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Installation Classée pour la Protection de l'Environnement (ICPE)

Quelles règles et quel rôle de l’Etat dans la remise en état du site ?

14/01/2020

Par un arrêt en date du 13 novembre 2019, le Conseil d’Etat a rappelé et précisé :

  • les règles de prescription applicables à l’obligation de remise en état d’un site ayant accueilli une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) ; et
  • le rôle de l’Etat lorsque la prescription est acquise.

Les faits : la pollution ancienne d’un site industriel

En l’espèce, la société Saint-Gobain a exploité, de 1872 à 1920, une fabrique de soude et d’engrais chimique sur une partie du site du Petit Port des Seynes. La commune de Marennes est propriétaire de ce site depuis 1958. Dans le cadre d’un projet de zone d’aménagement concerté (ZAC), la commune a fait réaliser en 2001 par un bureau d’études une étude préliminaire mettant en évidence une importante pollution des sols et des eaux souterraines.Le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, saisi par la commune et par une société voisine du site, a prescrit en 2007 une expertise, laquelle a confirmé la pollution du site et a imputé celle-ci aux anciennes activités de la société Saint-Gobain. Toutefois, considérant que la méthodologie suivie par l’expert n’était pas conforme à celle définie par la circulaire ministérielle du 8 février 2007, le préfet de la Charente-Maritime a prescrit à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), par arrêté du 30 avril 2010, la réalisation de nouvelles études. Parallèlement, par une décision du 11 juin 2010, le préfet a rejeté la demande de la commune tendant à ce qu’il soit ordonné à la société Saint-Gobain de remettre en état le site.La commune de Marennes a sollicité l’annulation de l’arrêté et de la décision du préfet. Le tribunal administratif de Poitiers et la cour administrative d’appel de Bordeaux ont rejeté ses demandes. C’est dans ces conditions que la commune a sollicité l’annulation de l’arrêt de la Cour administrative d’appel.L’arrêt du Conseil d’Etat mérite une attention particulière sur deux sujets :

  • les règles de prescription applicables aux ICPE ;
  • le rôle de l’Etat.

La prescription trentenaire

Le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord, conformément à sa jurisprudence, que l’obligation du dernier exploitant (ou de ses ayants-droits) de remettre en état le site sur lequel il a exploité une ou plusieurs activités ICPE se prescrit par trente ans à compter de la date à laquelle la cessation d’activité a été notifiée au préfet (CE, 8 juillet 2005, n° 247976, Société Alusuisse – Lonza – France ; CE, 12 avril 2013, n° 363282, SCI Chalet des Aulnes).Le Conseil d’Etat précise ensuite que, lorsqu’une ICPE a cessé de fonctionner avant l’entrée en vigueur du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977, qui a créé l’obligation d’informer le préfet de cette cessation, le délai de la prescription trentenaire commence à courir "à compter de la date de la cessation effective de l’activité".Toutefois, ainsi que le rappelle la Haute juridiction, le délai de la prescription trentenaire ne commence pas à courir "dans le cas où les dangers ou inconvénients présentés par le site auraient été dissimulés" (CE, 8 juillet 2005, précité).En l’espèce, le Conseil d’Etat considère que "la circonstance que la pollution causée par l’activité de la société Saint-Gobain ait affecté le sous-sol et les eaux souterraines du site ne permettait pas, à elle seule, de caractériser une dissimulation de nature à faire obstacle au déclenchement du délai de prescription".Après avoir relevé que la société Saint-Gobain avait cessé son activité sur le site de la commune de Marennes en 1920, le Conseil d’Etat en déduit que son obligation de remise en état du site est prescrite, justifiant ainsi le refus du préfet, opposé à la commune par sa décision du 11 juin 2010, d’enjoindre à la société Saint-Gobain de procéder à une telle remise en état.

Le rôle de l’Etat lorsque le dernier exploitant ne peut plus être mis en demeure au titre des articles L. 556-1 et suivants du Code de l’environnement

Ainsi que l’a clairement précisé le rapporteur public, Louis Dutheillet de Lamothe, dans ses conclusions attachées à l’arrêt, il existe une obligation d’intervention de l’Etat mais qui est encadrée par quatre conditions :

  • "il faut d’abord que l’Etat ait connaissance de la pollution" ;
  • "ensuite, cette responsabilité de l’Etat est bien sûr subsidiaire, en cas de défaillance de tous les responsables désignés par la loi" ;
  • "l’Etat n’est tenu d’agir que lorsqu’il y a un grave danger d’atteinte aux intérêts mentionnés aux articles L. 541-3 puis L. 556-3 du Code de l’environnement" ;
  • "enfin, l’obligation de l’Etat est limitée à ce qui est nécessaire au traitement de ce risque".

Faisant sienne cette analyse, la Haute juridiction précise les moyens d’action dont dispose l’Etat1 lorsque le dernier exploitant ne peut plus être mis en demeure (en raison de sa disparition, de son insolvabilité ou de l’expiration du délai de prescription trentenaire comme en l’espèce), en distinguant deux hypothèses selon que le site présente ou non un risque grave pour la santé, la sécurité et la salubrité publique ou pour l’environnement :

  • en l’absence d’un tel risque : l’Etat a la faculté de financer lui-même (éventuellement avec le concours des collectivités territoriales) les opérations de dépollution et de les confier à l’ADEME ou un autre établissement public compétent ;
  • en présence d’un tel risque : l’Etat a l’obligation d’assurer la mise en sécurité du site et de remédier à ce risque grave.

En l’espèce, le Conseil d’Etat considère qu’aucune carence fautive ne pouvait être retenue à l’encontre du préfet de la Charente-Maritime, pour les raisons suivantes :

  • dans un premier temps, ne disposant pas d’informations suffisamment précises sur la pollution présente sur le site, le préfet a sollicité la réalisation d’investigations complémentaires auprès de l’ADEME ;
  • dans un second temps, une fois informé de la pollution présente sur le site, le préfet a pris plusieurs mesures en tentant (en vain) une conciliation entre la commune et la société Saint-Gobain puis en confiant à l’ADEME la mise en sécurité du site.

Le délai - long - avec lequel l’Etat a agi ne présente donc pas, en l’espèce, de caractère fautif.

1 Au titre de la police des déchets (ancien article L. 541-3 du Code de l’environnement) à l’époque des faits de l’espèce et désormais au titre de la police des sites et sols pollués telle que codifiée aux articles L. 556-1 et suivants du Code de l’environnement.


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