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Concentration et abus de position dominante

Chacun chez soi !

26/03/2020

Dans sa première décision (n° 20-D-01 du 16 janvier 2020) de l’année, l’Autorité de la concurrence (ADLC) a eu l’occasion de trancher la question de l’application parallèle du régime de contrôle des concentrations et de la prohibition des abus de position dominante.

Antérieurement à l’introduction du régime européen des concentrations (règlement n° 4064/89 du 21 décembre 1989 puis 139/2004 du 20 janvier 2004), un arrêt de la Cour de justice du 21 février 1973 dit « arrêt Continental Can » avait considéré que le « fait, par une entreprise en position dominante, de renforcer cette position au point que le degré de domination ainsi atteint entraverait substantiellement la concurrence, c’est-à-dire ne laisserait subsister que des entreprises dépendantes, dans leur comportement, de l’entreprise dominante » peut constituer un abus de position dominante.

Le collège de l’Autorité de la concurrence a été amené à se prononcer dans le cadre d’une opération de concentration ne franchissant pas les seuils de notification obligatoire tant au niveau européen que français, car les services d’instruction soutenaient que cette opération était contraire aux articles 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et L. 420-2 du Code de commerce interdisant les abus de position dominante.

Au regard du droit interne, l’ADLC écarte le grief, en soulignant que « les opérations de concentration sont régies par un ensemble de règles propres, différant du contrôle des pratiques anticoncurrentielles », ou encore que « les procédures applicables aux concentrations d’une part, et à la répression des pratiques anticoncurrentielles d’autre part, sont incompatibles et inconciliables entre elles ».

Elle estime ne pas pouvoir appliquer l’article L. 420-2 précité à une concentration, quand bien même cette dernière ne franchit pas les seuils de notification obligatoire. Faisant référence à l’article L.430-9 du Code de commerce qui l’autorise à faire modifier ou résilier les accords et actes aux termes desquels est réalisée une concentration, même lorsque cette dernière a donné lieu à notification, l’ADLC rappelle que la mise en œuvre de ce texte implique la démonstration d’un abus détachable de la concentration proprement dite. Or, un tel abus n’était pas constaté dans cette affaire.

Au regard du droit européen, l’ADLC estime aussi que l’introduction d’un mécanisme de contrôle préalable des concentrations au niveau européen a « de facto rendu obsolète l’application de la jurisprudence Continental Can » et a « rendu sans objet l’application de l’article 102 du TFUE à une opération de concentration, en l’absence d’un comportement distinct de l’entreprise en cause à la suite de cette opération ».

L’ADLC ne manque pas de relever que cette jurisprudence était antérieure à l’adoption d’une réglementation européenne sur le contrôle des concentrations. Elle considère qu’il existe une « ligne de partage » entre le droit des concentrations et celui des pratiques anticoncurrentielles, en s’appuyant notamment sur l’article 21 du règlement 139/2004 : ce texte rappelle que le règlement 1/2003 ne s’applique pas aux concentrations, sauf en cas de création d’une entreprise commune sans dimension européenne et qui a pour objet ou effet la coordination du comportement d’entreprises demeurant indépendantes. L’ADLC souligne qu’aucune demande de mise en œuvre de l’article 22 du règlement 139/2004 prévoyant une faculté de renvoi par des Etats membres à la Commission européenne d’une concentration qui, bien que n’étant pas de dimension européenne, menace d’affecter la concurrence sur le territoire du ou des Etats membres concernés, n’avait été formulée dans cette affaire.

Enfin, rappelons toutefois que les comportements d’une entreprise en position dominante, détachables d’une concentration stricto sensu mais permis par cette dernière, peuvent eux en revanche relever de l’interdiction des abus de position dominante sur le fondement du droit européen ou interne.

La décision de l’ADLC a le mérite de la clarté :  la mise en place d’un système de contrôle des concentrations reposant sur des conditions de seuils perdrait en effet de sa légitimité si la sécurité juridique qu’il organise était mise à mal par une faculté de rattrapage sur le terrain des pratiques anticoncurrentielles. Reste qu’elle intervient dans un contexte de renforcement du contrôle des concentrations qui se traduit par des réflexions sur l’introduction d’un contrôle ex post des concentrations posant des préoccupations substantielles de concurrence sans pour autant franchir les seuils actuels. Si ces réflexions devaient prendre forme, espérons que la clarté et la sécurité juridique seront au rendez-vous.

Article paru dans le magazine Option Finance le 16 mars 2020


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