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Locataires en difficulté, le bailleur à la rescousse

Incitations fiscales et outils de restructuration

19/02/2021

Dans le contexte de la crise sanitaire, de très nombreuses entreprises se trouvent en difficulté. Le premier objectif de ces dernières réside dans l’identification et la mise en œuvre de moyens leur permettant d’éviter une panne de trésorerie et donc une procédure collective. Toutefois, au-delà de cet objectif premier, ces entreprises doivent ensuite trouver les moyens d’éviter la constitution d’un mur de dettes qui risque de devenir rapidement infranchissable.

Conscient de cet enjeu, le législateur a adopté un dispositif incitatif pour les bailleurs qui accepteront de renoncer à l’encaissement d’une partie des loyers dus par leurs locataires, allégeant d’autant le fardeau de dettes de ces derniers. Ainsi, outre la prorogation jusqu’au 31 juin 2021 de la période pendant laquelle les bailleurs peuvent consentir des abandons de loyers déductibles à certains locataires, l’article 20 de la loi de finances pour 2021 a instauré un crédit d’impôt à raison des abandons consentis à certaines entreprises au titre des loyers de novembre 2020 dans le cadre du second confinement (1).

Ces incitations législatives ne doivent pas faire perdre de vue que le soutien apporté par le bailleur à son locataire doit être encadré par certaines précautions et que des outils sur-mesure existent, permettant de construire une solution de retournement la plus complète possible (2).

Crédit d’impôt au titre des abandons de loyers

Bien que peu complexe, le régime mis en place repose sur un nombre significatif de conditions qui concernent l’identification des bailleurs et des locataires éligibles, la délimitation des abandons de loyers pris en considération ainsi que le calcul et l’imputation du crédit d’impôt.

Le texte prévoit que le crédit d’impôt sera octroyé sur la base d’une déclaration du bailleur conforme à un modèle établi par l’administration qui devra être annexée à la déclaration de revenu ou de résultat. S’agissant des bailleurs, le crédit d’impôt s’applique aux personnes physiques domiciliées en France ou aux personnes morales à raison de locaux situés en France. Il est également applicable aux entreprises, pour autant qu’elles ne soient pas elles-mêmes en difficulté, bénéficiant de certains régimes d’exonération et en particulier les sociétés foncières relevant du régime des SIIC et les SPPICAV.

Les locataires ouvrant droit à ce régime sont les entreprises de moins de 5.000 salariés exerçant leur activité dans des locaux faisant l’objet d’une interdiction d’accueil du public au cours du mois de novembre 2020 ou exerçant leur activité principale dans un secteur particulièrement touché par la crise (en particulier l’hôtellerie, la restauration, le tourisme, l’événementiel, le sport et la culture).

Sont néanmoins exclues les entreprises locataires qui,

– au 31 décembre 2019, étaient en difficulté au sens du règlement communautaire UE 651/2014 du 17 juin 2014, à l’exception des micro et petites entreprises pour autant qu’elles ne bénéficient d’une procédure de sauvegarde, d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire en cours à cette date et/ou ;

– font l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire au 1er mars 2020. A noter qu’en cas de liens (familiaux ou de dépendance capitalistique) entre le bailleur et l’exploitant de l’entreprise locataire, le bénéfice du crédit d’impôt sera subordonné à la démonstration des difficultés de trésorerie de l’entreprise. Les bailleurs concernés devront dès lors rassembler et conserver, dans la perspective d’un éventuel contrôle, les justificatifs correspondants.

Toutefois, le montant total des abandons bénéficiant à un même locataire, retenu dans la limite du montant du crédit d’impôt correspondant, ne peut pas excéder un plafond qui vient d’être porté à 1,8 million d’euro par la Commission européenne pour la généralité des entreprises (hors activités spécifiques) ; le plafond s’apprécie ainsi par rapport au montant de l’avantage fiscal. La situation du bailleur peut ainsi être influencée en fonction de l’éligibilité de ses locataires et des aides que ces derniers pourraient recevoir ou avoir reçu d’un autre bailleur, alors-même que le bailleur ne dispose en principe d’aucun accès efficace à une telle information et peut seulement interroger son locataire sur sa situation.

S’agissant du calcul du crédit d’impôt, celui-ci est égal à 50 % des loyers éligibles abandonnés au titre du mois de novembre 2020 à condition que la décision soit prise au plus tard le 31 décembre 2021. Cependant, l’assiette de calcul du crédit d’impôt est limitée à deux tiers du montant de ces loyers lorsque l’entreprise locataire bénéficiaire de l’abandon emploie entre 250 et 5 000 salariés.

Il est imputable sur l’impôt exigible au titre de l’année civile en cours à la date de la décision pour les contribuables relevant de l’impôt sur le revenu ou de l’exercice en cours pour ceux relevant de l’impôt sur les sociétés. En cas d’excédent ou en l’absence d’impôt sur lequel imputer le crédit d’impôt (notamment si le bailleur est une entreprise exonérée), le montant non imputé est remboursé au bailleur.

Les outils du restructuring

Le curseur de l’aide apportée à un débiteur en difficulté réside dans le fait que cette aide lui permette de construire un retournement pérenne. A défaut, l’aide apportée pourrait s’apparenter à un cautère sur une jambe de bois. Une telle situation risque de conduire le locataire dans l’impasse d’une solution liquidative et le bailleur à des pertes accrues, voire un risque de mise en cause de sa responsabilité.

Ainsi, tant le bailleur que le locataire auront intérêt à se ménager les preuves que l’aide sollicitée du bailleur et accordée par celui-ci s’inscrit dans un plan de retournement crédible à la date à laquelle l’effort est fait.

Dans cette optique, il est certainement utile d’inscrire cette démarche dans le cadre d’une mesure amiable et préventive de traitement des difficultés : le mandat ad hoc ou la conciliation. Ces procédures sont pour l’essentiel amiables, volontaires, confidentielles et consensuelles.

Conduites sous l’égide d’un professionnel (administrateur/mandataire judiciaire le plus souvent), elles ont pour vocation de mettre en présence les partenaires de l’entreprise en difficulté avec lesquels cette dernière entend bâtir une solution de retournement pérenne : actionnaires, banquiers, bailleurs, pouvoirs publics, etc. Ces partenaires négocieront avec l’entreprise la solution sur-mesure permettant d’assurer son retour à la profitabilité, solution qui sera ensuite soumise à la « validation » du Président du tribunal de commerce (accord de conciliation constaté) ou du tribunal lui-même en cas d’homologation de l’accord de conciliation.

La crise économique générée par la pandémie a conduit le législateur à renforcer l’attrait de ces procédures pour les débiteurs en instaurant un mécanisme coercitif mais facultatif de gel du passif au cours des négociations et en facilitant la possibilité pour l’entreprise en difficulté de solliciter, à défaut d’accord avec ses créanciers, l’obtention de délais de grâce auprès du Président du tribunal ayant ouvert la procédure de conciliation. En complément, le législateur permet que les conciliations ouvertes avant le 31 décembre 2021 se prolongent jusqu’à 10 mois au lieu de cinq. Enfin, signalons que, dans le cadre de la transposition de la directive européenne « restructuration et insolvabilité », le principe du libre accès à la sauvegarde accélérée devrait être pérennisé. Il s’agit ici d’une procédure collective permettant de « forcer » la mise en œuvre d’un accord trouvé en conciliation avec une majorité des créanciers impliqués en dépit de l’opposition minoritaire de quelques-uns d’entre eux. Ainsi, dans les rapports entre bailleur et locataire aussi, l’enjeu sera de parvenir à un accord équilibré permettant de sauvegarder au mieux les intérêts en présence : le bailleur conservera un locataire et donc un revenu, le locataire pourra construire un retournement permettant d’assurer la pérennité de son activité. 


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