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L’usufruitier de droits sociaux

Un « non-associé » pas comme les autres

05/05/2022

Par une lecture combinée des articles 578 du Code civil et 39 du décret du 3 juillet 1978, la Cour de cassation considère que « l’usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d’associé, qui n’appartient qu’au nu-propriétaire, mais (…) il doit pouvoir provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance ». C’est la première fois que la Cour de cassation prend explicitement position sur l’absence de qualité d’associé de l’usufruitier de parts sociales.

1. Par un avis rendu le 1er  décembre 2021 (1), la chambre commerciale de la Cour de cassation prend position sur l’une des questions les plus débattues du droit des sociétés  : celle de savoir si l’usufruitier de droits sociaux a ou non la qualité d’associé.

2. En l’espèce, deux usufruitiers détenant plus de 80 % des parts d’une SCI sollicitaient, sur le fondement de l’article 39 du décret n° 78- 704 du 3 juillet 1978 (2), que soit réunie une assemblée portant sur la révocation de la gérante et leur désignation en qualité de cogérants. Confrontés au silence de cette dernière, ils saisissaient, comme le permet le dernier alinéa de l’article 39 précité, le président du tribunal de grande instance (désormais tribunal judiciaire) pour que soit désigné un mandataire chargé de provoquer la tenue de l’assemblée. Là encore, leur demande est écartée.

3. Dans leur pourvoi contre l’arrêt ayant confirmé l’ordonnance du TGI, les usufruitiers reprochaient à la cour d’appel la violation de l’article 1844 du Code civil, ensemble l’article 39 du décret du 3 juillet 1978, pour avoir jugé que, par principe et dans le silence de la loi, l’usufruitier de parts sociales n’était pas un associé. Or selon les demandeurs au pourvoi, l’usufruitier de parts sociales devait se voir reconnaître cette qualité.

4. Tenue de se prononcer, la troisième chambre civile saisit la chambre commerciale pour avis dans les conditions posées à l’alinéa 1er de l’article 1015-1 du Code de procédure civile.

5. Connaissance prise de cet avis du 1er décembre 2021, selon lequel « l’usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d’associé, qui n’appartient qu’au nu-propriétaire, mais (…) doit pouvoir provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance », la troisième chambre civile rejette le pourvoi formé par les usufruitiers. Elle juge, dans un arrêt du 16  février 2022 (3), que ces derniers « n’ayant pas la qualité d’associés et n’ayant pas soutenu que la question à soumettre à l’assemblée générale avait une incidence directe sur le droit de jouissance des parts dont ils avaient l’usufruit, la cour d’appel a retenu, à bon droit, que leur demande de désignation d’un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés était irrecevable ».

6. La Cour de cassation développe un raisonnement en deux temps. Premier temps, le rejet : l’usufruitier n’est pas associé (I). Second temps, la greffe : l’usufruitier peut exercer les droits d’associé à la condition de démontrer que la prérogative qu’il invoque « est susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance » (II).

I. LE REJET : L’USUFRUITIER DE DROITS SOCIAUX N’EST PAS ASSOCIÉ

7. La solution est tout entière fondée sur le droit des biens qui, en quelque sorte, tient le droit des sociétés en l’état. C’est par ce fondement qu’il convient d’en débuter l’analyse (A) avant d’en apprécier la portée (B) et les conséquences (C).

A. Le fondement du rejet

8. Jusqu’à présent, la Cour de cassation ne s’était jamais explicitement prononcée sur la qualité de l’usufruitier de droits sociaux. D’un côté, certains arrêts semblaient opiner en faveur du rejet de la qualité d’associé. C’est ainsi que la troisième chambre civile avait jugé que la constitution d’un usufruit sur des parts sociales faisait perdre à l’usufruitier la qualité d’associé (4). La solution était néanmoins ambiguë puisqu’elle ne faisait que reprendre l’énoncé de l’arrêt d’appel soumis à sa censure, sans l’approuver véritablement, la question de la qualité d’associé de l’usufruitier n’ayant donc pas été en l’espèce discutée. De façon plus marquée, la même chambre avait décidé que le défaut de convocation de l’usufruitier aux « décisions collectives autres que celles qui concernent l’affectation des bénéfices » n’était pas de nature à entacher la délibération de nullité. C’était dire que n’étant pas titulaire du droit de participer au sens de l’article 1844 du Code civil, l’usufruitier n’était pas associé (5). La CJCE avait également, d’une certaine façon, pris position contre la qualité d’associé de l’usufruitier en estimant que la détention de droits sociaux en usufruit ne rendait pas éligible au régime fiscal mère-fille (6). D’un autre côté, la chambre commerciale avait admis (i) que l’usufruitier dispose de l’entier droit de vote (7), (ii) qu’il soit poursuivi pour abus de majorité en des termes laissant croire à sa qualité d’associé (8), ou encore, (iii) sur le fondement de l’article 1843-5 du Code civil, qu’il introduise une action personnelle en responsabilité, à la condition de rapporter la preuve d’un préjudice personnel et distinct de celui de la société (9).

9. L’avis du 1er décembre 2021 rompt avec l’incertitude. En se fondant sur le droit des biens, la Cour de cassation juge que c’est la propriété des parts sociales qui fait la qualité d’associé. En effet, après avoir reproduit l’article 578 du Code civil selon lequel « l’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance », elle en déduit que « l’usufruitier de parts sociales [qui n’est pas propriétaire] ne peut se voir reconnaître la qualité d’associé, qui n’appartient qu’au nu-propriétaire ».

10. Commençons par relever que les arguments du droit des sociétés en faveur de la qualité d’associé de l’usufruitier ne sont pas mobilisés (10). Mieux, c’est, selon certains, une conception traditionnelle de l’usufruit qui est adoptée (11), à rebours de celle consistant à le considérer comme un démembrement des attributs de la propriété, et donc de la qualité d’associé (12). Serait ainsi consacrée la définition de l’usufruit vu comme une charge réelle de jouissance sur la propriété d’autrui (13), et sont exaucés les auteurs pour lesquels l’usufruitier peut certes jouir de presque tous les droits d’associé, mais ne peut en avoir la qualité, faute d’être propriétaire (14). En outre, si l’on savait que le nu-propriétaire avait la qualité d’associé (15), l’exclusivité de cette qualité n’avait pas été jusqu’ici posée avec autant de vigueur. On comprend d’ailleurs qu’il existerait une incompatibilité de principe entre la qualité d’associé et celle d’usufruitier, ce qui constitue l’apport essentiel de l’avis rendu par la chambre commerciale et marque la fin d’un débat (16), au moins sous son aspect jurisprudentiel, car les auteurs partisans de voir reconnaître aussi à l’usufruitier la qualité d’associé n’ont pas désarmé (17).

B. La portée du rejet

11. En tranchant le débat sur le fondement de l’article 578 du Code civil, la Cour de cassation donne une large portée à la solution. Elle dépasse sans conteste le champ des sociétés civiles pour toucher tout usufruit de droits sociaux, parts et actions.

12. De plus, la Cour considère que la titularité des prérogatives ne fait pas la qualité d’associé. Il faut certainement en déduire que les hypothèses dans lesquelles la propriété des titres est dissociée de la qualité d’associé sont donc des exceptions : on songe notamment à la distinction du titre et de la finance pour les parts constituant des communs (18) et, en particulier, à la problématique des héritiers qui, non agréés, ne sont pas associés (19). Mais précisément, si l’on peut dissocier qualité d’associé et propriété des parts ou actions, ne pouvait-on pas envisager d’autres pistes (20) ? En tous les cas, on se souvient que la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés est venue briser une jurisprudence qui privait l’usufruitier du droit de participer aux décisions collectives. Faudra-t-il, demain, légiférer sur d’autres questions ?

13. Enfin, c’est le choix d’une absence de partage de la ” qualité d’associé qui est fait. Il en résulte que l’usufruitier et le nu-propriétaire ne sont pas dans une situation de « concours horizontal » pour l’exercice des prérogatives d’associé (21). La logique de la jurisprudence rendue en matière d’indivision ne peut donc pas être adoptée, même si, bien entendu, des situations de concours pour l’exercice de certains droits existent et continueront d’exister (22). De même, parce que fondée sur le droit des biens, la jurisprudence ayant réservé à l’usufruitier un droit de vote d’ordre public sur l’affectation des bénéfices (inhérent à son droit de jouissance) doit être maintenue (23). En revanche, l’usufruitier n’étant pas propriétaire et devant conserver la substance de la chose, devrait être abandonnée la jurisprudence ayant admis que l’usufruitier puisse, sans commettre un abus de jouissance, voter une fusion-absorption (24) ou une transformation (25).

C. Les conséquences du rejet

14. Il est délicat d’apprécier une fois pour toutes les conséquences de l’incompatibilité entre la qualité d’usufruitier et celle d’associé (26). On peut toutefois relever que dans toutes les hypothèses où la qualité d’associé conditionne l’accès à un statut, notamment celui de dirigeant (27) ou celui de professionnel en exercice, l’usufruitier en est exclu. Pareillement, ce dernier ne doit pas être compté parmi les associés pour l’uni-personnalité, le nombre maximum ou minimum d’associés (28) ; pas plus que son décès ou son placement en liquidation sont de nature à déclencher les règles afférentes (29). L’usufruitier doit également échapper à l’obligation aux dettes sociales, ainsi, a priori, qu’à la contribution aux pertes, laquelle participe de l’essence de la qualité d’associé (30). Et toutes les fois que l’unanimité en nombre d’associés est exigée, l’usufruitier devrait être exclu du vote, mais non de la consultation, droit de participer oblige (31). Enfin, certaines restrictions ne devraient pas le toucher : agrément en cas de cession de son droit réel de jouissance (sauf prévision expresse des statuts, lorsque cela est permis) ; clauses d’exclusion ou de déchéance de la qualité dont il ne dispose pas, etc.

15. Pour le reste, on sera plus hésitant. Par exemple, fautil lui appliquer le régime des conventions réglementées et, singulièrement, la privation du vote qui en résulte (32) ? L’intérêt social le commande pour éviter de ruiner l’efficacité du dispositif, mais les exclusions de vote étant d’interprétation stricte et ne visant pas l’usufruitier, la question est ouverte. De même, l’usufruitier peut être assigné pour abus du droit de vote, mais quid de la possibilité de l’assigner en responsabilité pour faute séparable des prérogatives d’associé (33) ? Certains auteurs s’interrogent encore sur les incidences fiscales de la solution (34).

II. LA GREFFE : L’EXERCICE DES PRÉROGATIVES D’ASSOCIÉ PAR L’USUFRUITIER SOUS CONDITION D’INCIDENCE DIRECTE SUR SON DROIT DE JOUISSANCE

16. C’est à une « transplantation » des droits d’associé appartenant au nu-propriétaire qu’invite la haute juridiction. Parce que l’usufruitier jouit de la chose d’autrui comme le propriétaire lui-même, l’usufruitier doit jouir des parts comme l’associé lui-même, ainsi que des prérogatives y attachées. Il peut donc provoquer une délibération sur un ordre du jour déterminé sur le fondement de l’article 39 du décret du 3 juillet 1978.

17. Cela dit, si l’usufruitier jouit, comme l’associé luimême, des prérogatives que les parts confèrent, il ne les exerce pas librement. Une première limite procède des articles 578 et 618 du Code civil : conserver la substance des parts, sous peine d’extinction du droit de jouissance. Avec d’autres, on aurait pu s’attendre à ce que l’avis du 1er décembre s’arrête là (35). Pourtant, l’usufruitier doit encore démontrer que l’exercice de la prérogative revendiquée « est susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance ». Disons clairement les choses : cette condition est un ajout aux textes qui sème le trouble (36). Déjà qu’il est difficile d’identifier ce que recouvre la jouissance de parts ou d’actions, il faut maintenant s’interroger sur ce qu’est l’incidence directe. Et, par conséquent, sur les droits d’associés concernés par cette condition.

A. La condition nouvelle d’incidence directe sur le droit de jouissance de l’usufruitier

18. On trouve peu d’occurrences pertinentes de l’expression « incidence directe » dans la jurisprudence, et moins encore dans les textes. Tout au plus le droit des procédures collectives connaît-il, depuis l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du Code de commerce, une expression proche avec les parties affectées. Elles désignent notamment « les créanciers dont les droits sont directement affectés par le projet de plan » (37), et certains s’inquiètent déjà de la distinction entre le direct et l’indirect (38). En droit des sociétés, c’est en matière de modification ou d’amortissement du capital que l’on croise une formule voisine, lorsqu’il est demandé à l’AGE, dans les sociétés anonymes, de déterminer « les incidences de ces opérations sur les droits des porteurs d’actions de préférence » (39). Passées ces quelques traces, l’expression demeure difficile à saisir.

19. Trois observations, au moins, peuvent être faites. D’abord, l’incidence directe est posée comme une condition d’exercice des prérogatives dont jouit l’usufruitier, voire – ce que l’espèce tranchée par la troisième chambre civile le 16 février dernier pourrait laisser entendre – comme une condition de recevabilité de son action (40). En effet, l’arrêt d’appel est approuvé pour avoir « à bon droit » retenu que la demande de désignation d’un mandataire ad hoc était irrecevable. Cela pourrait hisser l’incidence directe sur le terrain de l’intérêt à agir, chaque fois que l’exercice de la prérogative impose le recours au juge. En l’espèce, s’agissant de provoquer une réunion portant sur la révocation du gérant, on peut imaginer que l’incidence directe d’une telle décision sur le droit de jouissance de l’usufruitier suppose de prouver qu’elle est susceptible d’avoir un effet direct sur sa vocation aux bénéfices, alors potentiellement entravée par le gérant. Soit. Mais si ce n’est que cela, ce serait alors réduire la jouissance de parts ou d’actions à certains de ses attributs seulement.

20. Ensuite, on peut, comme d’autres ” (41), craindre que la démonstration d’une incidence directe sur le droit de jouissance constitue un verrou à l’exercice des droits ou actions de l’usufruitier, comme l’est le préjudice personnel et distinct pour l’exercice d’une action personnelle en responsabilité. En effet, tout ce qui constitue une atteinte au patrimoine social a indirectement, mais indirectement seulement (42), une influence sur les droits sociaux et, a fortiori, sur le droit de jouissance de l’usufruitier (43). C’est alors à la jurisprudence qu’il reviendra d’identifier, au fur et à mesure des contentieux, les prérogatives d’associés « exerçables » par l’usufruitier, ce qui certes donne de la souplesse au juge, mais génère une imprévisibilité fort regrettable pour la pratique.

21. Enfin, la condition d’incidence directe peut aussi être une mesure de protection du nu-propriétaire. C’est un peu comme si l’on craignait qu’il soit dépouillé plus avant de tous ses droits d’associé, alors qu’il jouit de cette qualité, de sorte qu’aussitôt l’usufruitier gratifié d’une potentialité de droits – ce qui pourrait laisser croire qu’il est associé –, il faudrait immédiatement la cantonner. À l’inverse, l’incidence directe peut constituer une limite à l’exercice des droits du nu-propriétaire (44), puisqu’il s’agit de la clef de répartition choisie par la Cour de cassation.

B. L’étendue de la greffe

22. Comment déterminer les droits exercés par l’usufruitier qui seront assujettis à la condition d’incidence directe ? Une première piste paraît praticable. Tous les droits « réservés » à l’usufruitier par un texte ou les statuts (lorsque cela est possible) ne sont pas a priori concernés par la preuve d’une incidence directe. On songe au droit de communication dans les SA (C. com., art. L. 225-118), pour lequel l’usufruitier est fondé à recourir aux injonctions de faire (C. com., art. L. 238-1) (45), au droit de vote, avec les aménagements permis (46), ainsi qu’au droit de participer, désormais conféré par l’alinéa 3 de l’article 1844 du Code civil, outre ses implications directes : droit à l’information préalable et droit d’être convoqué, notamment. Dans ces hypothèses, seule la préservation de la substance des droits sociaux devrait constituer une limite à ses prérogatives (47).

23. Au-delà, les choses sont plus complexes. D’abord, la distinction entre les droits réservés et les autres droits d’associé ne sera pas toujours évidente à opérer, singulièrement toutes les fois que la prérogative en cause sera dans la « dépendance » ou le « giron » du droit de participer. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer que, dans l’espèce ayant donné lieu à l’avis du 1er décembre 2021, il s’agissait précisément de l’exercice par les usufruitiers d’un droit en lien avec la participation aux décisions collectives : provoquer la tenue d’une assemblée pour laquelle, au surplus, ils avaient certainement le droit de vote… Dès lors, le choix d’assujettir l’exercice de ce droit à l’incidence directe pousse à considérer que c’est en fonction des autres droits réservés par un texte à l’associé, et donc au nu-propriétaire, que le droit de participer de l’usufruitier sera ou non soustrait à l’exigence de l’incidence directe. Or, il est délicat d’en délimiter les implications, (44) Sur l’affectation des bénéfices, v. not. Cass. com., 31mars 2004, n° 03-16694. (45) Également pour le droit préférentiel de souscription : C. com., art. L. 225-140 et C. com., art. R. 225-123. (46) C. civ., art. 1844, al. 3 et 4 ; C. com., art. L. 225-110, al. 1 et 4. (47) Les actes de disposition sont censés échapper à l’usufruitier : dissolution, fusion, scission, etc. Même si la liste n’est qu’indicative, v. D. n° 2008-1484, 22 déc. 2008. en particulier en cas de situation de concours (48). Aussi, on peut se demander si seront subordonnées à la preuve d’une incidence directe  : l’action en nullité des décisions collectives auxquelles l’usufruitier aura participé sans avoir le droit de vote ; la demande d’ajournement ; l’inscription à l’ordre du jour de points ou projets de résolutions ; les questions posées à la direction, etc.

24. Ensuite, on peut redouter que la condition d’incidence directe ne soit pas limitée aux droits équivalents à celui qui était en jeu, à savoir la provocation d’une délibération sur un ordre du jour déterminé (49). Il est donc probable que toute prérogative d’associé soit concernée : expertise de gestion, désignation des commissaires aux comptes, demande de révocation judiciaire d’un gérant, action sociale ut singuli, etc. Là aussi, il faudra sûrement démontrer que le droit à exercer ou l’action à introduire est susceptible d’avoir une incidence directe, notamment sur la vocation aux fruits, et donc que le patrimoine social est en jeu.

25. Enfin, comment traiter les situations voisines de l’usufruit  ? Par exemple, l’article L.  239-3 du Code de commerce retient, en son alinéa 2, que « pour l’exercice des autres droits attachés aux actions et parts sociales louées [autres que le droit de vote], le bailleur est considéré comme le nu-propriétaire et le locataire comme l’usufruitier ». Doit-on appliquer la condition d’incidence directe ? Un début de réponse négative peut être trouvé dans l’absence d’identité de fondement entre les droits du locataire et ceux de l’usufruitier de droits sociaux. Cela dit, dans la mesure où (i) le critère posé est celui de l’incidence sur le droit de jouissance, (ii) le locataire jouit à titre conventionnel et (iii) une assimilation est faite par le texte entre usufruitier et locataire, la question se pose.

26. En définitive, c’est un sentiment d’inachevé que laisse l’avis rendu par la Cour de cassation car, à peine le voile levé sur l’absence de qualité d’associé de l’usufruitier de droits sociaux, la nouvelle condition d’incidence directe génère de vraies incertitudes. En tous les cas, l’usufruitier qui le pourra aura tout intérêt à bien réfléchir à l’opportunité ou non de conserver au moins une part ou une action (ou plus !) en pleine propriété.

Article paru dans la Gazette du Palais du 12/04/2022. L’intégralité de la Gazette spécialisée Droit privé du patrimoine est accessible sur la base Lextenso : Gazette du Palais | La base Lextenso (labase-lextenso.fr)


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Julien Delvallée
Of Counsel
Paris