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Délais de paiement dans les relations commerciales internationales

à propos d’un avis de la CEPC

02/06/2021

La Commission d’examen des pratiques commerciales propose un vade-mecum didactique à l’usage des opérateurs économiques sur l’application dans l’espace des dispositions impératives du Code de commerce relatives aux délais de paiement. Arnaud Reygrobellet et Elisabeth Flaicher-Maneval en exposent le contenu.

1 L’application de la réglementation française sur les délais de paiement dans les relations internationales ne cesse de susciter des interrogations depuis nombre d’années. L’intérêt de la question présente toutefois une acuité nouvelle à l’heure d’une internationalisation croissante des échanges commerciaux mais aussi de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Avec le Brexit, celui-ci est aujourd’hui considéré comme un Etat tiers à part entière dans les relations franco-britanniques.

2 Dans ce contexte, l’avis rendu par la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) le 18 mars 2021 peut s’avérer particulièrement intéressant, même s’il s’agit de « soft law » sans portée contraignante. Ce n’est pas la première fois que la CEPC est appelée à se prononcer sur l’application du dispositif national dans un échange international (en dernier lieu, avis CEPC no 16-1 du 14-1-2016 et no 16-12 du 24-6-2016 : BRDA 14/16 inf. 16). Mais la démarche est, cette fois, inédite.

Alors que jusqu’à présent il s’était agi pour elle de prendre parti sur l’application du dispositif français dans une configura­tion précise, ce ne sont ici pas moins de 24 hypothèses combinant la localisation de l’acheteur, le lieu de livraison et la loi choisie par les parties qui sont passées au crible par la CEPC pour répondre aux termes précis de la demande d’avis. L’avis se décline sous la forme d’un va-demecum proposant un cadre général destiné à être mis à l’épreuve des situa­tions particulières.

I. Enjeux de la question

3 Les opérateurs économiques et spé­cialistes du droit de la distribution ont tous été confrontés à de redoutables  

difficultés lorsqu’ils ont eu à s’interro-ger sur l’application, dans un contexte international, du dispositif français ré­glementant les délais de paiement entre professionnels, tel qu’il se trouve régi par les articles L 441-10 et suivants du Code de commerce.

Aussi, face au silence de la loi comme de la DGCCRF, et en l’absence de juris­prudence clairement formée, saura-t-on gré à la CEPC d’avoir livré une analyse approfondie, dans le cadre de la mis­sion qui est la sienne, sur cette délicate question et ouvert un certain nombre de pistes de solutions.

4 De fait, les règles françaises, si elles procèdent de la transposition fidèle de la directive 2011/7/UE du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions com­merciales, se révèlent particulièrement rigoureuses, le législateur ayant opté en faveur des créanciers pour les délais les plus courts proposés par le texte com­  munautaire (délai contractuel maximal – excepté la dérogation en faveur du grand export – de 60 jours date de facture ou 45 jours fin de mois après cette date, contra la possibilité d’un délai supérieur à 60 jours hors abus manifeste) et assorti le non-respect du dispositif de lourdes sanctions administratives (amende pou­vant atteindre 2 millions d’euros et pu­blication de la condamnation sur le site de la DGCCRF).

Il s’ensuit que, même dans des relations circonscrites au sein de l’Union euro­péenne, des difficultés peuvent appa­raître pour savoir si, nonobstant le choix par les parties de la loi d’un Etat membre autre que la France pour gouverner leur contrat et, peut-être, échapper à la ri­gueur du dispositif français, les règles plus exigeantes du Code de commerce n’auraient pas vocation à s’appliquer en tant que lois de police. A fortiori, la ques­tion se pose lorsque la loi d’un Etat tiers a été retenue pour régir le contrat entre les partenaires professionnels.

II. Champ d’application de l’avis de la CEPC

5 L’avis étudié envisage un nombre im­portant d’hypothèses, puisque pas moins de 24 situations concrètes sont détaillées, assorties pour chacune d’une proposi­tion de solution.

Cela étant, les auteurs de l’avis ont pris soin de circonscrire le champ de leur analyse, conformément en cela à la de­mande dont la CEPC était saisie : seule est envisagée la situation d’un fournis­seur français lorsque l’acheteur ou la livraison du bien se situent dans un pays étranger (soit dans l’Union euro­péenne, soit dans un pays tiers à l’UE). La configuration symétrique, celle où le fournisseur est localisé à l’étranger tan­dis que l’acheteur est français, n’est donc pas traitée par l’avis, pas plus qu’elle ne sera abordée ici.

Par ailleurs, il est indiqué que, si les rai­sonnements sont construits à propos des contrats de vente de marchandises (conformément en cela à la saisine), les solutions proposées sont transposables mutatis mutandis (le lieu de « livraison » est alors le lieu de réalisation de la presta­tion) aux contrats de prestation de ser­vices, à la réserve près que la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises (CVIM) ne leur est pas applicable (sauf, rappe­lons-le, si un même contrat porte sur la livraison de produits et la fourniture de services et si la fourniture de services de­meure accessoire).

6 La notion d’acheteur utilisée dans l’avis n’est pas d’une grande clarté. Mais on croit comprendre qu’il convient de donner à ce terme une acception pu­rement juridique : il s’agit de la partie à laquelle incombe l’obligation de payer le prix convenu au fournisseur fran­çais, et ce, quel que soit le lieu de livrai­son ou l’adresse de facturation.

Lorsque le contrat est conclu avec une centrale d’achat, il faut donc postu­ler que la centrale intervient comme acheteur-revendeur et c’est ainsi le lieu où son siège est implanté qu’il faudra prendre en compte, outre, comme on va le voir, le lieu de livraison effective. Il se peut aussi que l’acheteur n’ait pas cette fonction de centrale d’achat et soit une « simple » société, c’est-à-dire sans doute une personne morale quelle que soit sa nature juridique. S’agissant de ce que l’avis appelle le « site client », on peut penser qu’il correspond à un entrepôt, un établissement, une succursale ou une filiale de l’entité acheteuse.

III. Les critères de solution

7 L’objectif de l’avis est de déterminer, pour chaque cas de figure examiné si, nonobstant la loi choisie par les parties pour gouverner leur contrat, les règles du Code de commerce n’auraient pas voca­tion à s’appliquer comme lois de police.

8 Afin de déployer son canevas de solu­tions, la CEPC articule alors deux séries de critères.

Les premiers sont, on l’a vu, de nature pu­rement juridique. Il s’agit de déterminer, une fois qu’on est convenu que seule sera considérée la situation du fournisseur « français », le siège social de l’acheteur. Trois cas de figure sont examinés dans l’avis, selon que l’acheteur a son siège en France, hors de France mais sur le terri­toire d’un Etat membre de l’UE ou, enfin, sur le territoire d’un Etat tiers. Doit être aussi être prise en compte l’éventuelle application des règles issues de la CVIM précitée, qui peuvent prévaloir sur celles issues du Code de commerce.

Les seconds critères sont plus écono­miques que véritablement juridiques. En effet, il importe de localiser la relation contractuelle, c’est-à-dire de déterminer in concreto le pays avec lequel il existe des éléments de rattachement les plus évidents au regard des objectifs pour­suivis par la réglementation encadrant les délais de paiement. Cela concerne notamment, mais pas seulement, le lieu de livraison des marchandises, qui, certes prévu par le contrat, suggère que ce lieu est situé sur le territoire de l’Etat sur le­quel seront distribuées ces marchandises. Au résultat, pour chaque cas de figure, sont combinés dans cet ordre la locali­sation de l’acheteur, le lieu de livraison (et de facturation), la loi choisie par les parties et l’application éventuelle de la CVIM.

9 La démarche retenue par l’avis paraît judicieuse. A cela, deux raisons qui com­binent leurs effets.

En premier lieu, il est peu contestable que la réglementation sur les délais de paiement définit un ordre public écono­mique, dont le cadre est fixé à l’échelle de l’UE par la directive 2011/7/UE et décli­né, dans les limites ainsi fixées, par la lé­gislation interne de chaque Etat membre. En conséquence, il peut être légitime de faire prévaloir l’ordre public « français », dès lors que la relation économique se rattache au territoire français : tout dé­passement des délais plafonds peut avoir une incidence négative sur l’écosystème économique du pays, les difficultés de trésorerie du fournisseur français (cré­dit-fournisseur) étant susceptibles de se propager, par capillarité, à « l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement na­tionale », comme le relève à juste titre la CEPC.

En second lieu, la notion même de loi de police au sens de l’article 9, 1 du règle­ment 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (« Rome I ») postule une telle approche, puisque la loi de police est définie comme « une disposition impérative dont le res­pect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique [...] ». Pour savoir si une loi de police, ici une disposition issue du Code de commerce régissant les délais de paiement (cf. Avis CEPC no 16-1 du 16-1-2016), permet d’écarter une sti­pulation contraire ou de suppléer à un contrat de vente régi par un droit étran­ger, il convient donc de déterminer si, en fait, la situation née de ce contrat se rat­tache par des liens suffisants au territoire français.

10 Globalement, le raisonnement et les solutions retenus par la CEPC dans l’avis commenté nous paraissent pertinents.

11 Il nous semble seulement utile d’ap-porter une nuance sur deux aspects sur lesquels, peut-être, la CEPC n’insiste pas suffisamment.

D’abord, le recours au mécanisme cor­rectif de la loi de police est conçu pour être exceptionnel, ainsi qu’en attestent le libellé de l’article 9, 1 précité du règle­ment Rome I comme la jurisprudence tant européenne que française. Et ce, d’autant que, l’avis en fait expressément état, la possibilité d’invoquer une loi de police dans l’espace de l’Union euro­péenne est plus limitée encore lorsque les droits concurrents sont issus de la trans­position d’une directive, telle la directive 2011/7/UE sur les délais de paiement. Pour que la règle, plus sévère on l’a dit, du Code de commerce français puisse écarter celle également transposée pré­vue par le droit d’un autre Etat membre, il faudrait pouvoir démontrer que la loi française poursuit des objectifs d’intérêt public propres, distincts de ceux pour

suivis par la directive (CJUE 17-10-2013 aff. 184/12). Ce qui n’est évidemment pas le cas.

Une autre nuance, dont l’avis ne fait pas mention, concerne la possibilité, à supposer que le droit français trouve à s’appliquer en tant que loi de police, de faire respecter effectivement la norme française. On imagine mal, en effet, que l’amende administrative prévue à l’ar-ticle L 441-16 du Code de commerce puisse être effectivement appliquée à un acheteur dont le siège serait localisé hors de France. C’est plus évident encore si le contrat comporte une clause attributive de juridiction au bénéfice du juge étran­ger (hypothèse non envisagée par l’avis).

12 On peut regretter aussi que la CEPC ne se prononce pas sur le risque de sanction à l’encontre du fournisseur français qui, en raison du choix d’une loi étrangère, ne respecterait pas les délais plafonds du Code de commerce. Dans la mesure où les textes du Code de commerce ne s’intéressent pas à l’auteur du manquement mais uniquement au manquement lui-même, les deux parties pourraient théoriquement être sanctionnées en cas de non-respect de la règle française. La situation nous semblerait aberrante, y compris si les éléments de rattachement au territoire français s’avéraient suffisants et convaincants, et ce, à la fois parce que le fournisseur n’aura pas nécessairement les moyens d’imposer à l’acheteur étranger de se conformer aux exigences du droit français, mais aussi  et  surtout parce que cette application déraisonnable irait directement à l’encontre de l’objectif de protection du dispositif.

IV. Les hypothèses

13 Plutôt que de reprendre le chemine­ment suivi par la CEPC, qui, au regard de la question dont elle est saisie, déroule 24 situations concrètes, conduisant iné­vitablement à quelques redites, il paraît préférable de retenir comme clé d’analyse la nature de la loi appelée à gouverner la relation nouée entre le fournisseur fran­çais et un acheteur, localisé en France ou hors de France. Sont ainsi détaillées les différentes hypothèses dans lesquelles vont trouver à s’appliquer soit les règles issues de la CVIM, soit celles du Code de com­merce, soit celles résultant de la loi d’un Etat membre, soit enfin celles résultant de l’application de la loi d’un Etat tiers à l’UE.

A. APPLICATION DE LA CVIM

14 La CVIM a vocation à s’appliquer lorsque la vente de marchandises inter­vient entre des parties établies dans deux Etats différents qui en sont signataires ou lorsque les règles de droit internatio­nal privé désignent la loi d’un Etat signa­taire (art. 1, 1).

15 Les parties à une vente internatio­nale de marchandises, au sens de la Convention, peuvent toutefois écarter son application par une stipulation ex­presse du contrat dans chacun des cas suivants (art. 6) :

- lorsque les parties choisissent la loi d’un Etat non partie à la Convention (par exemple, le droit anglais) ;

- lorsque les parties choisissent la loi d’un Etat partie à la Convention (par exemple, le droit français, allemand ou vietnamien), sous réserve de préciser ex­pressément qu’il s’agit du droit interne de cet Etat à l’exclusion de la CVIM (exception faite du choix de la loi d’un Etat ayant émis des réserves sur l’appli-cation de l’article 1, 1-b en application de l’article 95, c’est-à-dire ayant exclu la CVIM du champ de sa loi nationale lorsque celle-ci est désignée loi ap­plicable en vertu 

des règles de droit international privé, comme les Etats-Unis ou la Slovaquie). A défaut d’une telle précision, la CVIM ne sera pas exclue (Cass. com. 13-9-2011 no 09-70.305 F-D : BRDA 21/11 inf. 13).

16 La CVIM s’applique donc, quel que soit le lieu de livraison de la marchan­dise, lorsque l’acheteur est établi dans un Etat membre ou un Etat tiers, dès lors que cet Etat est partie à la Convention et que les parties n’ont pas exclu expressé­ment son application lors du choix de la loi applicable au contrat. Rappelons que la CVIM s’applique aujourd’hui dans 94 Etats et que, dans l’UE, elle n’a pas été ratifiée par l’Irlande, Malte et la République tchèque.

17 Lorsque la CVIM est applicable, la question des délais de paiement relève de celle-ci selon les modalités ci-après (en ce sens déjà, avis CEPC no 16-12 précité). En présence de délais contractuels, « l’acheteur doit payer le prix à la date fixée au contrat ou résultant du contrat et de la présente Convention, sans qu’il soit besoin d’aucune demande ou autre for­malité de la part du vendeur » (CVIM 

art. 59). La CEPC rappelle que « les délais de paiement convenus entre les parties ne devraient pas constituer un abus ma­nifeste à l’égard du créancier, c’est-à-dire traduire un écart manifeste par rapport aux bonnes pratiques et usages com­merciaux, contraire à la bonne foi et à un usage loyal, compte tenu de la nature du produit » (Avis no 16-12 précité). Elle précise que pour la mise en œuvre de cette exigence, il est permis de prendre en compte les usages sectoriels ainsi que les « days sales outstanding » (DSO : délai moyen de paiement des clients).

En l’absence de clause prévoyant les dé­lais de paiement, l’acheteur doit payer le prix au moment où « le vendeur met à sa disposition soit les marchandises, soit des documents représentatifs des mar­chandises » (CVIM art. 58, 1).

B. CVIM NON APPLICABLE

18 Les solutions présentées ci-après sup­posent nécessairement que la CVIM ne soit pas applicable soit parce que l’opé-ration ne comporte pas de dimension internationale au sens de la Convention (parties et relations contractuelles locali­sées dans le même Etat), soit parce que les parties en ont expressément exclu l’application.

Choix de la loi française

19 Si la loi française est choisie par les parties pour régir leur relation com­merciale, la réglementation encadrant les délais de paiement s’applique néces­sairement, en dépit de la présence d’un élément d’extranéité, dans les configura­tions suivantes :

- lorsque l’acheteur est établi en France et que la livraison intervient dans l’UE ou hors UE. Bien que conclue par deux parties installées sur le territoire français, la vente comporte une dimen­sion internationale puisque la livraison intervient en dehors de ce territoire. Conformément au règlement Rome I, les parties peuvent valablement choisir la loi française comme loi applicable au contrat (étant observé que celle-ci s’ap-pliquera nécessairement en l’absence de choix de la loi applicable) ;

- lorsque l’acheteur est établi sur le terri­toire de l’UE et que la livraison intervient en France, l’ensemble de la relation com­merciale se déroulant matériellement en France (fournisseur et livraison en France) (Règl. Rome I art. 3, 3 ; avis CEPC no 16-1 précité et no 19-2 du 14-3-2019) ;

- lorsque l’acheteur est établi sur le terri­toire de l’UE et que la livraison intervient aussi dans l’UE ;

- lorsque l’acheteur est établi sur le terri­toire de l’UE et que la livraison intervient en dehors de l’UE, la loi française étant applicable en vertu du règlement Rome I ; - lorsque l’acheteur est établi hors UE et que la livraison intervient en France, l’opération se déroulant au sur­plus matériellement en France ;

- lorsque l’acheteur est établi hors UE et que la livraison intervient dans ou en dehors de l’UE.

Choix de la loi d’un Etat membre de l’UE

20 Les parties peuvent convenir d’appli-quer à leur contrat la loi d’un Etat membre de l’UE (la CVIM ayant été écartée, ce qui est semble-t-il assez fréquent en pratique, ou n’étant pas applicable). Un tel choix est envisageable que l’acheteur soit établi en France (mais la livraison sera prévue hors de France) ou, plus vraisemblablement, établi sur le territoire d’un Etat membre de l’UE, voire, plus rarement, sur le territoire d’un Etat tiers à l’UE.

21 Ce choix peut-il être remis en cause au motif que les règles du Code de com­merce sur les délais de paiement seraient des lois de police ?

Il faut combiner à nouveau les critères de localisation de l’acheteur et du site client où la livraison est réalisée. La loi de l’Etat membre, choisie par les par­ties, aura vocation à s’appliquer selon la CEPC dans les configurations suivantes.

22 Acheteur établi en France. La loi de l’Etat membre s’applique lorsque la livrai­son est réalisée sur le territoire de l’UE dont la loi gouverne le contrat. La CEPC rappelle à juste titre les enseignements de l’arrêt Unamar (CJUE 17-10-2013 aff. 184/12 précité) : dans un contexte in-tra-européen, la loi de transposition fran­çaise ne pourrait être considérée comme une loi de police, primant la loi d’un autre Etat membre désignée par les parties (ou par la règle de conflit), que s’il était éta­bli « de façon circonstanciée » que la loi française poursuit des objectifs propres par rapport à ceux visés par la directive. Démonstration qui ne semble pas pou­voir être rapportée ici.

La loi de l’Etat membre s’applique aussi lorsque le site client est livré et facturé hors des frontières de l’UE. Les règles is­sues de la directive 2011/7/UE, telles que transposées par l’Etat membre dont la loi a été retenue, doivent donc être appliquées. Toutefois, en théorie, les dispositions plus rigoureuses du Code de commerce pourraient à notre avis prévaloir comme lois de police si, du moins, il est possible d’identifier des éléments de rattachement 

suffisants avec le territoire français ; dé­monstration délicate, qu’il incomberait à l’administration d’établir pour pouvoir appliquer les sanctions prévues à l’article

L 441-16 du même Code.

23 Acheteur établi sur le territoire de l’UE. La loi de l’Etat membre, choisie par les parties, s’applique lorsque le site client est livré et facturé sur le territoire de l’UE ou même hors de l’UE. Cette loi, issue de la transposition régulière de la directive 2011/7/UE, a naturellement vocation à régir la relation contractuelle. A priori, les règles issues du Code de commerce ne peuvent pas être invoquées comme lois de police, faute de lien de rattachement suffi­sant avec le territoire français.

Dans le cas où le site client serait livré et facturé en France en revanche, s’il est établi que la relation commerciale se déroule à titre principal sur le territoire français, les règles du Code de commerce pourraient sans doute évincer, en tant que lois de police, les dispositions moins favorables (pour le créancier) inscrites dans la loi de l’Etat membre retenue (rap­procher avis CEPC no 19-2 du 14-3-2019, sur l’application du plafond légal des dé­lais de paiement dans le contexte d’un contrat-cadre conclu entre deux sociétés mères étrangères).

24 Acheteur établi hors de l’UE. Il est peu vraisemblable que, dans cette confi­guration, la loi d’un autre Etat membre que la France soit choisie par les parties, mais rien ne l’interdit.

Si le site client est livré et facturé hors de France (au sein ou à l’extérieur de l’UE), les règles plus favorables du Code de com­merce ne devraient en principe pas pou­voir interférer, faute de lien de rattache­ment suffisant avec le territoire français. Dans le cas où le site client serait li­vré et facturé en France, s’il est établi que la relation commerciale se déroule, à titre principal sur le territoire français, les règles du Code de commerce pourraient évincer, en tant que lois de police, les dispositions moins favorables (pour le créancier) issues de la loi de l’Etat membre retenu.

Choix de la loi d’un Etat tiers à l’UE

25 En supposant là encore que la CVIM n’est pas applicable, les parties peuvent convenir d’appliquer à leur contrat la loi d’un Etat tiers (y compris désormais celle du Royaume-Uni) qui pourrait ne com­porter aucune exigence particulière en matière de délais de paiement. Il convient à nouveau de distinguer selon le terri­toire d’établissement de l’acheteur et du site client où s’opère la livraison.

26 Acheteur établi en France. Que le site client soit livré et facturé sur le territoire de l’UE ou hors des frontières de l’UE, les règles du Code de commerce pourraient, en tant que lois de police, prévaloir sur la loi de l’Etat tiers si des liens de rattache­ment suffisant avec la France sont établis. Même si la livraison s’opère hors de France, la circonstance que fournisseur et ache­teur soient localisés en France pourrait être l’indice d’un tel rattachement.

27 Acheteur établi sur le territoire de l’UE. Lorsque le site client est li­vré et facturé en France, on retrouve une configuration où la loi de police française pourrait évincer la loi étrangère choisie s’il peut être démontré que les autres élé­ments de la situation contractuelle sont localisés sur le territoire français.

Il en ira de même si le site client est li­vré et facturé sur le territoire de l’UE. Simplement, le rattachement de la situa­tion contractuelle au territoire français sera moins aisé pour l’administration. La situation étant par ailleurs intra-eu-ropéenne, un juge (français) saisi devrait appliquer la règle de l’article 3, 4 du règle­ment Rome I faisant prévaloir, sur la loi de l’Etat tiers retenue, les dispositions impé­ratives de l’Etat membre sur le territoire duquel tous les autres éléments de la situa­tion sont localisés, au moment de ce choix. Un raisonnement similaire s’applique si le site client est livré et facturé à l’exté-rieur de l’UE.

28 Acheteur établi hors de l’UE. Il appa­raît plus naturel de choisir la loi d’un Etat tiers à l’UE lorsque, le fournisseur étant localisé en France, l’acheteur se trouve sur le territoire de l’Etat tiers en cause.

Lorsque le site client est livré et factu­ré en France, la loi de police française pourrait néanmoins évincer la loi étran­gère choisie en plaidant que l’ensemble de la relation contractuelle se déroule sur le territoire français.

Lorsque le site client est livré et facturé sur le territoire de l’UE ou même à l’extérieur de l’UE, il convient de mettre en œuvre les mêmes solutions que celles qui viennent d’être exposées au no 27 : application po­tentielle du droit français comme loi de police si les conditions de rattachement sont vérifiées ; ce qui est peu probable.

29 Convenons, en guise de conclusion, que ce canevas de solutions s’apparente à un redoutable labyrinthe. Ce qui ne manque pas d’étonner s’agissant de mettre en œuvre un texte de nature quasi pénale, dont le moins qu’on puisse dire est que le champ d’application territo­riale manque de la clarté censément re­quise pour une telle norme.

Article paru eu BRDA n°11 le 01/06/2021


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