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Concessions d’énergie hydraulique

Adoption d’un décret-balai le 11 août 2020

03/12/2020

Le décret n° 2020-1027 du 11 août 2020 donne compétence au concessionnaire pour octroyer des autorisations d'occupation domaniale et pour en fixer les conditions financières.

Il aménage par ailleurs la procédure d'autorisation de travaux ainsi que les modalités de modification du contrat de concession et du règlement d'eau.

Le décret n° 2020-1027 du 11 août 2020 apporte un nombre significatif de modifications aux dispositions réglementaires relatives aux concessions d’énergie hydraulique.

Nous n’évoquerons ici que les principales, relatives à la procédure d’autorisation de travaux, à la modification des contrats de concession et des règlements d’eau et aux sous-occupations du domaine public concédé. Le dispositif d’entrée en vigueur de ces dispositions mérite une attention particulière. Enfin, l’adoption de ce décret permet de rappeler les apports de la loi énergie-climat du 8 novembre 2019.

Soulignons toutefois que le décret concerne également la redevance proportionnelle, révisée à la hausse à compter de la onzième année suivant la délivrance de la concession (article 11), ou encore la modification de l’utilisation des ouvrages et les incidents ou accidents pouvant intervenir dans le cadre de l’exécution de la concession (article 9).

Procédure d’autorisation de travaux

Bien que récrites par le décret du 11 août 2020, la plupart des dispositions relatives à l’autorisation de barrages ont conservé leur portée antérieure. On notera cependant les nouveaux articles R.521-32 et R.521-33 du Code de l’énergie, qui assurent une meilleure prise en compte du droit de l’environnement.

En particulier, l’étude d’impact ou l’étude d’incidence doivent être actualisées lorsque les incidences des projets de travaux "n'ont pas pu être complètement identifiées ou appréciées" dans le cadre de l’étude jointe à la demande de concession ou à la demande de modification du contrat de concession. De même, lorsqu’aucune étude d’impact ne semble initialement nécessaire, celle-ci doit être jointe au projet d’exécution des travaux si elle se révèle finalement requise.

En outre, une nouvelle enquête publique est nécessaire si les travaux n’ont pas débuté dans les cinq années suivant l’octroi de la concession ou de la modification du contrat de concession, à moins que la durée de validité de l’enquête publique n’ait été prorogée dans les conditions prévues par l'article R.123-24 du Code de l'environnement.

Par ailleurs, un récolement est désormais systématiquement requis pour les barrages. Pour les autres travaux, ce récolement est soumis aux dispositions de l’arrêté d’autorisation des travaux.

Enfin, les travaux d'entretien, de maintenance et de grosses réparations font désormais l’objet d’une évaluation environnementale, systématique ou après examen au cas par cas, au regard des seuils et critères fixés à l’annexe de l’article R. 122-2 du Code de l’environnement. Cette contrainte est plus stricte que le droit commun de l’environnement.

Le concessionnaire doit de surcroît s’assurer que les travaux modifiant la géométrie, le degré de sûreté ou la fonctionnalité d'un ouvrage de la concession, qui sont réalisés par une personne tierce au concessionnaire ou pour le compte d’un tiers, respectent les exigences environnementales prévues à l’article R.521-38 du Code de l’environnement.

Modification d’un contrat de concession et du règlement d'eau

L’article R.521-27 du Code de l’énergie distingue désormais entre modifications des contrats de concession "soumises à évaluation environnementale en application des articles L.122-1 et L.122-4 du Code de l'environnement", modifications qui n’y sont pas soumises "mais sont de nature à entraîner des dangers ou des inconvénients significatifs au regard des principes énoncés à l'article L.211-1 du Code de l'environnement" et autres modifications. Dans sa précédente version, cet article distinguait uniquement les "modifications de nature à entraîner des dangers ou des inconvénients significatifs au regard des principes énoncés à l'article L.211-1 du Code de l'environnement" et les autres modifications ; il était en effet antérieur à la création de l’autorisation environnementale issue de l’ordonnance n° 2017‑80 du 26 janvier 2017.

Une harmonisation similaire avec le Code de l’environnement découle de l’article R.521-29 du Code de l’énergie et concerne la modification du règlement d’eau. On distingue ainsi les situations suivantes : soumission à évaluation environnementale en application de l'article L.122-1 du Code de l'environnement, ou, à défaut, à l’étude d'incidence environnementale prévue à l'article R.181-14 de ce code en cas de dangers ou inconvénients significatifs au regard des principes énoncés à l'article L.211-1 du même code, ou encore procédure de participation du public accompagnée d’une consultation des autorités chargées de la gestion du domaine public concerné et de la consultation des autres autorités que le préfet estime nécessaire.

Octroi d’autorisations d'occupation temporaire du domaine public hydroélectrique par le concessionnaire

L’article 2 du décret du 11 août 2020 détermine les modalités d’octroi des autorisations de sous-occupation domaniale par le concessionnaire. Si ces modifications sont juridiquement importantes, elles reflètent pour l’essentiel une pratique mise en place de longue date pour la plupart des concessions hydroélectriques.

Alors que le Code général de la propriété des personnes publiques dispose que l’instruction et l’octroi des demandes d’occupation domaniale relèvent de la compétence du propriétaire du domaine public, l’article R.513-1 du Code de l’énergie prévoit désormais expressément que le concessionnaire est le destinataire de ces demandes, qu’il les instruit – conformément d’ailleurs à la situation de fait existante –, et enfin qu’il décide de l’octroi d’autorisations d’occupation domaniale et en fixe les conditions financières.

Le préfet doit toutefois donner son accord préalablement à l’octroi d’une autorisation d’occupation domaniale par le concessionnaire ; cet accord est implicite en cas de silence gardé pendant deux mois après que le projet de titre d’occupation lui a été transmis. Ici encore, ces nouvelles dispositions semblent entériner la procédure pratiquée par les services étatiques et les concessionnaires. En cas de refus du concessionnaire d’octroyer une autorisation de sous-occupation domaniale, le préfet examine la demande rejetée par le concessionnaire et prend une décision "définitive".

A noter que, par exception, cette procédure d’octroi des autorisations d’occupation domaniale par le concessionnaire cesse de s’appliquer lorsque la durée d’occupation demandée excède le terme normal de la concession hydroélectrique. Dans ce cas, le préfet retrouve sa compétence et les titres d'occupation comportent une clause de substitution au profit de l'Etat ce qui est tout à fait classique.

Enfin, les conditions financières de l’autorisation d’occupation temporaire constitutive de droits réels sont soumises à l'accord du directeur départemental des finances publiques. Celui-ci doit se prononcer dans un délai de deux mois à compter de la transmission du projet de titre d’occupation, lequel précise le cas échéant les conditions ou les servitudes nécessaires à l’exploitation de la concession entre l’Etat et l’exploitant de l’ouvrage hydroélectrique. Le silence du directeur vaut accord à l’issue de cette période.

Entrée en vigueur du décret et modalités d’application

Si le décret s’applique immédiatement aux concessions en cours aux termes de son article 16, son article 15 module à certains égards ses effets dans le temps. Ainsi, la construction des ouvrages et les travaux dont les projets d'exécution ont été déposés jusqu’à la date de publication du présent décret, le 13 août 2020, demeurent régis par les dispositions anciennes. De même, les procédures de modification de contrats de concession pour lesquelles le dossier de demande de modification a été déposé avant cette date et les procédures d'établissement et de modification de règlements d'eau déjà engagées ne sont pas affectées par le décret.

Rappel des dispositions issues de la loi énergie-climat du 8 novembre 2019

Les nouveautés résultant du décret sont l’occasion de rappeler les apports de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, quant à la modification des ouvrages d’énergie hydraulique. Cette loi a en effet créé un article L.511-6-1 dans le Code de l’énergie, qui permet d’augmenter, sans remise en concurrence préalable de la concession, la puissance d’un ouvrage hydroélectrique concédé, lorsque les modifications que cela implique sur le contrat de concession initial ne sont pas substantielles. Si toutefois l’augmentation de puissance modifie l’équilibre économique du contrat en faveur du concessionnaire d’une manière qui n’était pas contractuellement prévue, la redevance proportionnelle prévue à l’article L.523-2 du Code de l’énergie s’applique au concessionnaire et son taux est fixé de manière, précisément, à maintenir l’équilibre économique de la concession.

On se souvient que cette redevance avait été créée par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte afin de ne s’appliquer alors qu’aux nouvelles concessions. En outre, pour contrebalancer la perte de recettes résultant de la prorogation de concessions existantes en cas de retard dans la procédure de renouvellement (les anciens "délais glissants" de la loi de 1919), le législateur a adopté, dans le cadre de la loi de finances pour 2019, un nouvel article L.523 -3 du Code de l’énergie, qui instaure une redevance spécifique : mise en place en faveur de l’Etat, cette redevance est partiellement reversée aux collectivités territoriales sur le territoire desquelles les ouvrages sont situés, selon un taux fixé par l’article R.523-5 du même code (issu du décret n° 2019-664 du 28 juin 2019 relatif à la redevance proportionnelle d'une concession d'énergie hydraulique prorogée en application de l'article L.521-16 du Code de l'énergie) à 40% du résultat normatif de la concession diminué de l’impôt sur les sociétés.

Le législateur a enfin précisé, au dernier alinéa de l’article 43 de la loi énergie-climat, que les travaux impliqués par l’augmentation de puissance ne permettent pas au concessionnaire de bénéficier de la prorogation de la concession dans les termes prévus par l’article L.521-16-3 du Code de l’énergie - disposition controversée qui, au nom de la politique énergétique nationale, permet de repousser l’échéance de la mise en concurrence des concessions d’énergie hydraulique malgré les demandes insistantes de la Commission européenne.

On notera d’ailleurs que le décret du 11 août 2020 ne traite qu’à la marge du sujet de la mise en concurrence des concessions d’énergie hydraulique, en introduisant dans le Code de l’énergie une référence à l’avis de concession prévu à l’article L.3122-1 du Code de la commande publique qui marque le point de départ de la procédure de mise en concurrence. Nous renvoyons sur ce point à nos précédents articles évoquant le sujet, de juillet 2018 (modification de la procédure d’attribution des concessions d’énergie hydraulique) et de mai 2019 (premiers regroupements de concessions d’énergie hydraulique).

 

Nous adressons nos remerciements à Monsieur Bernard Kieffer pour ses précieux éclairages pratiques concernant les apports du décret commenté, s’agissant notamment de l’instruction des demandes de sous-occupation du domaine public.

 Loi énergie-climat

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