Les millions de personnes morales tenues de se soumettre au dispositif sur le bénéficiaire effectif se sont jusqu’à présent exécutées sans que l’on ait entendu parler d’une vague de contestations. Rappelons que le dispositif, d’inspiration européenne, contraint depuis le 1er avril 2018 toutes les sociétés françaises autres que les entités cotées à déclarer leurs bénéficiaires effectifs, c’est-à-dire les personnes physiques profitant de l’activité de la société ou exerçant une influence sur elle1.
Une question se pose de manière récurrente à propos de la déclaration des bénéficiaires effectifs :
- peut-on se contenter de déclarer le dépassement du seuil de 25% de détention directe ou indirecte du capital ou des droits de vote par le bénéficiaire effectif (Interprétation n°1) ; ou bien
- doit-on déclarer le pourcentage exact détenu par le bénéficiaire effectif (Interprétation n°2) ?
Les directives européennes fondant le dispositif n’étaient pas absolument claires sur le sujet, se référant à la nécessité de communiquer « la nature et (…) l'étendue des intérêts effectifs détenus » ou exigeant des « précisions » sur ces intérêts… sans plus de précision !
La pratique des greffiers chargés de tenir le registre des bénéficiaires effectifs s’est orientée dès le début vers l’Interprétation n° 2. Nous relevions ainsi avec Alain Couret, peu après l’entrée en vigueur du dispositif : « On constate, à la lecture des documents diffusés par les greffes, que ceux-ci demandent un certain nombre d’informations qui ne sont pas aujourd’hui exigées expressément par les dispositions réglementaires. Par exemple, il est demandé aux entités assujetties de préciser le pourcentage des actions détenues par le bénéficiaire effectif qu’elles identifient »2.
De son côté, le Comité juridique de l’ANSA s’est prononcé en faveur de l’Interprétation n°1 : « il ressort clairement des textes qu’il n’existe aucune obligation de mentionner le montant précis de chaque participation supérieure au seuil de 25% (à la différence de ce qui est prévu par d’autres dispositions de la législation) »3.
Quelques décisions de justice ont été rendues sur la question, dont un arrêt d’appel ayant opté pour l’Interprétation n°24. La jurisprudence n’était cependant pas unanime puisqu’on comptait au moins une décision qui avait retenu la position inverse5.
La question vient cependant d’être revisitée pour le droit français par l’un des trois textes parus le 12 février 20206. Une ordonnance et deux décrets ont mis en conformité le droit français avec le dernier état du droit européen et, incidemment, la question qui nous intéresse se trouve apparemment tranchée.
L’un des décrets (n° 2020-118 du 12 février 2020) a en effet modifié l’article R. 561-56 du Code monétaire et financier. Dans sa version antérieure, le texte exigeait que l’on indiquât « les modalités du contrôle exercé sur la société ou l'entité juridique mentionnée au 1°, déterminées conformément aux articles R. 561-1, R. 561-2 ou R. 561-3 », point.
Il impose désormais que l’on indique dans la déclaration des bénéficiaires effectifs « La nature et les modalités du contrôle exercé sur la société ou l'entité juridique mentionnée au 1°, déterminées conformément aux articles R. 561-1, R. 561-2 ou R. 561-3, ainsi que l'étendue de ce contrôle ». Le but de cette modification était vraisemblablement de trancher la question en faveur de l’Interprétation n°2, même si un peu plus de précision encore aurait été envisageable et souhaitable.
Article paru dans le magazine Option Finance le 6 mars 2020
5TGI Marseille, 25 juin 2019.
6Ordonnance n° 2020-115 et décrets n° 2020-118 et 2020-119.
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