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Négociations commerciales et Egalim III (Texte AN)

Proposition de loi visant à sécuriser l'approvisionnement des Français en produits de grande consommation

07/02/2023

A peine quelques années après l’adoption des lois Egalim I et II, la question des relations fournisseurs / distributeurs revient, en pleine période de négociations commerciales, sur le devant de la scène parlementaire avec la discussion d’une proposition de loi visant à sécuriser l'approvisionnement des Français en produits de grande consommation (PGC).

Adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 18 janvier 2023, après engagement de la procédure accélérée, cette proposition de loi ambitionne de parfaire, dans le contexte de crise économique, les dispositions en vigueur dans le secteur de l’agroalimentaire. L’objectif est de sécuriser les chaînes d’approvisionnement, de prolonger durablement les dispositions non définitives et - cela est désormais un leitmotiv récurrent – améliorer les conditions de transparence et de bonne foi dans la négociation pour en équilibrer le rapport de forces économique.

Nous vous présentons ici les grandes lignes de ce texte qui viendra en discussion devant le Sénat le 15 février prochain.

► Reconnaissance du caractère de loi de police du titre IV du Livre IV du Code de commerce (art. 1er)

Afin de lutter contre la pratique actuelle consistant pour certains acteurs de la grande distribution de PGC à délocaliser la négociation commerciale en recourant à l’implantation de centrales d’achat à l’étranger, phénomène qu’il qualifie d’« évasion juridique », le législateur adopte deux mesures significatives (art. L. 444-1 nouveau C. com.):

  • d’une part, il consacre le caractère de loi de police des dispositions relatives à la transparence, aux pratiques commerciales déloyales et aux produits agricoles et denrées alimentaires. Le nouvel article L. 444-1 prévoit ainsi que les dispositions des chapitres Ier, II et III du titre IV du Livre IV sont d’ordre public et s’appliquent à toute convention entre un fournisseur et un acheteur, lorsque les produits ou services concernés sont commercialisés sur le territoire français.
  • d’autre part, il affirme la compétence exclusive des tribunaux français pour l’application de ces dispositions, sous réserve du respect du droit de l’Union européenne et du droit international.

► Prorogation du relèvement de 10 % du seuil de revente à perte (SRP) et de l’encadrement des promotions (art. 2 et 2 bis nouveau)

Ces deux mesures mises en place à titre expérimental en 2019 pour les denrées alimentaires et les produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie prennent en principe fin le 15 avril 2023. 

Le législateur estime que la situation conjoncturelle actuelle a compliqué l’analyse de leurs effets ; leur prolongation est donc nécessaire pour mieux en mesurer l’impact. L’expérimentation serait ainsi prolongée de trois ans, soit jusqu’au 15 avril 2026 (art.125, VIII modifié de la loi ASAP n°2020-1525).

D’ici là, le rapport d’évaluation annuel transmis par le Gouvernement au Parlement devra notamment faire état de la répartition du SPR majoré entre les différents acteurs concernés, filière par filière. Ce rapport sera établi en association avec l’Observatoire de formation des prix et des marges des produits alimentaires et après consultation de l’ensemble des acteurs économiques concernés de la filière alimentaire.

► Nouvelle pratique restrictive de concurrence (art. 3, I)

Afin de dissuader certaines manœuvres dilatoires visant à retarder l’adoption des conventions annuelles PGC, la proposition de loi inscrit au rang des pratiques restrictives de concurrence, le fait de ne pas avoir mené des négociations de bonne foi dans le cadre de l’article L. 441-4 ayant eu pour conséquence de ne pas aboutir à la conclusion de la convention PGC avant la date butoir du 1er mars (art. L. 442-1, I 5° nouveau C. com). La frontière entre bonne foi et neutralité dans la négociation restera la question à trancher. On peut augurer que seront recherchées les pratiques caractérisant une négociation de mauvaise foi.

► Fixation du prix applicable en l’absence d’accord au 1er mars (art. 3, II)

Le Code de commerce est muet sur les conséquences d’une absence d’accord au 1er mars.

En pratique, comme l’a relevé la CEPC dans son avis n°10-15, dans de nombreux cas les distributeurs continuent de passer commande. Ils sont alors livrés et facturés au nouveau tarif qu’ils ont refusé, mais déduisent de leur règlement l’écart entre le nouveau tarif et l’ancien.

La CEPC estime que la relation commerciale devrait pourtant être considérée comme inexistante, de sorte qu’aucune commande ne devrait être passée, ni aucune livraison effectuée. Mais cette position peut se heurter à l’article L. 442-1 du Code de commerce qui proscrit la rupture brutale, même partielle, d’une relation commerciale établie.

Face aux nombreux contentieux en ce domaine, le législateur estime qu’une clarification est nécessaire.

Alors que la proposition de loi initiale prévoyait, par un ajout à l’article L. 441-3, IV, que « En l’absence d’accord au 1er mars, toute commande effectuée par le distributeur se fait sur la base du tarif et des conditions générales de vente en vigueur » (i.e CGV communiquées au distributeur au plus tard le 1er décembre, y compris le barème des prix unitaires), l’Assemblée nationale a privilégié la mise en place d’un dispositif expérimental d’une durée de deux ans applicable aux seules conventions PGC.

Prolongation de la convention PGC et saisine du médiateur

A défaut de convention écrite conclue au plus tard le 1er mars (ou dans les deux mois suivant le début de la période de commercialisation des produits ou des services soumis à un cycle de commercialisation particulier), la convention PGC échue serait prolongée pour une durée d’un mois.

Pendant ce délai, les parties devront conclure, sous l’égide du médiateur des relations commerciales agricoles ou des entreprises qui devra être saisi, une nouvelle convention ou, à défaut, un accord fixant les conditions d’un préavis.

De son côté, le médiateur devra saisir le ministre de l’économie, qui s’assurera qu’aucun abus mentionné à l’article L. 442-1 n’a été commis et que la négociation a été menée de bonne foi pendant la phase de négociation ou la période de prolongation d’un mois.

Rupture de la relation commerciale en l’absence de nouvelle convention ou d’accord sur un préavis

En l’absence d’accord sur une nouvelle convention écrite ou sur les termes d’un préavis à l’expiration de ce délai d’un mois, la relation commerciale sera rompue sans que puisse être invoquée la rupture brutale de l’article L. 442-1 du Code de commerce.

A noter toutefois que, si la rupture brutale est exclue, le fait de ne pas avoir participé de bonne foi à la médiation pourra en revanche être sanctionné au titre de la nouvelle pratique restrictive de concurrence (voir ci-dessus).

A l’issue de l’expérimentation, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport d’évaluation de celle-ci afin d’envisager la pérennisation de la procédure.

En pratique, reste à savoir si les effets de la mesure seront bénéfiques pour les acteurs concernés, puisqu’en l’absence d’accord et à l’issue de la période d’un mois, si la négociation a été menée de bonne foi, la situation permettra une rupture de la relation commerciale sans le bénéfice d’un préavis.

► Sanction du non-respect de la date butoir de conclusion de la convention PGC (art. 3 bis A nouveau)

Le non-respect du formalisme de la convention récapitulative (art. L. 441-3 à L. 441-5) est aujourd’hui passible d'une amende administrative maximale de 75 000 € pour une personne physique et de 375 000 € pour une personne morale.
L’Assemblée nationale a rehaussé ces montants, en cas de non-respect de l’échéance de conclusion des conventions PGC, en les portant respectivement à 200 000 euros et 1 000 000 d’euros (art. 441-6 al. 3 nouveau C. com.).

► Renforcement de l’encadrement des pénalités logistiques (art. 3 bis et 3 ter nouveaux)

Allant - ici aussi - au-delà du texte initial de la proposition de loi, l’Assemblée nationale vient renforcer sensiblement, pour l’ensemble des produits, l’encadrement des pénalités logistiques par des mesures de plafonnement, interdiction et suspension (art. L. 441-17, I al.1 modifié et III nouveau C. com) mais aussi par un nouveau moyen de contrôle des pratiques (art. L. 441-19 nouveau C. com).

Plafonnement et interdiction

Aujourd’hui, les pénalités logistiques infligées au fournisseur par le distributeur ne peuvent pas dépasser un montant correspondant à un pourcentage du prix d'achat des produits concernés et doivent être proportionnées au préjudice subi au regard de l'inexécution d'engagements contractuels.

A l’avenir, ces pénalités ne pourront pas dépasser 2 % de la valeur de la ligne de produits commandés, sur la base de chacune des commandes.

Par ailleurs, aucune pénalité ne pourra être infligée par le distributeur au fournisseur lorsque les taux de service mensuel atteignent 99 % pour les promotions et 98,5 % pour les produits hors promotions.

Dans un souci de symétrie, les mêmes limitations devraient s’appliquer aux pénalités infligées par les fournisseurs aux distributeurs (art. L. 441-18 modifié C. com). Des règles similaires s’appliqueront aux pénalités infligées dans le cadre des contrats de vente de produits agricoles (art. L. 631-25, 7° nouveau Code rural et de la pêche maritime).

Suspension

En cas de crise d’une ampleur exceptionnelle affectant gravement la chaîne d’approvisionnement, le Gouvernement pourra suspendre l’application des pénalités logistiques prévues par les contrats, par décret en Conseil d’État, pour une durée maximale de six mois (art. L. 441-17, III nouveau C. com).

Contrôle des pratiques

Le non-respect des dispositions de l’article L. 441-17 du Code de commerce peut être sanctionné, rappelons-le, au titre des pratiques restrictives de concurrence (art. L. 442-1, I 3° C.com).

Afin, selon les députés, de « mettre en lumière les montants abusifs demandés par les enseignes aux entreprises », l’Assemblée nationale a introduit une double obligation de communication au bénéfice de la DGCCRF qui devrait faciliter les contrôles (art. L. 441-19 nouveau C. com). Ainsi, chaque année, au plus tard le 31 décembre :

  • Chaque distributeur devra lui communiquer le montant des pénalités réclamées à ses fournisseurs ainsi que les montants réellement perçus lors de l’année précédente ;
  • Chaque fournisseur devra lui communiquer les montants réellement versés à chacun de ses distributeurs lors de l’année précédente.

A défaut, l’intéressé sera passible d’une amende administrative pouvant atteindre 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale. En cas de récidive dans les deux ans d’une première condamnation, le montant de l’amende pourra être doublé.

A noter, la remise au Parlement dans l’année de la promulgation de la loi d’un rapport gouvernemental relatif aux conséquences des pénalités logistiques infligées par les distributeurs avec l’évaluation d’une potentielle suppression de celles-ci (art. 8 nouveau).

►CGV des produits alimentaires et des produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie (art. 4)

Pour assurer la présentation dans ses CGV de la part des matières premières agricoles (MPA) dans le volume et le tarif des produits alimentaires, le fournisseur peut choisir parmi les trois options offertes celle de faire intervenir, à ses frais, un tiers indépendant pour certifier que la négociation n’a pas porté sur la part de l’évolution du tarif résultant du prix des matières premières (option 3). Cette certification est fournie dans le mois qui suit la conclusion du contrat (art. L. 441-1-1, I 3° C. com).

Alors que cette option a été largement choisie par les fournisseurs lors des négociations commerciales 2022, sa mise en œuvre s’est heurtée à une certaine insatisfaction, contraignant souvent les fournisseurs à devoir justifier plus précisément les hausses de matières premières en cours de négociations.

Pour pallier cette situation, la proposition de loi prévoit une intervention du tiers indépendant en deux temps, avec :

  • En amont des négociations, une première attestation, fournie dans le mois suivant l’envoi des CGV, de la part d’évolution du tarif résultant de celle du prix des MPA ou des produits transformés ;
  • En aval des négociations, une seconde attestation relative au respect de la non-négociabilité de la part représentative de l’évolution du prix de la MPA. À défaut d’attestation, les parties souhaitant néanmoins poursuivre leur relation contractuelle devront modifier leur contrat dans les deux mois de la signature du contrat initial.

Clause de révision automatique des prix (art. 4 bis nouveau)

Les conventions produits alimentaires doivent comporter une clause de révision automatique des prix du contrat en fonction de la variation du coût de la matière première agricole, à la hausse ou à la baisse, entrant dans la composition du produit (art. L. 443-8 C. com).

L’Assemblée nationale complète ce dispositif à un double égard :

  • d’une part, en indiquant que c’est l'ensemble des matières premières agricoles qui doivent être prises en compte dans la clause de révision automatique des coûts ;
  • d’autre part, en précisant que les évolutions tarifaires résultant de la clause de révision automatique des prix doivent être mises en œuvre au plus tard un mois après le déclenchement de cette clause.

Clause de renégociation des prix (art. 6 nouveau)

L’Assemblée nationale revient sur l’extension récente, par la loi Egalim II, du champ d’application de la clause de renégociation de l’article L. 441-8 du Code de commerce concernant les contrats de vente de plus de trois mois de certains produits agricoles et alimentaires (produits dont les prix de production sont significativement affectés par les fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires et des produits agricoles et alimentaires, de l’énergie, du transport et des matériaux entrant dans la composition des emballages).

L’obligation d’insérer une clause de renégociation du prix dans ces contrats pourra être exclue pour les produits figurant sur une liste fixée par décret.

Selon les députés, cette clause peut en effet s’avérer contre-productive, notamment pour les produits vendus dans le cadre de contrats de vente dits « à terme », largement utilisés dans le secteur des céréales, dont l’intérêt repose sur la fixation d’un prix définitif à une date donnée, en vue d’une livraison postérieure, afin de limiter le risque lié à la fluctuation du cours du produit.

A noter par ailleurs que, pour la même raison, l’Assemblée nationale a prévu pour ces contrats à terme (i.e contrats financiers au sens du III de l’article L. 211-1 du Code monétaire et financier ou comportant des stipulations qui prévoient la conclusion d’un contrat financier pour la détermination du prix) une dérogation à l’obligation pour l’acheteur de communiquer au producteur, avant le premier jour de la livraison des produits agricoles, de manière lisible et compréhensible, le prix qui sera payé (art. L. 631-24, VIII modifié C. rur. ; art. 7 nouveau).

Indicateurs des contrats de vente de produits agricoles (art. 7 nouveau)

Pour rappel, les critères et modalités de révision ou de détermination du prix de vente des produits agricoles figurant dans le contrat ou l’accord-cadre doivent prendre en compte un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture et à l'évolution de ces coûts (art. L. 631-24, III C. rur.).

L’Assemblée nationale a précisé que, pour déterminer les indicateurs utilisés les parties peuvent « notamment s’appuyer sur les modalités de fixation du prix des systèmes de garantie et des labels de commerce équitable définis à l’article 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises. » (art. L. 631-24, IX nouveau C. rur.)

► Autres dispositions (art. 4 ter et 5 nouveaux)

Le texte ratifie les ordonnances n°2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du Code de commerce et l’ordonnance n°2019-358 du 24 avril 2019 relative à l’action en responsabilité pour prix abusivement bas.

Par ailleurs, il habilite le Gouvernement à regrouper, dans un délai de six mois, par voie d’ordonnance, au sein du Code de commerce les dispositions relatives aux relations commerciales des grossistes. Un projet de loi de ratification devra ensuite être déposé devant le Parlement dans les trois mois de la publication de l’ordonnance.

Flash info Concurrence du 7 février 2023


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