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Appels d’offres : Réponses de plusieurs filiales d’un même groupe

L’Autorité de la concurrence abandonne ses réserves au regard du droit de la concurrence

01/12/2020

Prenant acte d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), l’Autorité de la concurrence (ADLC) a décidé de modifier sa pratique décisionnelle qui interdisait jusqu’alors à des filiales d’un même groupe de se coordonner en réponse à un appel d’offres (Décision n° 20-D-19 du 25 novembre 2020).

Dans la pratique décisionnelle des autorités de concurrence et la jurisprudence, tant nationale qu’européenne, la prohibition des ententes (articles 101 du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce) n’est pas applicable aux accords ou pratiques mis en œuvre au sein d’un groupe de sociétés, puisque celui-ci constitue une même unité économique. La qualification d’entente implique en effet un accord de volontés entre des unités économiques distinctes.

La soumission concertée de filiales en réponse à un appel d’offres : une pratique tombant jusqu’alors pour l’ADLC sous le coup de l’interdiction des ententes

Pourtant, l’ADLC, approuvée par la cour d’appel de Paris, considérait jusqu’à présent que, si rien n’interdisait aux filiales d’un même groupe de soumissionner à un même appel d’offres, la pratique consistant pour elles à déposer des offres préparées de façon concertée sans en avertir l’acheteur pouvait être sanctionnée au titre de la prohibition des ententes.

Le raisonnement était le suivant : en déposant des offres distinctes, les filiales se présentaient comme des entreprises indépendantes et concurrentes. Réputées manifester ainsi leur autonomie commerciale à l’égard de l’acheteur, elles se trouvaient donc tenues de respecter les règles de la concurrence, ce qui excluait qu’elles puissent présenter des offres dont l’indépendance n'était qu’apparente (voir notamment ADLC n° 03-D-07 du 4 février 2003, aff. Panneaux de signalisation routière et CA Paris 28 octobre 2010, n° 2010/03405).

La CJUE a, quant à elle, tenu un raisonnement inverse lorsqu’elle a été appelée à se prononcer pour la première fois en la matière en 2018 : elle estime que la prohibition des ententes est inapplicable aux accords et concertations entre sociétés du même groupe dans le cadre d’un appel d’offres, cette prohibition ne jouant pas entre entreprises formant une même unité économique au sens du droit européen de la concurrence (CJUE 17 mai 2018, aff. C-531/16). Ce qui est le cas des filiales d’un même groupe sur lesquelles la société mère exerce une influence déterminante, influence présumée lorsque le capital des filiales est détenu en totalité ou en quasi-totalité par la société mère.

Le revirement opéré par l’ADLC : principe d’inapplicabilité du droit de la concurrence

Prenant acte de cette position, l’ADLC a décidé de modifier sa pratique décisionnelle et de le faire savoir dans un communiqué de presse accompagnant une décision du 25 novembre 2020.

Ce revirement a été opéré dans le cadre d’une procédure ouverte à l’encontre de quatre sociétés appartenant à un même groupe, qui avaient présenté des offres distinctes mais élaborées de façon concertée, en réponse aux appels d’offres organisés par un établissement public. Les sociétés mises en cause avaient fait le choix de la transaction (cf. art. L. 464-2 III C. com.) : elles avaient en conséquence accepté de ne pas contester la qualification d’entente en contrepartie de l’engagement de l’ADLC sur une fourchette de sanctions.

Cela n’a pas empêché l’ADLC de considérer en définitive qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre la procédure, après avoir constaté que les filiales détenues quasi-intégralement par leur société mère formaient avec celle-ci une même unité économique au moment des faits, nonobstant la remise séparée de réponses aux appels d’offres.

Au regard de l’évolution du droit positif applicable aux pratiques en cause, l’ADLC a en effet estimé que les conditions pour le prononcé d’une sanction n’étaient pas remplies. Et de conclure qu’il n’était pas utile de procéder à un renvoi de l’affaire à l’instruction, dès lors que la prohibition des ententes ne trouvait pas à s’appliquer.

Ce revirement s’explique par la préséance du droit de l’Union européenne en matière d’ententes (Règlement 1/2003, Article 3 (2) : en d’autres termes, les accords et pratiques concertées licites en droit de l’UE ne peuvent pas être interdits par le droit national.

Un revirement aux conséquences limitées au droit de la concurrence

Il est désormais acquis, tant au niveau européen que national, que les filiales d’un groupe peuvent répondre à un appel d’offre en déposant des offres séparées mais élaborées de façon concertée, sans contrevenir à l’interdiction des ententes.

Pour autant, la validation de cette pratique au regard du droit de la concurrence ne doit pas faire oublier les griefs susceptibles d’être encourus sur d’autres fondements.

Ainsi, s’agissant des appels d’offres publics, l’ADLC a rappelé dans son communiqué de presse que le dépôt d’offres distinctes mais en réalité concertées reste appréhendable sur le terrain du droit des marchés publics, dans la mesure où cette pratique est susceptible d’induire l’acheteur public en erreur et de fausser les résultats de la commande publique.

De la même manière, dans le cadre d’appels d’offres privés, les entreprises devront veiller à respecter les principes de bonne foi et d’information générale du cocontractant posés par les articles 1104 et 1112-1 du Code civil.


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