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Créances intra-groupe

la prudence est de mise

16/05/2022

Il est de pratique courante pour des sociétés membres d’un groupe de constater entre elles des créances. Cet outil de financement peut parfois donner lieu à des abandons voire, dans les situations les plus précaires, à des pertes sur créances irrécouvrables. Ces situations font toutefois l’objet d’une attention particulière de la part des vérificateurs qui n’hésitent pas à remettre en cause leur déductibilité fiscale. Deux arrêts récents de la cour administrative d’appel (CAA) de Bordeaux illustrent ces problématiques.

1. De l’importance de la date d’appréciation de l’abandon et des difficultés financières du bénéficiaire

Depuis le 4 juillet 2012, ne sont déductibles fiscalement, chez ceux qui les octroient, que les aides 

ayant soit un caractère commercial, soit un caractère financier sous réserve qu’elles bénéficient aux entreprises pour lesquelles une procédure collective est ouverte[1]. Dans cette seconde hypothèse, l’aide n’est alors déductible qu’à hauteur de la situation nette négative de l’entreprise qui en bénéficie et à proportion des participations détenues par d'autres personnes que l'entreprise qui consent les aides[2].

Reste que la législation ne se prononce pas sur la date à retenir pour ce qui est de la mise en œuvre de la procédure collective : instant T ou situation en fin d’exercice ? C’est sur ce point que la CAA de Bordeaux, dans un arrêt rendu le 8 mars 2022, a eu à se prononcer (CAA Bordeaux 8 mars 2022 n° 19BX04963, Sté RT2i).

Dans cette affaire, une société mère a consenti le 19 juin 2014 un abandon de créances à sa filiale. Par un jugement en date du 24 septembre 2014, cette dernière a été placée sous sauvegarde judiciaire. Au titre de son exercice clos le 30 septembre 2014, la société mère a considéré cette aide comme déductible fiscalement. Cette approche a toutefois été remise en cause par l’Administration.

A son tour, la CAA de Bordeaux rejette la déductibilité de l’abandon. En premier lieu, elle écarte l’argument selon lequel l’aide serait commerciale, dans la mesure où il n’existait aucune relation de ce type entre la mère et la fille. En second lieu, elle rejette l’argument selon lequel il fallait se placer à la date de clôture de l’exercice pour apprécier si la filiale était ou non soumise à une procédure collective. Il y a lieu, selon la Cour, d’examiner cette condition au moment de l’abandon. Dans la mesure où l’aide financière était ici antérieure de quelques mois à la mise en œuvre de la procédure collective, elle ne pouvait pas être déductible.

Cette décision peut paraître sévère, même si l’on comprend que les juges du fond ont ici appliqué, pour apprécier la date de mise en œuvre d’une procédure collective, la jurisprudence du Conseil d’Etat selon laquelle un acte anormal de gestion s’apprécie à la date de celui-ci et non à la clôture de l’exercice[3]. Cette approche semble toutefois conforme aux travaux préparatoires de la loi ayant conduit à la mise en place de ce dispositif[4]. En tout état de cause, une clarification par le Conseil d’Etat serait la bienvenue.

2. Du risque de requalification d’une perte irrécouvrable en abandon de créances à caractère financier

L’Administration tente fréquemment de requalifier en abandons de créances à caractère financier non déductibles les pertes sur créances irrécouvrables comptabilisées par les sociétés créancières sur leurs filiales faisant l’objet d’une liquidation amiable, en démontrant notamment que le créancier avait l’intention d’abandonner une partie de sa créance.

C’est cette intention supposée qui a conduit la CAA de Bordeaux, dans un arrêt rendu le 21 octobre 2021, à requalifier en abandon de créance à caractère financier la perte sur créance irrécouvrable qu’une holding avait comptabilisée sur une de ses filiales faisant l’objet d’une liquidation amiable (CAA Bordeaux, 21 octobre 2021, n° 19BX03240).

Pour ce faire, la Cour a usé d’un faisceau d’indices. Elle relève tout d’abord que la perte n’était pas inscrite au compte 654 "pertes sur créances irrécouvrables", mais au compte 664 "pertes sur créances liées à des participations". Elle constate ensuite que les avances en compte-courant accordées avaient été intégralement provisionnées. Pour finir, elle met en avant le fait que la holding avait procédé à la liquidation conventionnelle de sa filiale et, ce faisant, renoncé à exercer ses droits de créancier alors que les actifs de cette dernière auraient pu lui permettre de récupérer une partie de sa créance.

Il nous semble que la CAA aurait pu se placer sous un angle différent et envisager le traitement qui aurait été réservé à une société tierce faisant l’objet d’une liquidation amiable. Dans une telle situation, la liquidation aurait rendu la créance irrécouvrable et aurait permis au créancier de constater une charge déductible, sous réserve d’un éventuel acte anormal de gestion. Au surplus, cette solution aurait eu le mérite de donner un effet utile au principe fiscal général selon lequel les sociétés liées doivent être vues les unes par rapport aux autres comme des tiers.


[1] Article 39, 13° du CGI

[2] A titre illustratif, sont des « aides » les abandons de créances

[3] CE 11 avril 2008 n°284274, Sté Guy Dauphin Environnement et CE 31 juillet 2009 n° 297274, Sté Haussmann Promo Ile-de-France

[4] Le rapport n° 689 du Sénat en préparation de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 n° 2 précisant que "le caractère de chaque abandon de créance résulte de l'examen […] des éléments de fait ou de droit relevés au moment où l'abandon de créance a été consenti".


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