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Les assemblées générales à huis clos : jusqu’à quand ?

Est-il encore possible pour une société de tenir une assemblée générale à huis clos ?

11/08/2020

Un dispositif d’exception est en place, depuis la fin du mois de mars, qui a récemment fait l’objet d’une prorogation, pour permettre la tenue des assemblées générales des personnes morales de droit privé et notamment des sociétés en dépit de la pandémie de Covid-19. L’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 a en effet permis, « Lorsqu'une assemblée est convoquée en un lieu affecté à la date de la convocation ou à celle de la réunion par une mesure administrative limitant ou interdisant les rassemblements collectifs pour des motifs sanitaires », que l'organe compétent pour la convoquer, ou le représentant légal agissant sur délégation de cet organe, décide que cette assemblée « se tient sans que les membres et les autres personnes ayant le droit d'y assister ne soient présents physiquement ou par conférence téléphonique ou audiovisuelle ».

Ce dispositif a donc été récemment prorogé. Cette prorogation incite à se poser avec encore plus d’insistance une question relative à l’application du dispositif.

Prorogation de l’ordonnance.

Dispositif d’exception, l’ordonnance n° 2020-321 a été dotée d’une durée de vie limitée. L’article 11 de ce texte dispose ainsi que l’ordonnance « est applicable aux assemblées et aux réunions des organes collégiaux d'administration, de surveillance et de direction tenues à compter du 12 mars 2020 et jusqu'au 31 juillet 2020, sauf prorogation de ce délai jusqu'à une date fixée par décret et au plus tard le 30 novembre 2020 ».

Ce texte figure encore en l’état au sein de l’ordonnance, mais est intervenu le décret de prorogation qui y est mentionné… ce qui n’est pas optimal en terme de lisibilité des textes.

Comme nous l’avions indiqué, l’ordonnance n° 2020-321 et le décret n° 2020-418 du 10 avril 2020 qui la complète ont vu leur durée de vie prorogée jusqu’au 30 novembre 2020.

Le décret n° 2020-925 du 29 juillet 2020, publié au Journal officiel du 30 juillet (https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000042169756&dateTexte=&categorieLien=id) a prorogé l’applicabilité de l'ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 et de son décret d’application.

Si l’on rapproche l’article 11 de l’ordonnance et le décret du 29 juillet, on doit comprendre que sont concernées les AG et réunions des organes se tenant jusqu’au 30 novembre inclus.

Notons que la FAQ de la Direction générale du Trésor (DGT) sur la tenue des AG en période de Covid-19 a été mise à jour pour tenir compte de la prorogation du dispositif (https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/1c3d1af2-dfea-4f9c-a998-efbce8f918d0/files/43522985-e3a6-4da5-bfe8-0c040fd3f9d4).

Condition d’application du dispositif : existence d’une restriction des rassemblements collectifs.

Depuis le déconfinement, le dispositif permettant de tenir les assemblées à huis clos soulève une question délicate. Ainsi qu’on l’a vu, la tenue d’une assemblée à huis clos suppose que celle-ci soit « convoquée en un lieu affecté à la date de la convocation ou à celle de la réunion par une mesure administrative limitant ou interdisant les rassemblements collectifs pour des motifs sanitaires », aux termes de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-321.

Personne ne doutait pendant le confinement que la tenue à huis clos des assemblées était justifiée. Depuis le déconfinement, plusieurs décrets se sont succédé, qui ont assoupli progressivement les restrictions sanitaires. Les décrets n° 2020-548 du 11 mai 2020 et n° 2020-663 du 31 mai 2020, celui-ci ayant été modifié par le décret n° 2020-724 du 14 juin 2020, interdisaient les rassemblements de plus de dix personnes « sur la voie publique ou dans un lieu public », selon le premier décret, ou « sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public », selon les deux autres décrets. Le dernier décret en date – le décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020, lui-même modifié par les décrets n°2020-884 du 17 juillet 2020, n° 2020-911 du 27 juillet 2020 et n° 2020-944 du 30 juillet 2020 – n’interdit plus les rassemblements de plus de dix personnes, mais les soumet à une déclaration préalable.

La question se pose, depuis le déconfinement, de savoir s’il est encore possible de faire application de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-321.

Répondre à cette question suppose de savoir avec certitude ce qu’il faut entendre par les mots « lieu affecté par une mesure administrative limitant ou interdisant les rassemblements ».

Concrètement, les sociétés ne tiennent pas leurs assemblées sur la voie publique ou dans des « lieux publics » ou « lieux ouverts au public ». Il est donc peu probable qu’une société ait été véritablement empêchée de tenir son assemblée du fait de l’interdiction précitée des rassemblements de plus de dix personnes. Mais la tenue d’une assemblée à huis clos en vertu du dispositif d’exception n’est pas subordonnée à une impossibilité de tenir cette assemblée de manière physique. L’interdiction des rassemblements de plus de dix personnes ne s’appliquant pas aux lieux privés, il était déjà possible de tenir une assemblée réunissant cent associés dans un lieu privé en respectant les gestes-barrière.

On peut retenir deux interprétations de l’expression « lieu affecté par une mesure administrative limitant ou interdisant les rassemblements ».

Sens 1 : il faut prendre en considération le lieu entendu comme le bâtiment, voire la seule salle où se tient l’assemblée. Très peu d’assemblées seraient alors concernées et il serait donc pratiquement impossible de retenir le huis clos.

Sens 2 : le « lieu » désignerait la commune où doit intervenir l’assemblée, ce qui permettrait de tenir celle-ci à huis clos alors même qu’elle pourrait avoir lieu avec la présence physique des associés ou actionnaires. La condition de la mesure administrative affectant le lieu où se tient l’assemblée serait alors remplie, par exemple, lorsque le siège social est à Paris et que les réunions de plus de 10 personnes sont interdites ou soumises à déclaration préalable dans cette ville, serait-ce seulement sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public. L’interdiction plus générale des rassemblements de plus de 5.000 personnes serait un autre élément à prendre en compte : la quasi-totalité des assemblées ne sont certes pas concernées par l’interdiction, mais il y a là, formellement, une limitation des rassemblements affectant tous les lieux du territoire national (encore que cette interdiction ait été assouplie, à compter du 15 août prochain, par le décret n° 2020-911 du 27 juillet 2020 modifiant le décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020).

La question est sensible, car est en jeu la validité de nombreuses assemblées.

Il nous semble que c’est le sens 2 précité qui doit être privilégié, et la possible prorogation de la durée de vie du dispositif est de nature à conforter l’idée que celui-ci doit encore recevoir application dans des cas qui ne sont pas simplement marginaux.

La FAQ de la DGT sur la tenue des assemblées en période de Covid-19 n’apporte pas d’indication particulière à cet égard. Certes, la DGT a supprimé la mention qui figurait précédemment selon laquelle « En particulier, les mesures prévues par le décret n° 2020-663 du 31 mai 2020, tel que modifié en dernier lieu par le décret n° 2020-759 du 21 juin 2020, permettent de considérer que la condition pour pouvoir organiser une assemblée « à huis clos » est satisfaite dès lors qu’elles sont applicables au lieu où l’assemblée est convoquée ». Il ne nous semble cependant pas qu’il faille tirer de cette suppression la conclusion que la tenue des AG à huis clos ne serait plus possible que dans des cas très limités.


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