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Commande publique et autonotation des candidats aux marchés publics

Est-ce bien raisonnable ?

24/12/2019

Consécutivement au pourvoi en cassation de deux clients que nous avions assistés en première instance et en appel, le Conseil d’Etat vient d’annuler1 deux arrêts de la cour administrative d’appel de Lyon qui avaient validé, parmi d’autres dispositions contestées, une méthode de notation des offres relatives à l’attribution de marchés publics de transports de voyageurs qui laissaient le soin aux candidats de noter, eux-mêmes, un aspect de la valeur technique de leurs offres.

Commande publique et autonotation des candidats : exemple avec un département

Plus précisément, le département de l'Isère avait retenu trois critères de jugement des offres, à savoir le prix, la valeur technique et les garanties environnementales, pondérés respectivement à 60 %, 25 % et 15 %. La notation de l'un des deux sous-critères de la valeur technique, intitulé "niveau d'engagement du candidat en matière de notation de la qualité du service rendu sur les lignes objet du marché", pondéré à hauteur de 20 %, dépendait exclusivement du niveau de qualité du service que le candidat s'estimait en mesure de garantir et ne résultait que de l'indication, par le candidat lui-même, d'une note dite "note qualité" qu'il devait s'attribuer à l'aide d'un outil de simulation. Les éléments mentionnés pour l'auto-évaluation, portait sur la propreté du véhicule, "l'ambiance générale" au sein du véhicule, la ponctualité, la conduite respectueuse du code de la route ou la qualité de l'accueil à bord du véhicule. La "note qualité" devait être comprise entre 7 et 9 sur 10 et la notation de ce sous-critère pouvait donc aller de 0, pour le candidat s'attribuant une "note qualité" de 7, à 25 points, pour le candidat s'attribuant une "note qualité" de 9. 

La cour administrative d'appel de Lyon avait estimé que, par le recours à une telle méthode de notation, le département de l'Isère n'avait pas renoncé à apprécier la valeur des offres au motif, d'une part, qu'il avait précisément défini et communiqué aux candidats les modalités selon lesquelles le sous-critère en litige serait apprécié et, d'autre part, que la note attribuée aux candidats avait vocation à servir de référence pour la détermination de leur note annuelle "qualité" et le calcul d'éventuelles pénalités en cas de manquement à cet engagement.

Faisant droit aux moyens des entreprises requérantes, le Conseil d’Etat a invalidé ce dispositif. Il a tout d’abord rappelé sa jurisprudence constante portant sur la liberté laissée aux pouvoirs adjudicateurs pour définir la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu’il a retenus et a rendus publics, au regard des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Cette méthode est irrégulière si, par elle-même, elle est de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et est susceptible, de ce fait, de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie2

Nos affaires ont conduit le Conseil d’Etat à préciser sa jurisprudence eu égard la latitude qu’un règlement de consultation peut laisser aux candidats de s’attribuer eux-mêmes une note portant sur l’un des critères d’appréciation de leurs offres. Le Conseil d’Etat a estimé qu’une méthode de notation des offres par laquelle le pouvoir adjudicateur laisse aux candidats le soin de fixer, pour l'un des critères ou des sous-critères, la note qu'ils estiment devoir leur être attribuée est, par elle-même, de nature à priver de portée utile le critère ou sous-critère en cause si cette note ne peut donner lieu à vérification au stade de l'analyse des offres, quand bien même les documents de la consultation prévoiraient que le candidat attributaire qui ne respecterait pas, lors de l'exécution du marché, les engagements que cette note entend traduire pourrait, de ce fait, se voir infliger des pénalités.

Commande publique : l’évaluation doit être objective

Dès lors que les éléments de l’autoévaluation de la "note qualité" des offres des marchés de transports publics de voyageurs de l’Isère portant sur la propreté du véhicule, "l'ambiance générale" au sein du véhicule, la ponctualité, la conduite respectueuse du code de la route ou la qualité de l'accueil à bord du véhicule ne pouvaient faire l'objet d'une évaluation objective au stade de l'analyse des offres, puisqu’ils devaient être comparés avec les résultats de contrôles effectués au cours de l’exécution du contrat dans des conditions aléatoires, le Conseil d’Etat a annulé les deux arrêts de la Cour administrative d’appel pour erreur de droit.  

Récemment, en droit des concessions, le Conseil d’Etat a considéré qu’un sous-critère relatif au chiffre d'affaires prévisionnel qui repose sur les seules déclarations des soumissionnaires, sans engagement contractuel de leur part et sans possibilité pour la commune d'en contrôler l'exactitude, n'est pas de nature à permettre la sélection de la meilleure offre au regard de l'avantage économique global pour l'autorité concédante3. Ainsi, si elle n’est pas totalement prohibée, les conditions imposées par le Conseil d’Etat pour la mise en œuvre d’une notation de leurs offres par les candidats à l’obtention d’un contrat de la commande publique rendent la légalité de cette "méthode" très hypothétique.

 
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Sur le même sujet : Code de la commande publique : focus sur les marchés et concessions exclus


1 CE, 22 novembre 2019, société Autocars FAURE, n° 418460 ; 22 novembre 2019, Société Cars Annequin, n° 418461
2 CE, 3 nov. 2014, commune de Belleville sur Loire, n° 373362
3 CE, 8 avril 2019, commune de Cannes, n° 455373


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