 du 11 septembre 2000 de la conformité sa procédure de sanction aux exigences du procès équitable définies par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, le CoRDiS a donc choisi, parmi les cas d’ouverture de son pouvoir de sanction celui du non-respect par un opérateur d’une de ses propres décisions de règlement de différend pour marquer son autorité.

Cette affaire fait en effet suite à la saisine du CoRDiS au titre d’un différend qui opposait la société Parc Éolien Lislet 2 à Enedis concernant l’exécution du contrat d’accès au réseau public de distribution d’électricité en injection (contrat CARD-I) de son installation de production. La société Parc Eolien Lislet 2 demandait notamment au CoRDiS d’enjoindre à ce GRD de lui proposer une modification des clauses contractuelles relatives aux différents régimes de responsabilité en cas d’interruption du réseau.

Dans sa décision du 25 novembre 2015, le CoRDiS avait fait en partie droit à la demande de la société en constatant qu‘ERDF (rebaptisée Enedis depuis) n’avait pas respecté les dispositions du contrat CARD-I. Le comité avait retenu : d’une part, que la société ERDF n’avait pas respecté les dispositions du contrat prévoyant une concertation entre le distributeur et le producteur en cas d’opération de maintenance sur le réseau public de distribution ; et, d’autre part, que les conditions particulières du contrat d’accès ne permettaient pas d’identifier en pratique si les travaux réalisés consistaient à réaliser une simple opération d’entretien ou une opération de maintenance lourde et que la durée des indisponibilités du réseau public de distribution pour des opérations de maintenance lourde, qui fait partie des engagements contractuels du gestionnaire de réseau, n’était pas mentionnée dans le bilan de la qualité de fourniture ce qui était préjudiciable au producteur. Le comité avait enjoint ERDF de proposer à la société Parc Eolien Lislet 2 un nouveau contrat CARD-I dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision, "permettant d’assurer une totale transparence dans l’application des régimes de responsabilité en cas d’interruption du réseau".
 
Face à l’inaction du GRD, la société Parc Eolien Listet 2 a demandé au Comité d’"enjoindre à Enedis de respecter la décision du 25 novembre 2015 en adressant à la société Parc Eolien Lislet 2 un nouveau contrat d’accès au réseau public de distribution d’électricité en injection HTA, permettant d’assurer une totale transparence dans l’application des régimes de responsabilité en cas d’interruption du réseau" en application de l’article L.314-28 du Code de l’énergie. Le CoRDiS, après avoir constaté que la société Enedis n’avait pas communiqué dans le délai de six mois un contrat produisant tous ses effets au moment de sa transmission, a conclu que le gestionnaire de réseau avait manqué à son obligation de transmettre un contrat permettant d’assurer une totale transparence dans l’application des régimes de responsabilité en cas d’interruption du réseau exigé par la décision précitée. En conséquence, il a choisi de le sanctionner pécuniairement, comme l’y autorise l’article L.134-27 du Code de l’énergie.
 
Lorsque le manquement en question n’est pas constitutif d’une infraction pénale, le CoRDiS peut en effet prononcer une sanction pécuniaire "dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, à la situation de l’intéressé, à l’ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés".
Au cas précis :

  • sur la gravité du manquement, le CoRDiS a rappelé que le non-respect d’injonctions prononcées par une autorité de régulation constituait une pratique d’une exceptionnelle gravité (voir CA Paris, 11 janvier 2005, n° 2004/11023 et CA Paris, 21 janvier 2006, n°2005/14774). Le Code de l’énergie tient d’ailleurs compte du caractère particulièrement grave de ce manquement puisque les sanctions découlant d’une non-exécution sont prononcées sans mise en demeure ;
  • eu égard au type de manquement, le CorDiS a considéré que le maximum légal de la sanction était de "8 % du chiffre d’affaires hors taxes lors du dernier exercice clos, porté à 10 % en cas de nouvelle violation de la même obligation". Compte tenu du chiffre d’affaires de la société Enedis, le CoRDIS a relevé que cette dernière n’avait pas fait valoir de difficultés affectant sa capacité contributive à une sanction et était en mesure de tirer toutes les conséquences de la décision du 25 novembre 2015. Enfin, le CoRDiS a rappelé qu’Enedis exerce son activité en monopole et qu’elle a une responsabilité particulière en raison des missions de service public que le législateur lui a confiées ;
  • l’ampleur du dommage a été mesurée non à l’aune du préjudice subi par la victime, mais par rapport au fait que le contrat régissait l’accès au réseau de l’ensemble des producteurs raccordés depuis le 1er août 2016 aux réseaux publics de distribution en HTA gérés par Enedis et qu’il y avait donc un déséquilibre dans la relation contractuelle entre le gestionnaire des réseaux et ses utilisateurs.

Cette décision de sanction souligne une évolution de la conception que le CoRDiS se fait de son rôle : il semble désormais prêt à exercer la plénitude de ses compétences, notamment celles relevant du champ des sanctions.

Enfin, il ne faut pas omettre de rappeler que cette décision est susceptible de faire l’objet d’un recours de pleine juridiction devant le Conseil d’Etat, ainsi que d’une demande de sursis à exécution en application de l’article L.134-34 du Code de l’énergie.


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Cet article a été publié dans notre Lettre des régulations d’octobre 2018. Cliquez ci-dessous pour découvrir les autres articles de cette lettre.

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