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L’employeur face au refus du salarié de se faire vacciner ou de présenter le passe sanitaire contre le Covid-19

Projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire, adopté par le Sénat et l’Assemblée nationale le 25 juillet 2021

03/08/2021

Afin de lutter contre l’augmentation des contaminations liées au variant Delta du Covid-19, le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire, adopté par le Sénat et l’Assemblée nationale le 25 juillet 2021 après des débats parlementaires mouvementés, vient préciser le sort des salariés qui, bien que concernés par l’obligation vaccinale ou par l’obligation de détention d’un « passe sanitaire », refuseraient de se faire vacciner ou de présenter les justificatifs.

L’extension du passe sanitaire prévu par le projet de loi laisse encore l’employeur dans l’expectative au regard des salariés non concernés par ces deux obligations  alors que le fait d’être vacciné est susceptible d’avoir un impact sur leur travail.

Salariés visés par l’obligation de vaccination et par l’exigence d’un passe sanitaire

Les salariés intervenant dans les lieux recevant du public, visés par l’exigence du passe sanitaire, devront présenter leur justificatif dès le 30 août 2021.

Pour le personnel concerné par l’exigence du passe sanitaire, passée la date du 30 août 2021, l’employeur pourrait, en cas de non-respect de ces obligations, notifier la suspension du contrat de travail du salarié récalcitrant, laquelle s’accompagnerait d’une interruption du versement de la rémunération.

Si cette situation se prolongeait au-delà d’une durée équivalente à trois jours de travail, l’employeur pourrait convoquer le salarié à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment en recherchant les possibilités d’affectation, temporaires ou non, au sein de l’entreprise sur un autre poste non soumis à cette obligation.

Le projet de loi prévoit également que pour éviter la suspension du contrat de travail, le salarié pourrait choisir, en accord avec son employeur, d’utiliser des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés.

Dès le lendemain de la publication de la loi et jusqu’au 14 septembre 2021 inclus, les personnes concernées par l’obligation vaccinale devront, pour poursuivre leur activité, présenter le certificat de statut vaccinal ou, à défaut, un justificatif de l’administration des doses de vaccin ou le résultat d’un test de dépistage négatif. A compter du 15 septembre 2021, les salariés soumis à l’obligation vaccinale devront avoir été vaccinés pour pouvoir continuer à exercer leur activité. Pour ces derniers, la justification d’une première injection et d’un test de dépistage seraient toutefois suffisants jusqu’au 15 octobre 2021.

Pour les salariés visés par l’obligation vaccinale, il est prévu que l’employeur qui constate l’impossibilité de travailler du salarié informe ce dernier des conséquences de cette interdiction d’exercer son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation.

A défaut d’utiliser, avec l’accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés, le contrat de travail de l’intéressé sera suspendu. Pendant la période de suspension de son contrat, le salarié ne percevra plus sa rémunération mais il restera en revanche couvert au titre des garanties de protection sociales complémentaires (mutuelle, prévoyance) éventuellement souscrites. La suspension du contrat de travail prend fin dès que le salarié remplit les conditions nécessaires à l’exercice de son activité.

La création d’un motif de licenciement pour non-respect du passe sanitaire ou de l’obligation vaccinale initialement prévue dans le projet de loi a donc finalement été supprimée.

La possibilité de procéder à une rupture anticipée d’un contrat de travail à durée déterminée (CDD) en cas de refus de présenter un passe sanitaire est en revanche actée pour les salariés soumis à cette obligation. Le salarié percevrait alors l’indemnité de fin de contrat sous déduction de la période de suspension.

En revanche, le CDD d’un salarié ne se soumettant pas à l’obligation vaccinale prendrait quant à lui fin au terme prévu si ce terme intervenait au cours de la période de suspension du contrat de travail.

Pour ces catégories – marginales – de salariés soumis à une obligation vaccinale ou de détention d’un passe sanitaire, l’employeur connait à présent un peu plus l’attitude qu’il pourrait tenir face à un salarié récalcitrant.

Le projet de loi, en ne prévoyant plus la possibilité de licencier un salarié refusant de se soumettre à ses obligations en la matière, semble contraindre l’employeur à maintenir le contrat de travail suspendu tant que le salarié ne présente pas les justificatifs requis. On pourrait toutefois se demander si le licenciement ne pourrait pas être envisagé lorsque l’absence se prolonge, désorganise l’entreprise et nécessite le remplacement définitif du salarié.  

L’attitude de l’employeur vis-à-vis des autres salariés qui refuseraient de se faire vacciner

A ce jour, les salariés ne travaillant pas dans le secteur médico-social et dans les établissements recevant du public demeurent libres de ne pas se faire vacciner. En dehors de ces secteurs, aucune obligation n’impose en effet aux travailleurs de se faire vacciner ou de présenter un passe sanitaire valable. L’extension du passe sanitaire pour certaines activités (notamment pour les activités de restauration à l’exception de la restauration collective, les salons professionnels, les séminaires, les voyages longue distance en train) laisse toutefois présager que les employeurs vont très rapidement être confrontés à d’importantes difficultés pratiques vis-à-vis des salariés qui refuseraient de se faire vacciner contre le Covid-19 ou de présenter le passe sanitaire. 

Nul doute en effet que ce choix personnel ne va pas faciliter la tâche des managers des salariés devant, dans le cadre de leurs fonctions, effectuer fréquemment des déplacements professionnels à l’étranger ou en train, ou encore des salariés se rendant régulièrement sur des salons professionnels ou au restaurant pour des déjeuners d’affaires.

Si, comme le précise le Guide Employeur sur le Covid-19 élaboré par la direction générale du travail et l’Assurance maladie, l’employeur ne peut pas imposer à ses salariés de l’informer de leur statut vaccinal, le fait pour l’employeur de savoir si son salarié est vacciné lui permettrait sans aucun doute plus facilement d’organiser les déplacements ou événements auxquels ce dernier serait amené à participer dans le cadre de son travail.

De plus, le salarié qui refusera de se faire vacciner ne pourra très probablement pas honorer dans certains cas ses obligations professionnelles, faute par exemple de pouvoir effectuer un déplacement professionnel organisé à la dernière minute ou de participer avec des clients à un déjeuner au restaurant non prévu suffisamment à l’avance.

Ces situations amèneront sûrement les employeurs à s’interroger sur la possibilité de sanctionner de tels manquements professionnels si ceux-ci s’avéraient récurrents et qu’ils perturbaient le fonctionnement du service ou de la société.

Les situations professionnelles contraignant les salariés à réaliser des tests de dépistage seront par ailleurs très certainement plus fréquentes pour les salariés refusant le vaccin que pour les salariés vaccinés qui devraient dans la grande majorité des cas en être dispensés. A l’heure du déremboursement annoncé des tests RT-PCR et antigéniques, la question de la prise en charge obligatoire de ces tests par l’entreprise au titre d’un éventuel frais professionnel pourrait alors se poser, tout comme la question de l’éventuelle autorisation d’absence du salarié pour se rendre au centre de dépistage.

Une nécessaire information des salariés sur leurs obligations

L’employeur n’a donc pas fini d’être confronté à des questions inédites dans ce contexte d’épidémie de covid-19 avec un arsenal législatif de gestion de la crise sanitaire qui ne cesse d’évoluer et de soulever des difficultés pratiques majeures.

Malgré les nombreuses interrogations qui subsistent, il parait opportun pour l’employeur de présenter le plus tôt possible à ses salariés, et en particulier à ceux qui sont les plus « exposés » (commerciaux, VRP, etc.), au moyen par exemple de note de service, leurs obligations liées à l’épidémie de covid-19 dans les situations qu’ils seront amenés à rencontrer dans l’exercice de leurs fonctions.

Ceci leur permettra d’éviter que les salariés ne respectent pas leurs obligations faute d’information ou à tout le moins de pouvoir réagir plus facilement, et plus rapidement, en engageant le cas échéant une procédure disciplinaire si le salarié « récalcitrant » au vaccin venait à manquer aux obligations découlant de son contrat de travail. La question de la justification de la sanction sera cependant à n’en pas douter source de débats.

Et l’attente de la décision du Conseil constitutionnel

Si le projet de loi a été définitivement été adopté, une étape importante reste à venir, celle de son examen par le Conseil Constitutionnel. Lors de l’enregistrement de sa première saisine le 26 juillet dernier, le Conseil constitutionnel a précisé dans un communiqué relatif à son calendrier de travail sur les décisions à venir, qu’il rendra sa décision le 5 août 2021.

Article paru dans Les Echos le 03/08/2021


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