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La clause de substitution visant une société « à constituer »

Certaines relations doivent être sécurisées avant l’immatriculation

10/08/2020

Une société ne peut en principe conclure de contrats qu’une fois immatriculée au registre du commerce et des sociétés et donc dotée de la personnalité morale. Il est pourtant très important que certaines relations soient sécurisées dès avant l’immatriculation – par exemple le bail des locaux dans lesquels la future société exercera son activité. Un dispositif existe, dans le Code civil et dans le Code de commerce, permettant que des actes soient accomplis pour le compte d’une société avant son immatriculation. Précisément, un fondateur peut accomplir un acte – conclure un contrat par exemple – au nom de la société en formation. Si celle-ci est immatriculée et reprend l’acte, celui-ci sera réputé avoir été fait dès le début par la société ; à défaut de reprise, le fondateur reste engagé par l’acte.

Ce système dérogatoire suppose de respecter une série de conditions, et particulièrement un formalisme précis s’agissant de la reprise de l’acte par la société. Trois modalités distinctes sont prévues : signature des statuts auxquels est annexé un état des actes accomplis pendant la période de formation, mandat donné par les associés d’accomplir certains actes, reprise post-immatriculation par décision des associés. Très majoritairement, les tribunaux refusent d’admettre d’autres modalités de reprise que celles prévues par les textes.

Un arrêt récent de la Cour de cassation met cependant en évidence une voie alternative[1]. Un contrat de bail avait été conclu par une personne physique « pour le compte d’une société à constituer devant se substituer ». Une SARL, dont le signataire du bail était associé et gérant, exécutait le contrat pendant près de dix ans avant d’être placée en liquidation judiciaire. Le bailleur invoquant la résiliation du bail, la personne physique prétendait être titulaire du contrat, à défaut d’avoir respecté les modalités de reprise susvisées. La Cour d’appel saisie du litige avait constaté la résiliation du bail, et la Cour de cassation confirme qu’une reprise du bail par la SARL avait eu lieu.

La reprise du bail trouve son fondement dans l’application du droit des contrats : les contractants A et B peuvent convenir, par une clause de substitution, que B sera remplacé par C comme partie au contrat. Le nouvel entrant dans la relation contractuelle peut être une personne physique ou une personne morale, et pourquoi pas une personne morale qui n’existe pas encore. Simplement, la clause de substitution visant une société qui n’existe pas encore soulève un certain nombre de questions.

Que se passe-t-il si ladite société n’est jamais constituée ? Le bail subsiste-t-il alors sur la tête de la personne physique ou bien disparaît-il, du fait de l’inexistence de l’une des parties ? La réponse est incertaine, car si la société était appelée à se « substituer », c’est que la relation existait valablement avant la substitution ; dans le même temps, les parties avaient indiqué que le bail était conclu « pour le compte » de la SARL, ce qui faisait de la société un acteur essentiel du contrat.

Autre question délicate : que se passe-t-il après la substitution ? Le contractant initial pourrait-il se voir réclamer le paiement de loyers que la société, « nouveau » locataire, ne verserait pas ? Si les mots ont un sens, la substitution fait sortir le contractant initial de la relation et il est intégralement remplacé par la société qui se substitue à lui. Le régime spécial de reprise des actes fait pour le compte d’une société en formation prévoit par principe une libération du fondateur en cas de reprise. A l’inverse, le régime de la cession de contrat du Code civil (applicable dans la mesure où une substitution de contractant équivaut à une cession de contrat) prévoit que sauf clause contraire, le cédant est tenu solidairement à l'exécution du contrat.

Si le régime spécial de reprise des actes du droit des sociétés n’exclut pas l’application du droit commun des contrats, toutes les questions ne sont donc pas réglées pour autant.

Article paru dans le magazine Option Finance du 27/07/2020 


1 Cass. com., 15 janv. 2020, n° 17-28127, BRDA 4/20, n° 2.


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