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Les dangereuses «énonciations» du vendeur en cas de cession de fonds de commerce

Abrogation de l’article L. 141-1 du Code de commerce

14/11/2019

On a en tête la réforme réalisée par la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019, dite loi « Soilihi », en cas de cession de fonds de commerce. Réforme pertinente, demandée par une grande majorité d’opérateurs et qui a consisté à supprimer l’obligation de faire figurer un certain nombre d’« énonciations » dans tout acte de cession ou d’apport en société de fonds de commerce. De fait, il était généralement admis que certaines des mentions prescrites comme devant impérativement figurer dans un tel acte étaient inutiles, tandis que d’autres informations pourtant essentielles pour l’acquéreur ne figuraient pas dans la liste. Surtout la règle traitait l’acquéreur d’un fonds de commerce comme s’il s’agissait d’un banal consommateur, alors que les exigences de droit commun en matière d’information devaient suffire à établir une transparence adéquate entre les parties.

Techniquement, la réforme s’est traduite par l’abrogation pure et simple de l’article L. 141-1 du Code de commerce qui listait les énonciations obligatoires. Mais, sans en mesurer exactement les implications, le législateur a laissé intact l’article L. 141-3 du même Code. Ce dernier prévoit que le vendeur (mais non l’apporteur en société !) d’un fonds « est, nonobstant toute stipulation contraire, tenu de la garantie à raison de l’inexactitude de ses énonciations » ; et ce, dans les conditions édictées en matière de garantie des vices cachés.

Quelle est la difficulté ? C’est que ce texte avait un sens lorsque l’article L. 141-1 était en vigueur. Le dispositif était alors le suivant. L’obligation de porter certaines énonciations dans l’acte de vente d’un fonds faisait l’objet de deux sanctions : l’une intervenant en cas d’omission, logée dans l’article L. 141-1 et donc elle aussi abrogée ; l’autre activée en cas d’inexactitude… qui demeure en vigueur du fait du maintien de l’article L. 141-3. Or, il avait toujours été compris que l’article L. 141-3 devait s’interpréter au regard de l’article L. 141-1. Du reste, le terme « énonciations » figurant à l’article L. 141-3 se rapportait clairement au contenu des mentions obligatoires listées à l’article L. 141-1. La Cour de cassation avait clairement tranché en ce sens que l’action susceptible d’être mise en œuvre pour inexactitude des énonciations ne concernait que les rubriques limitativement énumérées à l’article L. 141-1.

D’où la question de savoir comment interpréter désormais l’article L. 141-3, qui n’est plus arrimé à l’article qui lui donnait sa cohérence. Potentiellement, puisque la garantie est due par le vendeur « à raison de l’inexactitude de ses énonciations », c’est l’ensemble des déclarations faites par le vendeur dans l’acte qui entre dans le champ de la garantie. Plus ennuyeux, la règle est édictée « nonobstant toute stipulation contraire » et s’étend jusqu’aux « intermédiaires, rédacteurs des actes et leurs préposés », lesquels sont tenus solidairement avec le vendeur s’ils connaissent l’inexactitude des énonciations faites. Bref, devenu orphelin l’article L. 141-3 a perdu sa raison d’être.

On peut espérer que le législateur, sensible à l’aberration née du maintien du texte dans l’ordre juridique, procède à son abrogation prochaine. Mais dans cette attente, les moyens permettant de cantonner la règle sont incertains, sauf peut-être à définir clairement ce qui sera considéré comme des « énonciations du vendeur » en vertu du contrat.

Article paru dans le magazine Option Finance le 4 novembre 2019


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Arnaud Reygrobellet
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