Home / Actualités / Distressed M&A

Distressed M&A

Une gestion particulière des risques juridiques en zone de turbulence

22/10/2019

Les difficultés économiques provoquées ou accentuées par l’épidémie de Covid-19 ont conduit certains groupes de sociétés à initier ou accélérer la mise en œuvre de processus de cession de sociétés, non encore en état de cessation des paiements, mais connaissant des situations de trésorerie tendues. Cette situation génératrice de nombreuses opportunités ne doit pas faire oublier aux acteurs des opérations de distressed M&A les précautions nécessaires : présentation du contexte de distressed M&A et des outils spécifiques restructuring pour y faire face.

Présentation du contexte de distressed M&A

Il n’est pas rare que les sociétés exploitant des entreprises en difficulté soient cédées pour un euro symbolique, et que le cessionnaire exige, en outre, qu’il soit procédé à une recapitalisation, au moins partielle, de la cible préalablement à la réalisation de l’opération. Le montant de cette recapitalisation dépendra notamment du niveau des pertes accumulées par la cible, du montant de ses dettes, mais aussi de son besoin en fonds de roulement. La due diligence financière conduite par l’acquéreur revêt donc une importance toute particulière. Dans cette même optique, les acquéreurs peuvent souhaiter obtenir du vendeur des garanties quant à la position de la trésorerie et du besoin en fonds de roulement au closing

Les vendeurs, quant à eux, doivent s’assurer de la viabilité du projet de reprise soumis par le candidat acquéreur. En effet, en cas de cessation des paiements et d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire de la cible dans les mois qui suivent la réalisation de la cession, la responsabilité des vendeurs d’une part ou, éventuellement, des anciens dirigeants de droit et/ou de fait d’autre part, peut être recherchée. L’objectif est, notamment, d’obtenir le versement de dommages et intérêts voire, à l’égard des dirigeants, une condamnation au comblement total ou partiel de l’insuffisance d’actif. La pérennité du périmètre cédé est donc un marqueur clé des négociations entre vendeur et acquéreur dans ce type d’opération. Cette vigilance accrue de la part des vendeurs se matérialise de plusieurs manières. Tout d’abord, à la différence des opérations transactionnelles effectuées dans un contexte in bonis, où seuls les acquéreurs effectuent des due diligences, les transactions intervenant dans un environnement distressed intègrent dans la plupart des cas un audit du projet de reprise soumis par l’acquéreur pressenti. Dans ce contexte, il est demandé à l’acquéreur de produire un business plan à même de démontrer le sérieux des perspectives de retournement de la cible. Ce business plan pourra ensuite être audité par un expert indépendant éventuellement via une mise à jour de l’independent business review (ou IBR) que l’auditeur aura réalisé au démarrage du dossier, notamment lorsque celui-ci se déroule dans le cadre d’une procédure amiable (cf. ci-dessous). Cette mise à jour intégrera le plus souvent un diagnostic stratégique, financier et opérationnel de la cible et du business plan afin d’étayer ou de questionner son caractère raisonnable et sa viabilité à moyen terme. En cas d’échec du retournement et d’ouverture d’une procédure collective à la suite du closing, le fait que le vendeur ait diligenté une IBR et que les recommandations de cette IBR aient été suivies d’effets, pourront être regardés favorablement lorsqu’il s’agira d’apprécier les responsabilités éventuelles du vendeur.

Le «devoir de précaution» des vendeurs sera par ailleurs reflété dans la documentation contractuelle de l’opération. Il sera souvent demandé à l’acquéreur de déclarer qu’il reconnaît avoir mené tous les analyses et examens nécessaires à sa bonne compréhension et connaissance de la situation financière et opérationnelle de la cible, et de garantir au vendeur que son projet de reprise et les mesures de redressement qu’il envisage sont à même d’assurer la pérennité financière et opérationnelle à moyen terme de cette dernière. On ajoutera parfois que l’acquéreur fera son affaire personnelle d’apporter ou de faire apporter à la cible tout financement nécessaire. Ces engagements de garantie visent en particulier à couvrir le risque pour le vendeur d’un contentieux initié par un salarié ou un ancien salarié de la cible à son encontre, ou encore à la suite de l’ouverture post closing d’une procédure collective.

De l’intérêt de recourir aux outils spécifiques du restructuring

Les opérations de reprise d’une société exploitant une entreprise en difficulté peuvent être mises en œuvre dans le cadre d’une procédure amiable de traitement des difficultés : la conciliation1.

Pour mémoire, la conciliation est une procédure essentiellement amiable et confidentielle conduite sous l’égide d’un conciliateur (en général un administrateur ou un mandataire judiciaire) qui doit permettre de mobiliser les leviers destinés à assurer la pérennité de l’activité de la société en difficulté qui est par hypothèse la cible de l’opération de distressed M&A.

Nous nous focaliserons ici sur les enjeux liés à l’ouverture d’une procédure de conciliation au bénéfice de la cible. En effet, par construction, celle-ci connaît des difficultés qui la rendent éligible à la conciliation (sauf à ce qu’un état de cessation des paiements de la cible soit matérialisé depuis plus de 45 jours).

Un tel cadre permet d’éprouver les hypothèses de l’opération : le plan de retournement dont le repreneur doit être porteur et l’éventuelle assistance que le cédant est prêt à fournir à ce titre seront examinés par le conciliateur, professionnel du retournement, puis soumis soit au président du tribunal compétent, soit au tribunal lui-même selon que l’accord sera constaté ou homologué. Cette dernière issue est celle qui assure le plus de confort au cédant et au repreneur grâce à son audience plus large (avis du Ministère Public, implication des instances représentatives du personnel notamment). De plus, la conciliation permettra d’encadrer la négociation avec certains partenaires de l’entreprise cible lorsque leur implication est nécessaire (clause de changement de contrôle à lever, financements bancaires à maintenir ou à mettre en place, support des créanciers publics, etc.), voire d’imposer un standstill ou des délais à un partenaire récalcitrant2 , maximisant ainsi les chances d’aboutir à une solution de retournement. Enfin, la conciliation pourra, si l’opération de cession de titres de la cible ne peut finalement aboutir, permettre d’envisager un basculement sur un scénario «pré-pack cession» dans lequel le conciliateur recherchera des candidats à la reprise de l’activité de l’entreprise cible qui pourra ensuite être mise en œuvre dans le cadre d’un plan de cession en redressement judiciaire.

En outre, le conciliateur pourra être désigné au terme de la procédure de conciliation en qualité de mandataire à l’exécution de l’accord. Il aura alors pour mission de surveiller l’exécution de l’accord et, en cas de difficulté dans le processus de retournement, pourra rechercher, avec les parties, de nouvelles solutions.

Le revers de ces avantages réside notamment dans une certaine judiciarisation de l’opération, une éventuelle médiatisation de ses difficultés (publicité liée à l’homologation du protocole) et dans la nécessité de gérer de nouvelles contraintes de délais. Ces dernières sont tout à la fois des injonctions à la rapidité pour mener l’opération et des étapes supplémentaires complexifiant le rétroplanning de l’opération. La conciliation est assurément un catalyseur qui permettra d’insuffler un élan au dossier et d’aplanir bien des difficultés. Pour en bénéficier, les parties doivent s’interroger le plus en amont possible sur son éventuelle ouverture.

Article paru dans la Lettre des fusions-acquisitions et du Private Equity d'octobre 2020 le 12/10/2020 Option Finance


Qui pourrait éventuellement être précédée d’un mandat ad hoc afin de permettre de gérer la contrainte temporelle liée à une conciliation.

Ordonnance du 20 mai 2020.


Le Droit des sociétés au sein de notre cabinet d'avocats :

Notre cabinet d’avocats développe une pratique et expertise rare et innovante en matière de droit des sociétés. Nous sommes en mesure de traiter toutes questions complexes, en particulier les opérations de haut de bilan, réorganisations et restructurations, mécanismes d’intéressement des cadres et dirigeants, gouvernance des sociétés, droit boursier, etc.

cabinet avocats CMS en France

A propos de notre cabinet d'avocats

Expertise : Corporate/fusions & acquisitions

nous contacter 330x220

Nous contacter

Auteurs

Portrait deAlexandre Bastos
Alexandre Bastos
Associé
Paris
Portrait deHains-Thomas
Thomas Hains
Associé
Paris