Home / Actualités / Développement de la filière hydrogène

Développement de la filière hydrogène

Quelle régulation ?

11/02/2022

Alors que l’Union européenne entend favoriser la production d’hydrogène par électrolyse et la construction d’une infrastructure de transport dédiée et que les acteurs de l’hydrogène s’organisent afin de créer les bases d’un futur marché concurrentiel, les Etats européens et leurs régulateurs s’interrogent sur la régulation du futur marché de l’hydrogène.

A la fin de l’année 2021, la volonté politique avait été encore une fois très clairement exprimée de "faire de la France le leader de l’hydrogène vert" (discours d’Emmanuel Macron, président de la République, prononcé le 16 novembre 2021 devant les salariés de l’entreprise Genvia).

Malgré cette volonté politique de promouvoir l’hydrogène vert, le régulateur français n’a pas hésité à rappeler l’importance de la "décarbonation" de ce vecteur énergétique et à se prononcer pour un soutien public conditionné par le seuil d’émission en équivalents de CO2 émis par kilogramme d’hydrogène produit, indépendamment de la source d’énergie primaire utilisée.

Ainsi, lors de la mise en place du cadre de soutien par l’ordonnance du 17 février 2021, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) avait préconisé la suppression de la distinction entre hydrogène renouvelable et hydrogène bas-carbone, en ce qui concerne l’éligibilité au soutien public. Le régulateur considérait que "la seule raison justifiant ce soutien public est l’objectif de décarbonation, qui peut être atteint quelle que soit la source de production d’électricité décarbonée. De ce point de vue, il n’existe aucune raison de distinguer entre l’hydrogène renouvelable et l’hydrogène bas-carbone. La CRE considère que l’hydrogène renouvelable peut avoir de l’intérêt à long terme et pour certaines applications, mais que le soutien public doit porter en priorité sur l’objectif premier de décarbonation de l’hydrogène" (délibération du 24 septembre 2020 portant avis sur le projet d’ordonnance relative à l’hydrogène). La CRE n’avait pas été suivie. 

Le régulateur français a eu l’occasion a de multiples reprises ces dernières années de faire valoir son point de vue concernant la mise en place d’un cadre plus général de régulation de ce nouveau secteur.

Ainsi, lors de la refonte de la politique énergétique de l’Union européenne pour répondre au défi climatique avec le paquet dit « Energie propre pour tous les Européens », la CRE s’était exprimée dans une Contribution au Pacte Vert Européen datée de mars 2020 pour rappeler la nécessaire prise en compte par l’Union des systèmes nationaux afin de favoriser "l’innovation et l’expérimentation à l’échelle nationale ou locale" ainsi que l’importance du respect du principe de subsidiarité qui garantit "la liberté laissée aux Etats membres de choisir les moyens techniques adaptés aux caractéristiques de leurs marchés pour atteindre au mieux les objectifs communs fixés par les textes européens". Dans cette contribution, la CRE insistait sur l’importance du gaz vert pour l’avenir du système gazier, tout en étant modérément optimiste, pour des raisons de "maturité économique", sur le développement à court terme des réseaux hydrogène dédiés, les attentes du marché pour ce type d’infrastructure étant encore faibles à l’époque. Le régulateur s’attardait plus longuement sur l’injection d’hydrogène dans les réseaux gaziers actuels, et notamment sur les enjeux techniques et le niveau de concentration à accepter qui devaient guider la mise en place du cadre régulatoire.

La CRE a ensuite eu l’occasion de s’exprimer publiquement dans sa réponse à la consultation lancée par la Commission européenne au printemps 2021 sur une révision des règles européennes d’accès aux marchés et aux réseaux de gaz visant à faciliter l’entrée sur le marché des gaz renouvelables et à faibles émissions de carbone et à supprimer tout obstacle réglementaire injustifié.

Il est ressorti de cette consultation un consensus des parties prenantes quant à la nécessité de favoriser l’émergence d’un marché et le développement d’une infrastructure de l’hydrogène. La CRE a pour sa part rappelé dans sa réponse la nécessité d’une vision intégrée du développement de l’hydrogène, de la production à la consommation, permettant à l’hydrogène de "trouver sa dynamique propre" sans que les gestionnaires de réseaux se substituent aux acteurs de marché. La régulation ne devrait être envisagée selon la CRE "que lorsque les enjeux d’accès des tiers [sont] avérés" et ce afin de limiter les coûts échoués liés à des actifs devenus inutiles.

Cette position est assez proche de celle développée par le groupe de travail n°4 du comité de prospective de la CRE sur le vecteur hydrogène, qui recommandait de concentrer les aides publiques à l’hydrogène sur les usages les plus mûrs afin de créer une filière industrielle, de favoriser la création de hubs territoriaux multi-usages et d’adapter le cadre régulatoire au développement du marché, notamment pour éviter les subventions croisées entre les coûts dans le gaz dont le méthane et l’hydrogène mais aussi les coûts échoués dans des infrastructures de transport d’hydrogène surdimensionnées, tout en poursuivant les études sur la faisabilité technique de la conversion des réseaux de gaz naturel.

Récemment, à l’automne 2021, à la suite d’une consultation publique relative à l’analyse des plans décennaux de développement (PDD) de GRTgaz et Téréga, la CRE constatait qu’une part importante du PDD de GRTgaz est consacrée à l’hydrogène et que "GRTgaz considère que les infrastructures de transport d’hydrogène nécessiteront des investissements lourds ayant pour caractéristique des rendements croissants avec un coût marginal décroissant". Or, selon l’analyse de la CRE, l’hydrogène n’a pas vocation à être intégré aux plans relatifs au gaz naturel mais à faire l’objet d’une planification spécifique, même si un certain nombre de gazoducs pourraient être reconvertis à son transport. Ainsi, dans leurs PDD, les gestionnaires de réseau de transport devraient se limiter selon la CRE à intégrer l’hydrogène dans leurs activités régulées, c’est-à-dire uniquement pour les conséquences sur le réseau de transport de gaz naturel, à savoir l’injection en mélange de l’hydrogène et la convertibilité des actifs au profit du transport d’hydrogène. La CRE a rappelé dans sa délibération du 27 janvier 2022 relative à l’examen des PDD de GRTgaz et Téréga pour la période 2020-2029 que le développement d’un réseau de transport d’hydrogène ne fait pas actuellement partie du périmètre des activités régulées des opérateurs et qu’il ne doit donc pas être financé via le tarif de transport car cela pourrait favoriser des investissements possibles inefficaces.

Les questions de régulation sont structurantes pour l’avenir de la filière et doivent être abordées, comme le rappelle la CRE, de façon dynamique pour s’adapter au mieux aux évolutions rapides du secteur, sans créer un cadre rigide dans un contexte où de nombreuses données ne sont pas encore connues.


 Le droit de l'énergie au sein de notre cabinet d'avocats :

Notre cabinet d'avocats dispose d’une équipe parmi les plus reconnues en matière de droit de l’énergie qui conseille les acteurs du secteur de l’énergie sur toute la chaîne de valeur. Notre cabinet d'avocats vous propose une approche qui repose sur une compréhension avérée de ce secteur d’activité et sur la pluridisciplinarité de notre équipe constituée d’une quinzaine de spécialistes travaillant en étroite collaboration avec nos avocats basés en Afrique, en Europe, au Moyen-Orient et en Asie.

cabinet avocats CMS en France

A propos de notre cabinet d'avocats

expertise droit de l'énergie energy law 330x220

Expertise: Energie & changement climatique

nous contacter 330x220

Nous contacter

 

Vos contacts

Portrait deRubio-Aurore-Emmanuelle
Aurore-Emmanuelle Rubio
Counsel
Paris
Julie Guillemet