Les salariés en télétravail n’étant pas placés dans une situation comparable à celle des salariés travaillant sur site en l’absence de surcoût lié à leur restauration ne peuvent prétendre au maintien du bénéfice des tickets-restaurant. C’est ce que décide le tribunal judiciaire de Nanterre dans une décision rendue le 10 mars 2021 (n° 20/09616).
Des tickets-restaurant mis en place dans les sites sans restaurant d’entreprise ou interentreprise
Conçus comme une aide au déjeuner bénéficiant d’un régime fiscal et social favorable, tant pour les entreprises que pour les salariés, et permettant d’offrir une alternative à la restauration collective d’entreprise, les titres-restaurant sont définis comme des "titres spéciaux de paiement remis par l’employeur aux salariés pour lui permettre d’acquitter en tout ou en partie le prix d’un repas consommé au restaurant"(C. trav., art. L.3262-1).
Bien que les dispositions légales en vigueur ne précisent pas que l’octroi de tickets-restaurant aux salariés constitue, au même titre que la mise en place d’un restaurant d’entreprise, un mode d’exécution de l’obligation mise à la charge des entreprises d’au moins 25 salariés de mettre à la disposition de son personnel un local adapté, il est généralement admis par l’Administration que la mise en place au sein d’une entreprise de ce dispositif en est, de fait, libératoire.
C’est ainsi que dans l’affaire ayant donné lieu à la décision commentée, les directions des groupes Malakoff Mederic et Humanis ont décidé avant leur fusion d’attribuer des tickets-restaurant aux salariés affectés sur un site non doté d’un restaurant d’entreprise.
Comme nombre d’entreprises, les entités composant l’unité économique et sociale (UES) Malakoff Humanis, ont placé la plupart de leurs salariés en télétravail à compter du 17 mars 2020 en raison de l’état d’urgence sanitaire instauré en raison de la pandémie de Covid-19. A compter de cette date, l’UES a cessé d’attribuer des tickets-restaurant aux salariés placés en télétravail et en a réservé le bénéfice aux seuls salariés présents sur le site.
Estimant que les salariés qui n’ont pas accès à un restaurant d’entreprise ou interentreprise, placés en télétravail, doivent bénéficier de tickets-restaurant pour chaque jour travaillé au cours duquel le repas est compris dans leur horaire de travail journalier, le syndicat UNSA a saisi le tribunal judiciaire de Nanterre aux fins d’obtenir la régularisation des droits des télétravailleurs.
Des situations différentes justifiant un traitement différent
Le Tribunal rappelle dans un premier temps que le titre-restaurant est un avantage consenti par l’employeur qui ne résulte d’aucune obligation légale et dont la loi ne définit pas les conditions d’attribution si ce n’est que le repas du salarié pris en charge doit être compris dans son horaire de travail journalier.
Après avoir rappelé qu’aux termes de l’article 4 de l’accord national interprofessionnel relatif au télétravail du 19 juillet 2005 "les télétravailleurs bénéficient des mêmes droits et avantages légaux conventionnels que ceux applicables aux salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’entreprise", le Tribunal précise qu’il n’est pas contestable que les télétravailleurs doivent bénéficier des tickets-restaurant si leurs conditions de travail sont équivalentes à ceux travaillant sur site sans restaurant.
Pour autant, le Tribunal indique que l’objectif poursuivi par l’employeur en finançant ces titres-restaurant en tout ou partie est de permettre aux salariés de faire face au surcoût lié à la restauration hors de leur domicile pour ceux qui seraient dans l’impossibilité de prendre leur repas à leur domicile et que, en l’occurrence, les salariés placés en télétravail sont à leur domicile et ne peuvent donc prétendre, en l’absence de surcoût lié à leur restauration, à l’attribution de tickets-restaurant.
De ce fait, les télétravailleurs et les salariés travaillant sur site qui n’ont pas accès à un restaurant d’entreprise n’étant pas placés dans une situation comparable, il ne peut être soutenu que les télétravailleurs ne bénéficient pas des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que les salariés travaillant sur site.
Cette décision constitue une première réponse à une question récurrente depuis que la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 a conduit au placement massif des salariés en télétravail. Reste à savoir si la cour d’appel de Versailles, dans l’hypothèse où elle serait saisie, suivra le Tribunal judiciaire dans son argumentation.
Notons, à cet égard, que le ministère du Travail qui a publié sur son site Internet un questions-réponses sur le télétravail, mis à jour le 9 mars 2021, retient une position différente : il indique que les télétravailleurs doivent continuer, au nom du principe d’égalité de traitement, à bénéficier de tickets-restaurant dès lors que les salariés exerçant leur activité dans les locaux de l’entreprise en bénéficient.
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