La Commission d’examen des pratiques commerciales propose un vade-mecum didactique à l’usage des opérateurs économiques sur l’application dans l’espace des dispositions impératives du Code de commerce relatives aux délais de paiement. Arnaud Reygrobellet et Elisabeth Flaicher-Maneval en exposent le contenu.
1 L’application de la réglementation française sur les délais de paiement dans les relations internationales ne cesse de susciter des interrogations depuis nombre d’années. L’intérêt de la question présente toutefois une acuité nouvelle à l’heure d’une internationalisation croissante des échanges commerciaux mais aussi de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Avec le Brexit, celui-ci est aujourd’hui considéré comme un Etat tiers à part entière dans les relations franco-britanniques.
2 Dans ce contexte, l’avis rendu par la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) le 18 mars 2021 peut s’avérer particulièrement intéressant, même s’il s’agit de « soft law » sans portée contraignante. Ce n’est pas la première fois que la CEPC est appelée à se prononcer sur l’application du dispositif national dans un échange international (en dernier lieu, avis CEPC no 16-1 du 14-1-2016 et no 16-12 du 24-6-2016 : BRDA 14/16 inf. 16). Mais la démarche est, cette fois, inédite.
Alors que jusqu’à présent il s’était agi pour elle de prendre parti sur l’application du dispositif français dans une configuration précise, ce ne sont ici pas moins de 24 hypothèses combinant la localisation de l’acheteur, le lieu de livraison et la loi choisie par les parties qui sont passées au crible par la CEPC pour répondre aux termes précis de la demande d’avis. L’avis se décline sous la forme d’un va-demecum proposant un cadre général destiné à être mis à l’épreuve des situations particulières.
I. Enjeux de la question
3 Les opérateurs économiques et spécialistes du droit de la distribution ont tous été confrontés à de redoutables
difficultés lorsqu’ils ont eu à s’interro-ger sur l’application, dans un contexte international, du dispositif français réglementant les délais de paiement entre professionnels, tel qu’il se trouve régi par les articles L 441-10 et suivants du Code de commerce.
Aussi, face au silence de la loi comme de la DGCCRF, et en l’absence de jurisprudence clairement formée, saura-t-on gré à la CEPC d’avoir livré une analyse approfondie, dans le cadre de la mission qui est la sienne, sur cette délicate question et ouvert un certain nombre de pistes de solutions.
4 De fait, les règles françaises, si elles procèdent de la transposition fidèle de la directive 2011/7/UE du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, se révèlent particulièrement rigoureuses, le législateur ayant opté en faveur des créanciers pour les délais les plus courts proposés par le texte com munautaire (délai contractuel maximal – excepté la dérogation en faveur du grand export – de 60 jours date de facture ou 45 jours fin de mois après cette date, contra la possibilité d’un délai supérieur à 60 jours hors abus manifeste) et assorti le non-respect du dispositif de lourdes sanctions administratives (amende pouvant atteindre 2 millions d’euros et publication de la condamnation sur le site de la DGCCRF).
Il s’ensuit que, même dans des relations circonscrites au sein de l’Union européenne, des difficultés peuvent apparaître pour savoir si, nonobstant le choix par les parties de la loi d’un Etat membre autre que la France pour gouverner leur contrat et, peut-être, échapper à la rigueur du dispositif français, les règles plus exigeantes du Code de commerce n’auraient pas vocation à s’appliquer en tant que lois de police. A fortiori, la question se pose lorsque la loi d’un Etat tiers a été retenue pour régir le contrat entre les partenaires professionnels.
II. Champ d’application de l’avis de la CEPC
5 L’avis étudié envisage un nombre important d’hypothèses, puisque pas moins de 24 situations concrètes sont détaillées, assorties pour chacune d’une proposition de solution.
Cela étant, les auteurs de l’avis ont pris soin de circonscrire le champ de leur analyse, conformément en cela à la demande dont la CEPC était saisie : seule est envisagée la situation d’un fournisseur français lorsque l’acheteur ou la livraison du bien se situent dans un pays étranger (soit dans l’Union européenne, soit dans un pays tiers à l’UE). La configuration symétrique, celle où le fournisseur est localisé à l’étranger tandis que l’acheteur est français, n’est donc pas traitée par l’avis, pas plus qu’elle ne sera abordée ici.
Par ailleurs, il est indiqué que, si les raisonnements sont construits à propos des contrats de vente de marchandises (conformément en cela à la saisine), les solutions proposées sont transposables mutatis mutandis (le lieu de « livraison » est alors le lieu de réalisation de la prestation) aux contrats de prestation de services, à la réserve près que la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises (CVIM) ne leur est pas applicable (sauf, rappelons-le, si un même contrat porte sur la livraison de produits et la fourniture de services et si la fourniture de services demeure accessoire).
6 La notion d’acheteur utilisée dans l’avis n’est pas d’une grande clarté. Mais on croit comprendre qu’il convient de donner à ce terme une acception purement juridique : il s’agit de la partie à laquelle incombe l’obligation de payer le prix convenu au fournisseur français, et ce, quel que soit le lieu de livraison ou l’adresse de facturation.
Lorsque le contrat est conclu avec une centrale d’achat, il faut donc postuler que la centrale intervient comme acheteur-revendeur et c’est ainsi le lieu où son siège est implanté qu’il faudra prendre en compte, outre, comme on va le voir, le lieu de livraison effective. Il se peut aussi que l’acheteur n’ait pas cette fonction de centrale d’achat et soit une « simple » société, c’est-à-dire sans doute une personne morale quelle que soit sa nature juridique. S’agissant de ce que l’avis appelle le « site client », on peut penser qu’il correspond à un entrepôt, un établissement, une succursale ou une filiale de l’entité acheteuse.
III. Les critères de solution
7 L’objectif de l’avis est de déterminer, pour chaque cas de figure examiné si, nonobstant la loi choisie par les parties pour gouverner leur contrat, les règles du Code de commerce n’auraient pas vocation à s’appliquer comme lois de police.
8 Afin de déployer son canevas de solutions, la CEPC articule alors deux séries de critères.
Les premiers sont, on l’a vu, de nature purement juridique. Il s’agit de déterminer, une fois qu’on est convenu que seule sera considérée la situation du fournisseur « français », le siège social de l’acheteur. Trois cas de figure sont examinés dans l’avis, selon que l’acheteur a son siège en France, hors de France mais sur le territoire d’un Etat membre de l’UE ou, enfin, sur le territoire d’un Etat tiers. Doit être aussi être prise en compte l’éventuelle application des règles issues de la CVIM précitée, qui peuvent prévaloir sur celles issues du Code de commerce.
Les seconds critères sont plus économiques que véritablement juridiques. En effet, il importe de localiser la relation contractuelle, c’est-à-dire de déterminer in concreto le pays avec lequel il existe des éléments de rattachement les plus évidents au regard des objectifs poursuivis par la réglementation encadrant les délais de paiement. Cela concerne notamment, mais pas seulement, le lieu de livraison des marchandises, qui, certes prévu par le contrat, suggère que ce lieu est situé sur le territoire de l’Etat sur lequel seront distribuées ces marchandises. Au résultat, pour chaque cas de figure, sont combinés dans cet ordre la localisation de l’acheteur, le lieu de livraison (et de facturation), la loi choisie par les parties et l’application éventuelle de la CVIM.
9 La démarche retenue par l’avis paraît judicieuse. A cela, deux raisons qui combinent leurs effets.
En premier lieu, il est peu contestable que la réglementation sur les délais de paiement définit un ordre public économique, dont le cadre est fixé à l’échelle de l’UE par la directive 2011/7/UE et décliné, dans les limites ainsi fixées, par la législation interne de chaque Etat membre. En conséquence, il peut être légitime de faire prévaloir l’ordre public « français », dès lors que la relation économique se rattache au territoire français : tout dépassement des délais plafonds peut avoir une incidence négative sur l’écosystème économique du pays, les difficultés de trésorerie du fournisseur français (crédit-fournisseur) étant susceptibles de se propager, par capillarité, à « l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement nationale », comme le relève à juste titre la CEPC.
En second lieu, la notion même de loi de police au sens de l’article 9, 1 du règlement 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (« Rome I ») postule une telle approche, puisque la loi de police est définie comme « une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique [...] ». Pour savoir si une loi de police, ici une disposition issue du Code de commerce régissant les délais de paiement (cf. Avis CEPC no 16-1 du 16-1-2016), permet d’écarter une stipulation contraire ou de suppléer à un contrat de vente régi par un droit étranger, il convient donc de déterminer si, en fait, la situation née de ce contrat se rattache par des liens suffisants au territoire français.
10 Globalement, le raisonnement et les solutions retenus par la CEPC dans l’avis commenté nous paraissent pertinents.
11 Il nous semble seulement utile d’ap-porter une nuance sur deux aspects sur lesquels, peut-être, la CEPC n’insiste pas suffisamment.
D’abord, le recours au mécanisme correctif de la loi de police est conçu pour être exceptionnel, ainsi qu’en attestent le libellé de l’article 9, 1 précité du règlement Rome I comme la jurisprudence tant européenne que française. Et ce, d’autant que, l’avis en fait expressément état, la possibilité d’invoquer une loi de police dans l’espace de l’Union européenne est plus limitée encore lorsque les droits concurrents sont issus de la transposition d’une directive, telle la directive 2011/7/UE sur les délais de paiement. Pour que la règle, plus sévère on l’a dit, du Code de commerce français puisse écarter celle également transposée prévue par le droit d’un autre Etat membre, il faudrait pouvoir démontrer que la loi française poursuit des objectifs d’intérêt public propres, distincts de ceux pour
suivis par la directive (CJUE 17-10-2013 aff. 184/12). Ce qui n’est évidemment pas le cas.
Une autre nuance, dont l’avis ne fait pas mention, concerne la possibilité, à supposer que le droit français trouve à s’appliquer en tant que loi de police, de faire respecter effectivement la norme française. On imagine mal, en effet, que l’amende administrative prévue à l’ar-ticle L 441-16 du Code de commerce puisse être effectivement appliquée à un acheteur dont le siège serait localisé hors de France. C’est plus évident encore si le contrat comporte une clause attributive de juridiction au bénéfice du juge étranger (hypothèse non envisagée par l’avis).
12 On peut regretter aussi que la CEPC ne se prononce pas sur le risque de sanction à l’encontre du fournisseur français qui, en raison du choix d’une loi étrangère, ne respecterait pas les délais plafonds du Code de commerce. Dans la mesure où les textes du Code de commerce ne s’intéressent pas à l’auteur du manquement mais uniquement au manquement lui-même, les deux parties pourraient théoriquement être sanctionnées en cas de non-respect de la règle française. La situation nous semblerait aberrante, y compris si les éléments de rattachement au territoire français s’avéraient suffisants et convaincants, et ce, à la fois parce que le fournisseur n’aura pas nécessairement les moyens d’imposer à l’acheteur étranger de se conformer aux exigences du droit français, mais aussi et surtout parce que cette application déraisonnable irait directement à l’encontre de l’objectif de protection du dispositif.
IV. Les hypothèses
13 Plutôt que de reprendre le cheminement suivi par la CEPC, qui, au regard de la question dont elle est saisie, déroule 24 situations concrètes, conduisant inévitablement à quelques redites, il paraît préférable de retenir comme clé d’analyse la nature de la loi appelée à gouverner la relation nouée entre le fournisseur français et un acheteur, localisé en France ou hors de France. Sont ainsi détaillées les différentes hypothèses dans lesquelles vont trouver à s’appliquer soit les règles issues de la CVIM, soit celles du Code de commerce, soit celles résultant de la loi d’un Etat membre, soit enfin celles résultant de l’application de la loi d’un Etat tiers à l’UE.
A. APPLICATION DE LA CVIM
14 La CVIM a vocation à s’appliquer lorsque la vente de marchandises intervient entre des parties établies dans deux Etats différents qui en sont signataires ou lorsque les règles de droit international privé désignent la loi d’un Etat signataire (art. 1, 1).
15 Les parties à une vente internationale de marchandises, au sens de la Convention, peuvent toutefois écarter son application par une stipulation expresse du contrat dans chacun des cas suivants (art. 6) :
- lorsque les parties choisissent la loi d’un Etat non partie à la Convention (par exemple, le droit anglais) ;
- lorsque les parties choisissent la loi d’un Etat partie à la Convention (par exemple, le droit français, allemand ou vietnamien), sous réserve de préciser expressément qu’il s’agit du droit interne de cet Etat à l’exclusion de la CVIM (exception faite du choix de la loi d’un Etat ayant émis des réserves sur l’appli-cation de l’article 1, 1-b en application de l’article 95, c’est-à-dire ayant exclu la CVIM du champ de sa loi nationale lorsque celle-ci est désignée loi applicable en vertu
des règles de droit international privé, comme les Etats-Unis ou la Slovaquie). A défaut d’une telle précision, la CVIM ne sera pas exclue (Cass. com. 13-9-2011 no 09-70.305 F-D : BRDA 21/11 inf. 13).
16 La CVIM s’applique donc, quel que soit le lieu de livraison de la marchandise, lorsque l’acheteur est établi dans un Etat membre ou un Etat tiers, dès lors que cet Etat est partie à la Convention et que les parties n’ont pas exclu expressément son application lors du choix de la loi applicable au contrat. Rappelons que la CVIM s’applique aujourd’hui dans 94 Etats et que, dans l’UE, elle n’a pas été ratifiée par l’Irlande, Malte et la République tchèque.
17 Lorsque la CVIM est applicable, la question des délais de paiement relève de celle-ci selon les modalités ci-après (en ce sens déjà, avis CEPC no 16-12 précité). En présence de délais contractuels, « l’acheteur doit payer le prix à la date fixée au contrat ou résultant du contrat et de la présente Convention, sans qu’il soit besoin d’aucune demande ou autre formalité de la part du vendeur » (CVIM
art. 59). La CEPC rappelle que « les délais de paiement convenus entre les parties ne devraient pas constituer un abus manifeste à l’égard du créancier, c’est-à-dire traduire un écart manifeste par rapport aux bonnes pratiques et usages commerciaux, contraire à la bonne foi et à un usage loyal, compte tenu de la nature du produit » (Avis no 16-12 précité). Elle précise que pour la mise en œuvre de cette exigence, il est permis de prendre en compte les usages sectoriels ainsi que les « days sales outstanding » (DSO : délai moyen de paiement des clients).
En l’absence de clause prévoyant les délais de paiement, l’acheteur doit payer le prix au moment où « le vendeur met à sa disposition soit les marchandises, soit des documents représentatifs des marchandises » (CVIM art. 58, 1).
B. CVIM NON APPLICABLE
18 Les solutions présentées ci-après supposent nécessairement que la CVIM ne soit pas applicable soit parce que l’opé-ration ne comporte pas de dimension internationale au sens de la Convention (parties et relations contractuelles localisées dans le même Etat), soit parce que les parties en ont expressément exclu l’application.
Choix de la loi française
19 Si la loi française est choisie par les parties pour régir leur relation commerciale, la réglementation encadrant les délais de paiement s’applique nécessairement, en dépit de la présence d’un élément d’extranéité, dans les configurations suivantes :
- lorsque l’acheteur est établi en France et que la livraison intervient dans l’UE ou hors UE. Bien que conclue par deux parties installées sur le territoire français, la vente comporte une dimension internationale puisque la livraison intervient en dehors de ce territoire. Conformément au règlement Rome I, les parties peuvent valablement choisir la loi française comme loi applicable au contrat (étant observé que celle-ci s’ap-pliquera nécessairement en l’absence de choix de la loi applicable) ;
- lorsque l’acheteur est établi sur le territoire de l’UE et que la livraison intervient en France, l’ensemble de la relation commerciale se déroulant matériellement en France (fournisseur et livraison en France) (Règl. Rome I art. 3, 3 ; avis CEPC no 16-1 précité et no 19-2 du 14-3-2019) ;
- lorsque l’acheteur est établi sur le territoire de l’UE et que la livraison intervient aussi dans l’UE ;
- lorsque l’acheteur est établi sur le territoire de l’UE et que la livraison intervient en dehors de l’UE, la loi française étant applicable en vertu du règlement Rome I ; - lorsque l’acheteur est établi hors UE et que la livraison intervient en France, l’opération se déroulant au surplus matériellement en France ;
- lorsque l’acheteur est établi hors UE et que la livraison intervient dans ou en dehors de l’UE.
Choix de la loi d’un Etat membre de l’UE
20 Les parties peuvent convenir d’appli-quer à leur contrat la loi d’un Etat membre de l’UE (la CVIM ayant été écartée, ce qui est semble-t-il assez fréquent en pratique, ou n’étant pas applicable). Un tel choix est envisageable que l’acheteur soit établi en France (mais la livraison sera prévue hors de France) ou, plus vraisemblablement, établi sur le territoire d’un Etat membre de l’UE, voire, plus rarement, sur le territoire d’un Etat tiers à l’UE.
21 Ce choix peut-il être remis en cause au motif que les règles du Code de commerce sur les délais de paiement seraient des lois de police ?
Il faut combiner à nouveau les critères de localisation de l’acheteur et du site client où la livraison est réalisée. La loi de l’Etat membre, choisie par les parties, aura vocation à s’appliquer selon la CEPC dans les configurations suivantes.
22 Acheteur établi en France. La loi de l’Etat membre s’applique lorsque la livraison est réalisée sur le territoire de l’UE dont la loi gouverne le contrat. La CEPC rappelle à juste titre les enseignements de l’arrêt Unamar (CJUE 17-10-2013 aff. 184/12 précité) : dans un contexte in-tra-européen, la loi de transposition française ne pourrait être considérée comme une loi de police, primant la loi d’un autre Etat membre désignée par les parties (ou par la règle de conflit), que s’il était établi « de façon circonstanciée » que la loi française poursuit des objectifs propres par rapport à ceux visés par la directive. Démonstration qui ne semble pas pouvoir être rapportée ici.
La loi de l’Etat membre s’applique aussi lorsque le site client est livré et facturé hors des frontières de l’UE. Les règles issues de la directive 2011/7/UE, telles que transposées par l’Etat membre dont la loi a été retenue, doivent donc être appliquées. Toutefois, en théorie, les dispositions plus rigoureuses du Code de commerce pourraient à notre avis prévaloir comme lois de police si, du moins, il est possible d’identifier des éléments de rattachement
suffisants avec le territoire français ; démonstration délicate, qu’il incomberait à l’administration d’établir pour pouvoir appliquer les sanctions prévues à l’article
L 441-16 du même Code.
23 Acheteur établi sur le territoire de l’UE. La loi de l’Etat membre, choisie par les parties, s’applique lorsque le site client est livré et facturé sur le territoire de l’UE ou même hors de l’UE. Cette loi, issue de la transposition régulière de la directive 2011/7/UE, a naturellement vocation à régir la relation contractuelle. A priori, les règles issues du Code de commerce ne peuvent pas être invoquées comme lois de police, faute de lien de rattachement suffisant avec le territoire français.
Dans le cas où le site client serait livré et facturé en France en revanche, s’il est établi que la relation commerciale se déroule à titre principal sur le territoire français, les règles du Code de commerce pourraient sans doute évincer, en tant que lois de police, les dispositions moins favorables (pour le créancier) inscrites dans la loi de l’Etat membre retenue (rapprocher avis CEPC no 19-2 du 14-3-2019, sur l’application du plafond légal des délais de paiement dans le contexte d’un contrat-cadre conclu entre deux sociétés mères étrangères).
24 Acheteur établi hors de l’UE. Il est peu vraisemblable que, dans cette configuration, la loi d’un autre Etat membre que la France soit choisie par les parties, mais rien ne l’interdit.
Si le site client est livré et facturé hors de France (au sein ou à l’extérieur de l’UE), les règles plus favorables du Code de commerce ne devraient en principe pas pouvoir interférer, faute de lien de rattachement suffisant avec le territoire français. Dans le cas où le site client serait livré et facturé en France, s’il est établi que la relation commerciale se déroule, à titre principal sur le territoire français, les règles du Code de commerce pourraient évincer, en tant que lois de police, les dispositions moins favorables (pour le créancier) issues de la loi de l’Etat membre retenu.
Choix de la loi d’un Etat tiers à l’UE
25 En supposant là encore que la CVIM n’est pas applicable, les parties peuvent convenir d’appliquer à leur contrat la loi d’un Etat tiers (y compris désormais celle du Royaume-Uni) qui pourrait ne comporter aucune exigence particulière en matière de délais de paiement. Il convient à nouveau de distinguer selon le territoire d’établissement de l’acheteur et du site client où s’opère la livraison.
26 Acheteur établi en France. Que le site client soit livré et facturé sur le territoire de l’UE ou hors des frontières de l’UE, les règles du Code de commerce pourraient, en tant que lois de police, prévaloir sur la loi de l’Etat tiers si des liens de rattachement suffisant avec la France sont établis. Même si la livraison s’opère hors de France, la circonstance que fournisseur et acheteur soient localisés en France pourrait être l’indice d’un tel rattachement.
27 Acheteur établi sur le territoire de l’UE. Lorsque le site client est livré et facturé en France, on retrouve une configuration où la loi de police française pourrait évincer la loi étrangère choisie s’il peut être démontré que les autres éléments de la situation contractuelle sont localisés sur le territoire français.
Il en ira de même si le site client est livré et facturé sur le territoire de l’UE. Simplement, le rattachement de la situation contractuelle au territoire français sera moins aisé pour l’administration. La situation étant par ailleurs intra-eu-ropéenne, un juge (français) saisi devrait appliquer la règle de l’article 3, 4 du règlement Rome I faisant prévaloir, sur la loi de l’Etat tiers retenue, les dispositions impératives de l’Etat membre sur le territoire duquel tous les autres éléments de la situation sont localisés, au moment de ce choix. Un raisonnement similaire s’applique si le site client est livré et facturé à l’exté-rieur de l’UE.
28 Acheteur établi hors de l’UE. Il apparaît plus naturel de choisir la loi d’un Etat tiers à l’UE lorsque, le fournisseur étant localisé en France, l’acheteur se trouve sur le territoire de l’Etat tiers en cause.
Lorsque le site client est livré et facturé en France, la loi de police française pourrait néanmoins évincer la loi étrangère choisie en plaidant que l’ensemble de la relation contractuelle se déroule sur le territoire français.
Lorsque le site client est livré et facturé sur le territoire de l’UE ou même à l’extérieur de l’UE, il convient de mettre en œuvre les mêmes solutions que celles qui viennent d’être exposées au no 27 : application potentielle du droit français comme loi de police si les conditions de rattachement sont vérifiées ; ce qui est peu probable.
29 Convenons, en guise de conclusion, que ce canevas de solutions s’apparente à un redoutable labyrinthe. Ce qui ne manque pas d’étonner s’agissant de mettre en œuvre un texte de nature quasi pénale, dont le moins qu’on puisse dire est que le champ d’application territoriale manque de la clarté censément requise pour une telle norme.
Article paru eu BRDA n°11 le 01/06/2021
En savoir plus sur notre cabinet d'avocats :
Notre cabinet d'avocats est l’un des principaux cabinets d’avocats d’affaires internationaux. Son enracinement local, son positionnement unique et son expertise reconnue lui permettent de fournir des solutions innovantes et à haute valeur ajoutée dans tous les domaines du droit.
Les cookies de réseaux sociaux collectent des données sur les informations que vous partagez à partir de notre site Internet par l’intermédiaire des outils des réseaux sociaux ou des données analytiques afin de comprendre votre parcours de navigation entre les outils des réseaux sociaux ou nos campagnes sur ceux-ci ou nos propres sites Internet. Nous les utilisons pour optimiser les différents canaux de communication afin de vous proposer notre contenu. Des informations détaillées concernant les outils que nous utilisons sont disponibles dans notre Politique de confidentialité.