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Pacte Dutreil-transmission

Les commentaires administratifs en consultation publique

20/05/2021

Article publié dans l’espace abonnés des Editions Francis Lefebvre

L'administration met en consultation publique, jusqu'au 6 juin 2021, ses commentaires sur le dispositif du pacte Dutreil tel qu'il résulte notamment de la loi de finances pour 2019. Cette nouvelle doctrine, riche d'enseignements, retient parfois des solutions qui paraissent contestables et qui ne sont pas sans poser des difficultés d'application.

1 Le 6 avril dernier, l'administration fiscale a modifié le Bofip sur le régime « Dutreil » de l'article 787 B du CGI. À l'occasion des commentaires sur les dispositions introduites par la loi de finances pour 2019, le Bofip est révisé en profondeur, au-delà des nouveautés résultant de la réforme.

L'administration fiscale a annoncé que les commentaires contenus dans chacune des sous-sections de sa nouvelle doctrine font l'objet d'une consultation publique d'une durée de deux mois à compter de leur publication, soit jusqu'au 6 juin 2021. Toute personne intéressée a donc la possibilité, sous la condition de ne pas le faire anonymement, de faire parvenir ses remarques à l'administration fiscale. Dans l'attente d'une éventuelle révision qui résulterait de cette consultation publique, l'administration fiscale précise que ces nouveaux commentaires sont applicables immédiatement, dès leur publication.

Cette consultation publique pourrait aboutir à des modifications des commentaires car ceux-ci prennent parfois des positions nouvelles contraires à la loi et posant des difficultés d'application. Il en est ainsi de l'exigence que l'auteur de la transmission Dutreil soit membre de l'engagement collectif ou unilatéral de conservation en présence d'un ou deux niveaux d'interposition, que le dirigeant signataire de cet engagement conserve des titres engagés après la transmission Dutreil ou encore que la donation « hors Dutreil » produise les mêmes effets qu'une cession alors que l'engagement est pris pour soi-même et ses ayants cause à titre gratuit.

Champ d'application du régime Dutreil

Entités pouvant bénéficier du régime

2 L'administration fiscale se conforme aux dispositions issues de la loi 2019-486 dite « loi Pacte » en étendant le champ d'application de l'exonération partielle Dutreil aux transmissions, en pleine propriété à un fonds de pérennité, de titres d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-30 n° 1).

Sont cependant exclues du régime de l'article 787 B du CGI les sociétés sans personnalité morale, telles que les sociétés en participation et les sociétés créées de fait. L'administration indique toutefois qu'une telle société sans personnalité morale peut bénéficier de l'exonération partielle dans l'hypothèse où l'acte constitutif de la société a été enregistré ou lorsque la formation de la société a fait l'objet d'une déclaration conformément aux dispositions de l'article 638 A du CGI (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-30 n° 10).

Grâce à la possibilité offerte par la loi de finances pour 2019 de souscrire seul un engagement de conservation, l'administration indique désormais dans sa doctrine que les sociétés unipersonnelles peuvent bénéficier des dispositions de l'article 787 B du CGI (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-30 n° 85).

Les sociétés unipersonnelles entrent donc dans le champ d'application de l'article 787 B du CGI, et non dans celui de l'article 787 C du CGI (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-40 n° 10).

Activités éligibles

Nature des activités

3 Pour apprécier l'éligibilité de l'activité exercée par la société dont les titres ont vocation à être transmis, l'administration fiscale invite à se reporter à sa doctrine relative à l'impôt sur la fortune immobilière, renvoyant au BOI-PAT-IFI-20-20-20-30 (ENR-XIII-3880 s.). Ce renvoi se substitue à celui concernant l'impôt sur la fortune (BOI-PAT-ISF-30-30-10-10) dont les commentaires sont désormais abrogés en raison de la suppression de l'ISF.

L'administration fiscale indique ainsi que les activités commerciales s'entendent de celles mentionnées à l'article 966 du CGI. Sont donc considérées comme des activités commerciales les activités mentionnées aux articles 34 et 35 du CGI, à l'exclusion des activités de gestion par une société de son propre patrimoine immobilier (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 15). Outre la gestion par une société de son portefeuille de valeurs mobilières, une liste non exhaustive d'activités non éligibles est prévue : les activités de location de locaux nus et de locaux meublés à usage d'habitation, l'activité de loueur d'établissements commerciaux ou industriels munis du mobilier ou du matériel nécessaires à leur exploitation (l'activité dite de « location équipée ») et l'activité de promotion en restauration de son patrimoine immobilier.

On note que l'activité éligible exercée par la société est toujours visée au singulier par l'administration fiscale. On regrette que l'administration fiscale n'ait pas expressément envisagé le cas d'une société exerçant plusieurs activités éligibles. En effet, rien ne nous paraît pouvoir exclure cette hypothèse du champ d'application du régime Dutreil.

On note, par ailleurs, que l'activité de promotion immobilière semble désormais incluse dans les activités éligibles à l'exonération partielle, ce que confirme en creux l'exclusion des activités de promotion en restauration de son patrimoine immobilier, consistant à faire effectuer des travaux sur ses immeubles (cette exclusion étant justifiée par le fait qu'il s'agit d'une activité de gestion de son propre patrimoine).

Maintien des activités éligibles pendant les engagements de conservation

4 L'administration précise que la société doit conserver « son » activité éligible (et non plus « une » activité comme cela était prévu dans la version antérieure des commentaires administratifs) pendant toute la durée de l'engagement collectif ou unilatéral et de l'engagement individuel.

L'administration fiscale maintient ainsi l'exigence selon laquelle l'activité éligible doit être exercée pendant toute la durée des engagements de conservation (soit pendant les six années minimales), bien que cette condition ne soit pas prévue par l'article 787 B du CGI.

5 Elle admet désormais qu'un changement d'activité est possible pendant la durée des engagements de conservation, à condition que la nouvelle activité éligible soit exercée immédiatement ou concomitamment avec l'ancienne activité (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 17).

Si la succession d'activités éligibles est admise par la nouvelle doctrine administrative, elle n'accorde toutefois aucun laps de temps au redevable entre la fin de l'ancienne activité et le début de la nouvelle.

Prépondérance de l'activité éligible

Principe

6 L'administration fiscale reproduit un extrait de la décision du Conseil d'État du 23 janvier 2020 précisant que « le caractère prépondérant de l'activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale s'apprécie en considération d'un faisceau d'indices déterminés d'après la nature de l'activité et les conditions de son exercice » (CE 23-1-2020 n° 435562 : RJF 4/20 n° 405). Elle indique ensuite qu'à titre de règle pratique l'activité est prépondérante lorsque le chiffre d'affaires de cette activité représente au moins 50 % du montant de son chiffre d'affaires total et que la valeur vénale de l'actif brut immobilisé et circulant affecté à cette activité représente au moins 50 % de la valeur vénale de son actif brut total (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 20).

Ainsi, si les anciens critères cumulatifs de prépondérance (chiffre d'affaires procuré supérieur à 50 % du chiffre d'affaires total et montant de l'actif brut immobilisé supérieur à 50 % de l'actif brut total) ont été annulés par le Conseil d'État, saisi d'un recours pour excès de pouvoir, dans sa décision du 23 janvier 2020 citée par les nouveaux commentaires administratifs, l'administration fiscale prévoit que les contribuables pourront continuer, en pratique, à se servir de ces anciens critères pour vérifier la prépondérance de l'activité éligible, à ceci près qu'il conviendra de raisonner sur la valeur vénale des actifs, et non sur leur valeur comptable, ainsi qu'à tenir compte de l'actif circulant.

On note, par ailleurs, que l'administration fiscale ne se prononce pas sur la question des actifs non inscrits au bilan (par exemple, un fonds de commerce).

Cas de la société holding animatrice de groupe

7 Les titres des sociétés holdings animatrices de leur groupe peuvent bénéficier du régime Dutreil dès lors que le groupe exerce une activité éligible (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 55). L'administration renvoie à sa doctrine relative à l'IFI (BOI-PAT-IFI-30-40-10 n° 130 s.) s'agissant de la définition de la société holding animatrice.

8 Se fondant sur les arrêts du Conseil d'État (CE plén. 13-6-2018 n° 395495, 399121, 399122 et 399124 : RJF 10/18 n° 965, concl. Y. Bénard (C 965)) et de la Cour de cassation (Cass. com. 14-10-2020 n° 18-17.955 FS-PB : RJF 1/21 n° 92), l'administration indique que le caractère principal de l'activité d'animation d'une société holding est retenu notamment lorsque la valeur vénale des titres de ses filiales exerçant une activité éligible représente plus de la moitié de son actif total.

9 L'administration considère que la société holding doit remplir les conditions pour être qualifiée de société holding animatrice de groupe depuis la conclusion du pacte « Dutreil » (au jour de la transmission en présence d'un pacte réputé acquis) jusqu'au terme des engagements de conservation.

10 Par ces nouveaux commentaires, l'administration fiscale confirme qu'une condition de prépondérance de l'activité éligible est applicable aux sociétés holdings animatrices de groupe. Tirant les conséquences de la jurisprudence, et notamment de l'arrêt de la Cour de cassation du 14 octobre 2020, les critères d'appréciation de la prépondérance sont toutefois adaptés pour répondre aux spécificités de la holding animatrice.

On regrette que l'administration fiscale n'envisage pas l'hypothèse où une société exerce à la fois une activité d'animation et une activité opérationnelle. Dans ce cas, pour apprécier la condition de prépondérance, il conviendrait à notre avis de faire la somme de la valeur vénale des actifs affectés à toutes les activités éligibles (activité d'animation et activité opérationnelle) et de vérifier si ce résultat représente plus de la moitié de la valeur de l'ensemble des actifs de la société concernée.

Pactes Dutreil-transmission et ISF

11 L'administration fiscale précise qu'un pacte « Dutreil » conclu avant le 31 décembre 2017, en application de l'article 787 B du CGI, peut faire office d'engagement de conservation pour le régime d'exonération partielle d'ISF prévu à l'ancien article 885 B bis du même Code. Cela étant, l'engagement doit être poursuivi jusqu'à son terme (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 60).

Engagement collectif de conservation (ECC) et engagement unilatéral (EUC)

Définition de l'engagement unilatéral

12 Les nouveaux commentaires administratifs intègrent la possibilité, depuis le 1er janvier 2019, que le pacte « Dutreil » soit pris par une personne seule. Cet engagement de conservation est dénommé par l'administration « engagement unilatéral de conservation » (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 70).

Dans le cadre d'un EUC, toutes les conditions du régime de l'article 787 B du CGI sont requises et doivent être remplies par le souscripteur unique, telles que le respect des seuils minimaux ou l'exercice d'une fonction de direction (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 85). Ainsi, si aucun seuil minimal de détention par associé n'est exigé pour souscrire un ECC, lorsque l'engagement de conservation est souscrit par une personne seule, cette dernière doit respecter à elle seule les seuils minimaux légaux.

Assimilation de l'engagement unilatéral à l'engagement collectif

13 L'administration fiscale indique que l'EUC suit les mêmes règles que l'ECC (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 70).

S'agissant de la présentation des commentaires administratifs, on note que l'administration n'a pas pris le parti de traiter l'EUC et l'ECC de façon séparée mais a choisi au contraire de les traiter ensemble, en assimilant le régime de l'EUC à celui de l'ECC. Il en résulte des maladresses de rédaction. Par exemple, l'administration fiscale écrit que « l'engagement de conservation porte sur un ensemble de titres que le ou les associés ont entendu garder collectivement » (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 140). Or, si les associés s'engagent à conserver des titres « collectivement » dans le cadre d'un ECC, la conservation des titres ne peut pas être « collective » lorsque l'engagement de conservation a été pris par une personne seule par la souscription d'un EUC.

Signataire de l'engagement en présence de mineurs

14 Les commentaires sont actualisés pour tenir compte des modifications des dispositions relatives à l'administration légale des biens du mineur, opérées par l'ordonnance 2015-1288 du 15 octobre 2015. Ainsi, en cas d'administration légale exercée par les deux parents, chacun des parents peut souscrire seul l'engagement de conservation. Dans l'hypothèse où l'administration légale est réalisée par un parent seul, ce parent souscrit seul l'engagement au nom et pour le compte du mineur qu'il représente (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 110).

Signataire de l'engagement en présence d'une personne morale

15 L'administration indique que l'engagement de conservation peut être conclu par une personne morale. Elle ajoute que, lorsque la personne morale est une société interposée entre l'auteur de la transmission et la société opérationnelle faisant l'objet de l'engagement de conservation, ladite transmission ne peut bénéficier de l'exonération partielle de l'article 787 B du CGI qu'à la condition que l'auteur de la transmission ait également souscrit à l'engagement (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 87).

Ainsi, lorsqu'un engagement de conservation est conclu par une société interposée entre l'auteur de la transmission et la société dont les titres sont engagés dans le pacte Dutreil, l'administration impose que l'auteur de la transmission souscrive, lui aussi, à l'engagement de conservation signé par la société interposée, ce qui semble nouveau et non prévu par la loi.

En outre, ce commentaire administratif semble ajouter à la loi car il interdit à une société interposée de conclure un EUC (voir également nos remarques n° 63 s.).

Engagement de conservation réputé acquis

Application des modifications apportées par la loi de finances pour 2019

16 La question de l'entrée en vigueur de la réforme opérée par la loi de finances pour 2019, et notamment le changement des seuils minimums, pour les engagements réputés acquis est résolue. L'administration fiscale indique que, par mesure de tolérance, les nouveaux seuils prévus à l'article 787 B, b-1 du CGI s'appliquent aux engagements réputés acquis à compter du 1er janvier 2019 (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 230).

La rédaction utilisée par l'administration s'agissant de l'engagement réputé acquis reste à parfaire. Notamment, on regrette qu'il soit écrit que l'engagement peut être « pris » par une personne seule, dans la mesure où aucun engagement n'est « pris » dans le cadre d'un réputé acquis.

Prise en compte du partenaire de Pacs et du concubin notoire

17 L'administration fiscale adapte sa doctrine afin que les conditions de l'engagement réputé acquis soient appréciées non seulement au niveau de la personne physique, seule ou avec son conjoint, mais également avec son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou encore son concubin notoire.

Pour la définition du concubin notoire, un renvoi est fait à la doctrine administrative relative à l'IFI (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 230 et 240).

Engagement réputé acquis en présence de deux niveaux d'interposition

18 L'administration admet qu'un engagement peut être réputé acquis en présence de deux niveaux d'interposition entre l'auteur de la transmission et la société dont les titres font l'objet de l'engagement (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 230 et 255).

19 Elle précise qu'en cas de détention indirecte le délai de détention de deux ans vise tous les titres de la chaîne de participation entre l'auteur de la transmission et la société dont les titres font l'objet de l'engagement (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 240). Ainsi, toute la chaîne de participation doit être conservée.

Cela étant, si dans le délai de deux ans précédant la transmission, son auteur procède à une augmentation ou à une réduction de sa participation dans la société éligible à l'exonération partielle, l'administration précise que ces opérations sont sans incidence lorsque les conditions du régime restent réunies, et notamment lorsque les seuils minimaux restent maintenus de manière continue jusqu'à la transmission.

Dans cette hypothèse, l'administration fiscale précise que seule la transmission des titres remplissant les conditions pour bénéficier de l'engagement réputé acquis pourra bénéficier de l'exonération partielle (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 257), à l'exception par exemple des titres reçus dans le cadre d'une augmentation de capital réalisée dans les deux ans avant la transmission.

Les contraintes de conservation

Opérations en cours d'engagement collectif ou unilatéral de conservation

Cessions ou donations avant transmission

20 Le nouveau Bofip (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 15 à 40 et BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 150) reformule les conséquences des cessions en cours d'engagement collectif ou unilatéral de conservation avant la transmission Dutreil.

21 Une modification défavorable vient du fait que les nouveaux commentaires assimilent les donations « non soumises au dispositif Dutreil » à des cessions prohibées.

22 Pour comprendre les incidences de cette assimilation, il convient de rappeler au préalable les règles qui étaient prévues dans l'ancienne version du Bofip selon que le cessionnaire des titres engagés était un signataire du pacte ou un non signataire. Ces règles sont maintenues pour les cessions mais sont désormais étendues aux donations « non soumises au dispositif Dutreil » :

-  les cessions par un signataire à un autre signataire du pacte Dutreil sont possibles (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 15). Les titres cédés au signataire peuvent bénéficier par la suite d'une transmission sous le régime Dutreil (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 150) ;

-  en cas de cessions par un signataire à un non-signataire du pacte Dutreil, ce dernier ne pourra pas transmettre les titres reçus sous Dutreil. Ces cessions empêchent en outre le cédant de se prévaloir de l'exonération partielle Dutreil à raison des titres non cédés (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 20). Elles n'affectent pas en revanche les signataires autres que le cédant pour autant que les seuils minimums de droits financiers et de droits de vote prévus à l'article 787 B, b-1 du CGI continuent à être respectés jusqu'au terme de l'engagement collectif ou unilatéral de conservation (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 30 et 40).

23 Le nouveau Bofip traite les donations non soumises au dispositif Dutreil comme des cessions avec les conséquences résumées ci-dessus lorsqu'elles ont lieu avant la transmission Dutreil.

Or, il résulte de l'article 787 B, a du CGI que l'engagement collectif ou unilatéral de conservation est pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit. Dans ses commentaires antérieurs, l'administration a toujours considéré que le donataire ou l'héritier était un ayant cause à titre gratuit, que la transmission soit ou non soumise au régime Dutreil. Il était donc traité comme un signataire.

Il s'agit là d'un recul des commentaires administratifs par rapport aux commentaires antérieurs.

Dans ses anciens commentaires, au n° 150 du BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, l'administration visait « les signataires et leurs ayants cause à titre gratuit » qui pouvaient donc procéder à des cessions entre eux.

En supprimant les termes « et leurs ayants cause à titre gratuit » et en ne visant désormais que les signataires de l'engagement, on comprend (par recoupement avec d'autres commentaires examinés ci-après : voir n° 24), que l'administration semble considérer que l'ayant cause à titre gratuit, assimilé à un signataire, est nécessairement un donataire qui a reçu ses titres « sous le dispositif Dutreil » et non un donataire « hors Dutreil ».

Cette position nouvelle paraît contraire à la loi.

En pratique, une telle position conduirait à considérer que, en donnant des titres à son enfant non signataire du pacte Dutreil sans revendiquer l'exonération partielle Dutreil, le donateur ne pourrait plus par la suite lui donner sous le régime Dutreil en se fondant sur le pacte en cours lors de la première donation.

Cessions ou donations après transmission

Respect des engagements collectif ou unilatéral de conservation après la transmission

24 Les nouveaux commentaires formulent dorénavant le principe de conservation des engagements collectif ou unilatéral pendant la durée restante de ces engagements après la transmission comme suit : « À compter de la transmission à titre gratuit, les héritiers, donataires ou légataires qui souhaitent bénéficier de l'exonération partielle doivent poursuivre jusqu'à son terme l'engagement collectif ou unilatéral de conservation des titres pour lesquels ils souhaitent bénéficier de l'exonération » (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 320).

En utilisant les termes « les héritiers, donataires ou légataires qui souhaitent bénéficier de l'exonération partielle », l'administration paraît considérer qu'un héritier ou un donataire qui recueillerait des titres sans revendiquer le régime de faveur Dutreil en prenant un engagement individuel de conservation ne serait pas tenu par les engagements collectif ou unilatéral pris par le défunt ou le donateur.

25 Les commentaires administratifs antérieurs considéraient que les héritiers et donataires, qu'ils revendiquent ou non l'exonération partielle, étaient tenus par les engagements du défunt ou du donateur en leur qualité d'ayants cause à titre gratuit.

Ainsi les 3e et 4e alinéas du n° 320 ancien, supprimés par les nouveaux commentaires prévoyaient que :

« Pendant cette période, les héritiers, donataires ou légataires qui souhaitent bénéficier de l'exonération partielle ne peuvent effectuer de cession ou de donation au profit d'autres signataires de l'engagement collectif. En effet, la seconde condition relative à l'engagement individuel de conservation des titres transmis ne pourrait alors plus être respectée.

En revanche, pendant cette période, l'héritier, le donataire ou le légataire qui ne prend pas l'engagement individuel prévu au c de l'article 787 B du CGI pour tout ou partie des titres reçus, peut les céder ou en faire donation aux membres signataires de l'engagement collectif ainsi qu'aux autres héritiers, légataires ou donataires du défunt ou du donateur ».

Ce dernier paragraphe revenait à considérer que l'héritier, donataire ou légataire qui ne revendiquait pas le régime d'exonération partielle Dutreil en prenant un engagement individuel était malgré tout tenu de respecter l'engagement collectif de conservation. En effet, il n'était pas totalement libre puisqu'il ne pouvait céder ou donner qu'à d'autres signataires ou à d'autres bénéficiaires de la transmission.

26 On note que, paradoxalement, l'administration n'a pas modifié le dernier paragraphe du n° 360 du BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 dont il résulte que l'héritier, donataire ou légataire est tenu de l'engagement de conservation du défunt ou du donateur même sur les titres pour lesquels il n'a pas sollicité l'exonération partielle Dutreil : « Il est précisé qu'un héritier, donataire ou légataire dispose de la faculté de prendre un engagement individuel sur une partie seulement des titres transmis. Dans cette hypothèse, ce dernier a une totale liberté de transmission à titre onéreux ou à titre gratuit au terme de l'engagement collectif ou unilatéral de conservation, s'agissant de la partie des titres pour laquelle l'exonération partielle n'aura pas été sollicitée ».

Sanction en cas de cessions ou de donations par le bénéficiaire après la transmission sous Dutreil et pendant l'engagement collectif ou unilatéral de conservation

27 On sait que le principe de la conservation des titres par les bénéficiaires de la transmission a pour conséquence que les cessions ou les donations ne sont pas autorisées, qu'elles aient lieu au profit de signataires, d'autres bénéficiaires de la transmission sous Dutreil ou de non-signataires.

Depuis la loi de finances pour 2019, les sanctions de la violation de ce principe sont différentes selon que le cessionnaire ou le donataire est associé à l'engagement (cas où la loi a allégé la sanction en 2019) ou n'y est pas associé.

28 Lorsque le cessionnaire ou le donataire est associé à l'engagement de conservation, le nouveau Bofip précise désormais que « pour les cessions et les donations effectuées à compter du1er janvier 2019, l'article 787 B, e ter du CGI prévoit que la cession ou donation de tout ou partie des titres soumis à engagement collectif ou unilatéral de conservation à un autre associé, entendu, pour l'application de ce dispositif, comme un signataire de l'engagement ou un autre bénéficiaire de l'exonération, n'entraîne la remise en cause de l'exonération partielle dont a bénéficié le cédant ou le donateur qu'à hauteur des seuls titres cédés ou donnés, à l'exclusion donc des titres conservés » (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 50).

Cette sanction allégée est présentée par les nouveaux commentaires comme une règle d'exception à la règle de principe de remise en cause de l'exonération sur la totalité des titres transmis au bénéficiaire sous le régime de faveur Dutreil, en cas de non-respect de la condition de conservation par ce bénéficiaire.

Cette règle de principe a été reformulée comme suit : « La cession ou la donation de parts ou actions soumises à un engagement de conservation par l'un des héritiers, donataires ou légataires en cours d'engagement collectif ou unilatéral de conservation entraîne en principe la remise en cause de l'exonération partielle dont ont bénéficié, ou pourraient bénéficier, tous les titres du cédant ou du donateur, et non simplement ceux ayant fait l'objet de la cession ou de la donation. En effet, l'engagement collectif ou unilatéral est alors rompu ; au surplus, l'engagement individuel de conservation des titres transmis ne pourrait plus être respecté. » (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 50).

Le nouveau Bofip précise au n° 55 que « la cession ou donation précitée et visée à l'article 787 B, e ter CGI est sans conséquence sur la situation des autres associés ou bénéficiaires de l'exonération qui ne sont pas parties à cette transmission ».

29 On rappelle que la règle favorable, limitant la sanction encourue à raison d'une cession ou d'une donation postérieure à la transmission sous Dutreil par l'héritier, le donataire ou le légataire ayant bénéficié du régime Dutreil, a été introduite par la loi de finances pour 2019 au e ter de l'article 787 B du CGI. Le législateur a doublement limité son champ d'application en prévoyant que la cession ou la donation doit avoir lieu pendant l'engagement collectif ou unilatéral de conservation (soit pendant la durée résiduelle de l'engagement collectif ou unilatéral de conservation après la transmission) et qu'elle doit être réalisée au profit d'un autre « associé » de l'engagement mentionné au a de l'article 787 B du CGI.

On espérait qu'à l'occasion des nouveaux commentaires l'administration aurait étendu cette règle favorable au cas de cession ou de donation pendant l'engagement individuel pris par le bénéficiaire de la transmission. En effet, il paraît très sévère de remettre en cause la totalité d'une exonération en cas de cession partielle.

30 On note qu'à l'occasion de la formulation de cette règle d'exception l'administration précise que le terme « associé » utilisé à l'article 787 B, e ter du CGI est entendu, « pour l'application de ce dispositif », comme un signataire de l'engagement ou un autre bénéficiaire de l'exonération, suggérant qu'il s'agit d'une règle spécifique.

Ce faisant, elle ne fait pourtant qu'appliquer l'article 787 B, a du CGI auquel renvoie le e ter, qui précise que l'engagement est pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d'autres associés.

L'administration exprime ici à nouveau sa réticence à assimiler le bénéficiaire d'une transmission « sous le dispositif Dutreil », héritier, donataire ou légataire, à un signataire du pacte. Cette réticence est également exprimée au BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 320 (voir n° 24).

31 Il convient de relever, enfin, qu'à l'occasion de la reformulation de la règle de principe l'administration réalise plusieurs ajouts.

Elle précise que, postérieurement à une transmission sous Dutreil pendant l'engagement résiduel de conservation collectif ou unilatéral, une donation est une cause de rupture au même titre qu'une cession. Il s'agit d'une précision car la règle n'est pas nouvelle.

L'administration indique, par ailleurs, que le non-respect de l'obligation entraîne la remise en cause de l'exonération partielle dont « a bénéficié » le cédant ou le donateur hors Dutreil et elle ajoute dans ses nouveaux commentaires la formule « ou dont pourraient bénéficier » tous les titres du cédant ou du donateur.

Cet ajout complexifie la compréhension de la règle de principe de remise en cause de l'exonération partielle en cas de cession ou donation postérieure à une transmission sous Dutreil. L'administration viserait ici une seconde transmission sous Dutreil par le bénéficiaire d'une première transmission sous Dutreil. L'engagement collectif ou unilatéral ayant été rompu par la cession ou la donation hors Dutreil ne pourrait plus être utilisé pour une prochaine transmission sous Dutreil.

Il aurait été préférable d'exprimer cette autre idée plus clairement dans un paragraphe distinct.

Opérations en cours d'engagement individuel

32 Les nouveaux commentaires relatifs aux contraintes de conservation pendant l'engagement individuel modifient peu les commentaires antérieurs à l'exception de la question des apports des titres reçus sous le régime Dutreil suite aux modifications de la loi de finances pour 2019 (voir n° 44 s.). Il s'agit plus souvent de reformulation que de règles nouvelles (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 340 à 360 et BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 60).

33 Les principes essentiels relatifs à cette période sont les suivants :

-  à la différence de l'engagement collectif ou unilatéral de conservation conclu par le défunt ou le donateur, l'engagement des bénéficiaires de la transmission à titre gratuit de conserver les titres est individuel. En conséquence, le non-respect de cet engagement par l'un d'entre eux n'est pas de nature à remettre en cause l'exonération partielle dont ont bénéficié, le cas échéant, les autres héritiers, donataires ou légataires (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 340) ;

-  chacun des bénéficiaires s'engage à conserver directement et indirectement la participation dans la société éligible au dispositif Dutreil » reçue au jour de la transmission à titre gratuit et à raison de laquelle l'exonération partielle a été appliquée (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 350) ;

-  cette condition s'oppose à toute donation ou cession à titre onéreux des parts ou actions reçues y compris lorsque le bénéficiaire ou l'acquéreur serait membre de l'engagement collectif de conservation (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 350) ;

-  les sanctions du non-respect de l'engagement individuel de conservation sont prévues sans modification de fond au n° 60 du BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20. Ce paragraphe introduit désormais l'exception de l'apport des titres reçus sous le régime d'exonération partielle Dutreil à une société holding avec renvoi n° 80 à 88 (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20) (voir n° 44 s).

Opérations déjà autorisées dans les commentaires antérieurs

34 Pendant cette période d'engagement individuel, les commentaires Bofip antérieurs autorisaient déjà l'apport de titres à une société holding dont les conditions ont toutefois été profondément modifiées par la loi de finances pour 2019, ce qui donne lieu à une réécriture complète des commentaires sur ce point (voir n° 44 s.).

35 En outre, les opérations suivantes étaient autorisées sous conditions dans les anciens commentaires :

-  le partage d'indivision de titres reçus sous le régime d'exonération partielle (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 340) ;

-  les donations de titres au profit de leurs descendants par les bénéficiaires d'une transmission préalable sous le régime Dutreil (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 360 et BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 200) ;

-  la scission ou fusion au sens de l'article 817 A du CGI (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 160) ;

-  l'augmentation de capital (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 170) ;

-  l'annulation de titres pour cause de perte ou de liquidation judiciaire (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 175).

36 Il serait souhaitable que les opérations autorisées pendant l'engagement individuel puissent être autorisées après la transmission, pendant la durée résiduelle de l'engagement collectif ou unilatéral de conservation.

Ainsi, le partage d'indivision devrait être possible dès le décès qui a fait naître cette indivision. En effet, il est important de favoriser les opérations de partage de succession qui peuvent se retrouver bloquées du fait de cette contrainte dont on comprend mal la justification.

37 Concernant le partage d'indivision, le n° 340 du BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 indique que, « dans l'hypothèse d'une indivision, l'engagement individuel de conservation doit être pris par chacun des coïndivisaires en sa qualité d'associé. En présence d'un gérant de l'indivision en application de l'article 815-3 du Code civil, ce dernier aura la capacité de signer l'engagement pour le compte de tous les coïndivisaires, s'agissant d'un acte d'administration. Dans cette situation, le partage ultérieur des parts ou actions, avec ou sans soulte, n'emporte pas déchéance du régime prévu par l'article 787 B du CGI, mais entraîne seulement un report de l'engagement individuel de conservation sur le bénéficiaire effectif, c'est-à-dire l'indivisaire attributaire des titres de l'entreprise ».

Cette affirmation comme sa justification par la qualité d'associé de chaque indivisaire sont discutables.

La lettre de l'article 787 B du CGI n'interdit pas qu'un héritier prenne un engagement individuel sur sa fraction indivise sous condition qu'il la conserve jusqu'à son terme. Si un autre héritier indivis sur les mêmes titres ne revendique pas l'exonération partielle, cela ne devrait pas avoir d'incidence sur la situation du premier, sous réserve que les titres soient conservés jusqu'au terme de l'engagement individuel.

38 Notons, enfin, que les commentaires sur la fusion ont été reformulés et déplacés du n° 150 au n° 160 du BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, sans modification de fond.

Opérations nouvellement autorisées ou faisant l'objet de nouveaux commentaires favorables

39 Les opérations nouvellement autorisées par le nouveau Bofip ou pour lesquelles ces projets ont été modifiés de manière favorable sont, en dehors de l'opération légalement prévue de l'apport de titres à une société holding, les deux seules suivantes :

-  l'offre publique d'échange préalable à une fusion ou scission ;

-  le changement de régime matrimonial (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 210).

L'offre publique d'échange préalable à une fusion ou scission

40 Au n° 175 du BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20, l'administration précise que, « à compter du 1er janvier 2019, dans l'hypothèse d'une offre publique d'échange préalable à une fusion ou une scission au sens de l'article 817 A du CGI, l'exonération partielle appliquée antérieurement n'est pas remise en cause sous réserve que :

-  l'opération de fusion ou de scission soit opérée dans l'année qui suit la clôture de l'offre publique d'échange, appréciée de date à date ;

-  les signataires de l'engagement de conservation conservent les titres qu'ils ont ainsi reçus jusqu'aux termes respectifs de l'engagement collectif ou unilatéral et de l'engagement individuel de conservation.

Il est précisé que la non-remise en cause de l'exonération partielle concerne uniquement l'échange en contrepartie de titres et non de liquidités. En cas de mixité de l'offre publique d'échange, l'exonération est remise en cause en totalité ».

Notons que la sanction en cas de mixité de l'offre publique d'échange est sévère. Une remise en cause de l'exonération Dutreil à concurrence de la soulte serait plus adaptée.

Le changement de régime matrimonial

41 Les nouveaux commentaires autorisent, après la transmission sous le dispositif Dutreil, un changement de régime matrimonial transformant des biens propres en biens communs aux époux, que ce changement ait lieu pendant l'engagement individuel ou au cours de l'engagement collectif ou unilatéral de conservation restant à courir.

Le paragraphe n° 210 est désormais rédigé comme suit :

« Un changement de régime matrimonial intervenant après la transmission et qui aurait pour effet de rendre communs des titres de société qui étaient auparavant des biens propres du bénéficiaire de la transmission à titre gratuit n'entraîne rupture ni de l'engagement collectif ou unilatéral de conservation, ni de l'engagement individuel de conservation souscrit par l'époux apporteur des titres ayant bénéficié de l'exonération partielle prévue à l'article 787 B du CGI. Bien entendu, les titres ainsi placés en communauté devront être conservés par les conjoints jusqu'au terme des engagements collectif ou unilatéral et individuel initialement souscrits ».

42 Les commentaires administratifs étendent la tolérance administrative (Décision de rescrit 14-2-2012 n° 2012/5 ENR : ENR-X-42470) au changement de régime matrimonial transformant des biens propres en biens communs, qu'il ait lieu, après la transmission sous Dutreil, en période d'engagement individuel ou en période d'engagement collectif ou unilatéral de conservation. La nouvelle est bienvenue.

43 Il paraît acquis qu'un changement de régime matrimonial transformant des biens propres en bien communs du défunt ou du donateur avant la transmission au cours de l'engagement collectif ou unilatéral de conservation est également neutre au regard du régime Dutreil puisqu'en tout état de cause un conjoint commun en biens est réputé signataire du pacte Dutreil (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 100).

Apport de titres reçus sous le dispositif Dutreil à une société holding

44 Après avoir rappelé que l'apport, pendant un engagement de conservation, collectif unilatéral ou individuel, emporte en principe les mêmes conséquences qu'une cession (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 80), le nouveau Bofip commente les dispositions de la loi de finances pour 2019 modifiant les conditions sous lesquelles un apport de titres reçus sous le dispositif Dutreil à une société holding est possible (CGI art. 787 B, f) (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 81 à 88).

Les nouvelles règles sont applicables à compter du 1er janvier 2019, quelle que soit la date de souscription des engagements de conservation.

Seuil de 50 % de la valeur réelle de l'actif brut et restriction aux titres soumis à engagement

45 Le nouveau Bofip vise l'apport pur et simple ou avec soulte « à une société dont la valeur réelle de l'actif brut est, à l'issue de l'apport et jusqu'au terme des engagements de conservation mentionnés aux a et c de l'article 787 B du CGI, composée à plus de 50 % de participations dans la société qui sont soumises à ces mêmes engagements ».

Il précise que, pour apprécier ce seuil de 50 %, il y a lieu de prendre en compte la valeur vénale des seules parts ou actions de la société soumises à ces engagements, à l'exclusion des éventuels titres de cette société qui n'y sont pas soumis (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 81).

Les nouveaux commentaires paraissent ainsi exclure les parts ou actions de la société non soumises aux engagements de conservation. Or, beaucoup de contribuables bénéficiaires de la transmission Dutreil détiennent déjà des titres de la société concernée qu'ils souhaitent apporter à la société holding en même temps que les titres nouvellement transmis, afin de rassembler leur participation dans la société sous une même structure et permettre le contrôle de la société cible.

Le ratio de 50 %, tel que prévu par la loi, limite cette possibilité : une tolérance pour tenir compte de l'ensemble des titres d'une même société, soumis ou non à engagement de conservation, pour l'appréciation du seuil de 50 % serait bienvenue.

Seuil de 50 % et activité « mixte » de la holding

46 Avec la même approche restrictive du calcul du ratio de 50 %, le nouveau Bofip précise que la société holding peut avoir une activité mixte et qu'elle « peut donc détenir des actifs tels que des participations dans d'autres sociétés, contrôlées ou non, ou des liquidités » (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 84).

Les nouveaux commentaires ne permettent donc pas de faire entrer au numérateur de ce ratio de 50 % des participations dans des sociétés différentes toutes transmises sous Dutreil.

Or, cette possibilité existait avant la loi de finances pour 2019, l'article 787 B du CGI autorisant l'apport de titres de sociétés d'un même groupe ayant une activité similaire ou connexe et complémentaire. La solution est donc défavorable dans les groupes.

Une telle position aura pour conséquence que les bénéficiaires de transmission sous Dutreil portant sur plusieurs sociétés d'un même groupe devront réaliser leurs apports à plusieurs sociétés holdings distinctes, ce qui ne se justifie pas au plan économique.

Condition de détention de 75 % et condition de direction

47 L'article 787 B, f-1° du CGI prévoit que la société holding doit être détenue à hauteur des trois quarts au moins de son capital et de ses droits de vote par les personnes qui sont soumises aux engagements collectif ou unilatéral et individuel de conservation.

Le nouveau Bofip en tire les conséquences suivantes :

-  au cours de l'engagement collectif ou unilatéral de conservation prévu au a de l'article 787 B du CGI, il est tenu compte, pour l'appréciation du seuil de 75 %, des titres détenus dans la société bénéficiaire de l'apport par l'ensemble des personnes soumises à cette obligation de conservation, qu'elles soient signataires ou héritiers, donataires ou légataires bénéficiaires de l'exonération ;

-  au cours de l'engagement individuel de conservation prévu au c de l'article 787 B du CGI, il est tenu compte, pour l'appréciation du seuil de 75 %, des titres détenus dans la société bénéficiaire de l'apport par les seules personnes soumises à cet engagement individuel de conservation. Par conséquent, les titres détenus par les donateurs initiaux ou par les signataires de l'engagement collectif ou unilatéral de conservation ne sont pas pris en compte dès lors que ceux-ci ne sont plus tenus de les conserver (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 86).

Comme l'engagement individuel suit l'engagement collectif ou unilatéral de conservation, il n'est pas cohérent de prévoir une détention du capital différente selon la nature des engagements.

En pratique, cela revient à exiger que les titres de la société holding soient détenus à plus de 75 % par les bénéficiaires de la transmission dès l'apport.

On s'explique mal pourquoi on ne prendrait pas toujours en compte les signataires de l'engagement collectif, non bénéficiaires de la transmission exonérée. Ils seraient (dans l'hypothèse où leur participation dans la holding serait supérieure à 25 % du capital) contraints d'en sortir dès la fin de l'engagement collectif, ce qui ne semble pas découler de la loi de finances pour 2019.

48 En revanche, l'administration semble continuer à autoriser l'usufruitier à détenir l'usufruit des titres de la holding en cas de donation en nue-propriété avec réserve d'usufruit puis d'apport des titres donnés avec report du démembrement : « Il est admis que ce dispositif puisse s'appliquer en présence de donation avec réserve d'usufruit à condition que les droits de vote du donateur demeurent limités aux seules décisions concernant l'affectation des bénéfices. » (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 83).

49 Le nouveau Bofip prévoit à titre de « remarque » que, en cas d'apport à une même société de titres issus de plusieurs engagements collectifs ou unilatéraux de conservation, le seuil minimal de 75 % s'apprécie engagement par engagement, que les titres transmis proviennent d'une même société sur laquelle plusieurs engagements ont été conclus ou de plusieurs sociétés différentes (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 86).

Il serait utile que l'administration illustre sa remarque, car on peine à comprendre les situations envisagées. On se demande comment cette condition s'articule avec la possibilité envisagée par les commentaires d'un apport à une même holding dans le cadre de l'article 787 B, f du CGI de titres de plusieurs sociétés différentes.

50 Le nouveau Bofip prévoit que la direction de la société holding doit être assurée :

-  au cours de l'engagement collectif ou unilatéral de conservation, par l'un des signataires de l'engagement ou l'un des héritiers, donataires ou légataires bénéficiaires de l'exonération ;

-  au cours de l'engagement individuel de conservation, par l'un des bénéficiaires de l'exonération (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 87).

L'administration prévoit donc des règles différentes en ce qui concerne la personne pouvant assurer la fonction de direction alors que l'engagement individuel suit l'engagement collectif ou unilatéral de conservation et qu'il n'y a pas de justification pour modifier la personne dirigeante de la société holding en fonction de la nature de l'engagement.

En pratique, la direction de la holding devra être exercée par l'un des bénéficiaires de la transmission.

Précisons que, pour autant, le donateur doit pouvoir continuer à exercer des fonctions aux côtés du donataire.

51 Concernant la durée de la fonction de direction, le nouveau Bofip met fin à une imprécision de la loi de finances pour 2019.

Il précise que l'apport réalisé dans les conditions du f de l'article 787 B du CGI n'a pas par lui-même pour effet de prolonger la durée exigée pour l'exercice de la fonction de direction dans la société objet du pacte Dutreil, prévue au d du même article, qui continue à devoir être remplie dans les conditions habituelles (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 87).

Cette clarification est très appréciable, la loi ayant été imprécise sur ce point. Rappelons qu'à compter de la transmission la durée de la fonction de direction est en principe de trois ans.

Apport des titres d'une société interposée

52 Le nouveau Bofip intègre la possibilité introduite par la loi de finances pour 2019 que l'apport puisse porter sur des titres d'une société possédant directement une participation dans la société dont les titres sont soumis aux obligations de conservation (cas de la détention indirecte de la société cible limitée à un seul degré d'interposition).

Il ne vise que l'« apport à une même société holding de participations directes et indirectes dans une même société, soumises à un même engagement de conservation » (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 88).

On peut regretter que les commentaires administratifs ne prennent pas en compte les participations non soumises à engagement ou encore les participations dans les sociétés du même groupe. Ainsi que nous l'avons observé concernant le paragraphe n° 81 du BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 (voir n° 45 et 46), ces participations viendraient renforcer le contrôle sur la société cible, ce qui est conforme aux objectifs du régime Dutreil.

Exercice de la fonction de direction

Personnes pouvant remplir la fonction de direction

53 L'administration considère que (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 390 et 395) :

-  pendant la période courant de la signature du pacte Dutreil au jour de la transmission, la fonction de direction doit être exercée par un signataire du pacte Dutreil ;

-  pendant la période postérieure à la transmission, elle peut être exercée soit par un bénéficiaire de la transmission, soit par un associé signataire du pacte Dutreil mais à condition qu'il continue de détenir des titres soumis à engagement de conservation.

54 On rappelle que l'article 787 B, d du CGI impose que l'un des associés signataires de l'engagement collectif ou l'un des bénéficiaires de la transmission exerce effectivement dans la société éligible une fonction de direction, pendant la durée de l'engagement collectif et pendant les trois années qui suivent la date de la transmission.

Pour la période allant de la signature du pacte Dutreil à la transmission, la loi semble donc autoriser un bénéficiaire de la transmission à exercer la fonction de direction. En effet, l'avantage fiscal est revendiqué quand la transmission a lieu ; on peut déterminer à ce stade les bénéficiaires de la transmission et savoir si l'un d'eux a bien rempli l'obligation de direction prévue par la loi depuis la signature du pacte Dutreil, sans qu'il soit nécessaire que le bénéficiaire concerné ait signé le pacte. La position de l'administration, qui figurait déjà dans l'ancienne version du Bofip, semble donc trop restrictive et ajouter à la loi.

Pour la période postérieure à la transmission, la condition nouvelle imposée par l'administration selon laquelle le dirigeant signataire du pacte Dutreil devrait conserver des titres engagés dans le pacte pendant les trois ans qui suivent la transmission nous paraît contraire à la loi. Cette condition empêcherait le dirigeant de transmettre tous les titres engagés dans le pacte Dutreil. En outre, pour respecter le délai de trois ans, elle obligerait tous les signataires du pacte, dont le dirigeant, à prolonger sa durée au-delà du délai minimal de deux ans prévu par la loi.

55 Le nouveau Bofip indique que l'exonération partielle ne trouve pas à s'appliquer en cas d'engagement réputé acquis lorsque le donateur continue d'exercer son activité professionnelle principale ou la fonction de direction dans la société après la transmission et cite une réponse ministérielle Moreau du 7 mars 2017 (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 395).

Nous comprenons que cette précision ne veut pas dire que le donateur doit cesser sa fonction de direction à compter de la transmission ; le but nous semble uniquement consister à rappeler le contenu de la réponse ministérielle Moreau dans laquelle l'administration a considéré que, à compter de la transmission, la fonction de direction doit être exercée par un des donataires et non par le donateur, sans obliger cependant le donateur à démissionner (Rép. Moreau : AN 7-3-2017 n° 99759 : ENR-X-42488). La formule est toutefois malheureuse et gagnerait à être clarifiée.

En tout état de cause, là encore, la position de l'administration semble contraire à la loi. Si le pacte Dutreil est « réputé acquis », le donateur est « réputé signataire » d'un pacte Dutreil par une fiction légale et il devrait pouvoir remplir l'obligation de direction après la transmission.

56 Pour les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, la fonction de direction peut être remplie par une personne morale (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 290).

Changement de dirigeant

57 Comme dans ses commentaires antérieurs, l'administration précise qu'il n'est pas exigé que la direction de la société soit effectivement exercée pendant toute la durée du pacte Dutreil et autorise une vacance de trois mois en cas de changement de dirigeant (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 275).

Elle ajoute cependant que les nouveaux dirigeants doivent être parties au pacte Dutreil (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 275).

On regrette à nouveau que l'administration ne prévoie pas le cas de l'exercice de la fonction de direction par un bénéficiaire de la transmission pendant l'engagement collectif ou unilatéral. En imposant au nouveau dirigeant d'être partie au pacte Dutreil, elle semble omettre l'hypothèse où la fonction de direction est exercée par l'un des bénéficiaires de la transmission, non signataire du pacte Dutreil.

Dans l'attente de précisions complémentaires, il est donc recommandé de faire signer le pacte Dutreil par les futurs bénéficiaires de la transmission pouvant diriger la société éligible.

Fonctions de direction éligibles

58 L'administration fiscale ne liste plus les fonctions éligibles mais renvoie aux textes et commentaires administratifs sur l'IFI (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 280 et 290).

Elle précise que, pour les sociétés soumises l'impôt sur les sociétés, la fonction de direction n'a pas à être l'activité principale du dirigeant concerné (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 290).

Décès du dirigeant

59 L'administration précise que le décès de l'associé ou de l'héritier, donataire ou légataire dirigeant ne constitue un cas de force majeure que si aucune personne tenue par l'engagement collectif de conservation ou soumise à l'engagement individuel de conservation n'est en capacité d'exercer cette fonction, en raison de sa minorité ou de son incapacité (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 70).

En pratique, pour éviter une telle situation, il est conseillé de faire signer le pacte Dutreil par un ou deux dirigeant(s) potentiel(s) pour anticiper un éventuel décès du dirigeant actuel avant l'expiration de l'obligation de direction prévue à l'article 787 B, d du CGI.

Donations démembrées

Champ d'application

60 L'administration fiscale indique que « l'exonération partielle est susceptible de s'appliquer aux donations démembrées » (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 300).

Elle confirme donc que tous les types de démembrements sont concernés :

-  donation de nue-propriété avec réserve d'usufruit ;

-  donation d'usufruit ;

-  donation simultanée de l'usufruit et de la nue-propriété à des personnes différentes.

Cas particulier des donations avec réserve d'usufruit

61 L'application de l'exonération partielle aux donations consenties avec réserve d'usufruit est subordonnée à la condition que les droits de vote de l'usufruitier soient limités dans les statuts aux seules décisions concernant l'affectation des bénéfices (CGI art. 787 B, avant-dernier alinéa).

L'administration confirme que cette condition ne fait pas obstacle à ce que les statuts prévoient cette limitation pour une partie des titres de la société ainsi démembrés, si cette partie inclut l'ensemble des titres dont la nue-propriété est transmise sous le bénéfice de l'exonération partielle Dutreil (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 300).

Elle ajoute que, dans ce cas, la transmission doit porter sur les seuls titres démembrés pour lesquels les droits de vote de l'usufruitier sont statutairement limités aux décisions concernant l'affectation des bénéfices (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 300).

Nous comprenons que cette dernière précision signifie que, en cas de donation en nue-propriété avec réserve d'usufruit avec revendication de l'exonération Dutreil, cette transmission doit porter sur les seuls titres pour lesquels les droits de l'usufruitier sont statutairement limités. Au-delà, il faudra donner en nue-propriété avec réserve d'usufruit sans revendiquer l'exonération Dutreil ou modifier en amont les statuts pour étendre le nombre de titres concernés par la limitation des droits de vote de l'usufruitier. Cela n'empêche pas en revanche le donateur de réaliser en parallèle d'autres formes de transmission (pleine propriété, usufruit) en revendiquant l'exonération Dutreil.

Forme de la transmission (cas des dons manuels)

62 L'administration fiscale maintient la possibilité d'appliquer le régime de l'article 787 B du CGI aux transmissions réalisées par don manuel (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 310).

Mais on regrette qu'elle maintienne également sa restriction à l'égard des dons consentis avec réserve d'usufruit « qui doivent, en raison de leur nature, nécessairement faire l'objet d'un écrit » (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 310).

En effet, la possibilité de consentir un don manuel de la nue-propriété d'actions avec réserve d'usufruit sous le bénéfice de l'article 787 B du CGI a été validée par une réponse ministérielle Belot du 29 octobre 2013 (Rép. Belot : AN 29-10-2013 n° 11747 : ENR-X-42163). Cette réponse ministérielle devrait être reprise par l'administration fiscale dans ses commentaires.

Cas particulier des sociétés interposées

63 On rappellera que l'article 787 B du CGI autorise l'application de l'exonération Dutreil en présence d'une ou deux sociétés interposées entre le redevable et la société exerçant l'activité éligible.

Signataires du pacte Dutreil

64 L'administration estime que les personnes physiques associées de sociétés interposées ne peuvent transmettre leurs titres sous le bénéfice du régime Dutreil que si elles sont par ailleurs signataires du pacte Dutreil (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 375).

Cette condition ajoute à la loi, qui n'impose pas à un associé de société interposée de détenir des titres de la société exerçant l'activité éligible au régime Dutreil, et paraît contraire à une ancienne réponse ministérielle (Rép. Bobe : AN 24-10-2006 n° 94045 : ENR-X-42202). L'administration ne semble pas tirer toutes les conséquences de l'admission légale d'un ou deux niveaux d'interposition.

En outre, la position de l'administration interdirait à une société interposée associée et dirigeante de la société exerçant l'activité éligible de signer un pacte Dutreil unilatéral.

Engagement collectif « réputé acquis »

Comme il a déjà été indiqué (voir n° 18), l'administration fiscale confirme l'application du régime Dutreil en présence d'un ou deux niveaux d'interposition (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 230).

Portée de l'obligation de conservation pendant la phase d'engagement collectif/unilatéral

66 L'administration fiscale précise que chaque associé, personne morale ou personne physique, de la chaîne des participations, doit détenir au minimum les titres qu'il possédait au moment de la signature de l'engagement collectif ou unilatéral pendant toute la durée de ce dernier, afin que le taux de participation indirecte dans la « société cible » reste inchangé (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 130).

La référence au maintien d'un taux de participation indirecte ne figurait pas dans l'ancienne version du Bofip.

Elle entraîne un risque de rupture de l'obligation de conservation en cas de dilution de la participation des sociétés interposées ou des redevables, quand bien même le nombre de titres serait maintenu dans toute la chaîne de participation.

On peut se demander si cette référence est judicieuse, dès lors que l'administration rappelle que l'acquisition de titres supplémentaires par la société interposée n'est pas de nature à remettre en cause le bénéfice du régime de faveur (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 375 et BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 140) alors que cette opération a une incidence sur le taux de participation indirecte des associés de la société interposée dans la société exerçant l'activité éligible.

67 L'exigence de conservation inchangée s'applique en revanche aux seuls associés personnes physiques souhaitant bénéficier de l'exonération partielle (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 130).

Il est heureux que la solution énoncée dans la réponse ministérielle Lecerf du 18 mars 2010 soit enfin intégrée au Bofip (Rép. Lecerf : Sén. 18-3-2010 n° 8334 : ENR-X-42637 et Rép. Lecerf : Sén. 18-3-2010 n° 5735). On évite ainsi de créer une « solidarité de conservation » entre associés de sociétés interposées.

68 L'administration précise que :

-  les associés signataires de l'engagement collectif de conservation, personnes physiques, peuvent effectuer entre eux des cessions ou donations des titres des sociétés interposées détenant, directement ou indirectement, une participation dans la société dont les titres font l'objet du pacte Dutreil. Ils peuvent également admettre un nouvel associé dans l'engagement collectif à condition que cet engagement collectif soit reconduit pour une durée minimale de deux ans (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 375) ;

-  pendant les engagements collectif ou unilatéral et individuel de conservation, la cession de parts ou actions détenues par les personnes soumises à ces engagements dans une société qui possède directement (un niveau d'interposition) ou indirectement (deux niveaux d'interposition) une participation dans la société dont les titres font l'objet de ces engagements de conservation entraîne la remise en cause de l'exonération partielle appliquée. L'exonération partielle n'est pas remise en cause à l'égard des signataires autres que le cédant, à la condition de satisfaire aux dispositions de l'article 787 B, e bis du CGI (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 140) ;

-  en application de l'article 787 B, e ter du CGI, en cas de cession ou donation d'une partie des titres reçus à un autre associé de l'engagement mentionné au a, l'exonération partielle n'est remise en cause qu'à hauteur des seules parts cédées ou données (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 140) ;

-  en outre, il est rappelé qu'en application du dernier alinéa de l'article 787 B, f du CGI les titres de la société qui détient une participation dans la société dont les parts ou actions sont soumises à l'engagement de conservation peuvent, sous certaines conditions, être apportés à une société sans remise en cause de l'exonération partielle (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 140).

On comprend l'idée générale, qui vise à étendre aux sociétés interposées des dispositions applicables en cas de détention directe de la société exerçant l'activité éligible.

Mais, une fois encore, certaines formulations du Bofip ne tiennent pas compte du fait que le signataire du pacte Dutreil est une société interposée. La personne physique n'est en principe pas signataire du pacte ; elle est détentrice de titres de société interposée et non de titres de la société exerçant l'activité éligible.

69 L'administration admet, par ailleurs, que le bénéfice du dispositif n'est pas remis en cause dans l'hypothèse où une société signataire cède des titres à un autre associé signataire de l'engagement collectif de conservation avant toute transmission à titre gratuit (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 140).

Comme dans la version antérieure du Bofip, elle tire ici les conséquences du caractère collectif du pacte Dutreil et admet une cession de titres engagés par la société signataire du pacte à un autre signataire.

La nouveauté consiste à limiter dans le temps cette souplesse à la phase qui va de la signature du pacte Dutreil jusqu'à la transmission.

On comprend qu'à partir de la transmission la société interposée signataire ne peut plus céder les titres engagés dans le pacte, y compris à un autre signataire, pour que la société dont les titres sont transmis (par hypothèse une société interposée) puisse à terme respecter l'obligation de conservation nouvelle, introduite par la loi de finances pour 2019, courant pendant la phase d'engagement individuel (voir n° 70).

Portée de l'obligation de conservation pendant la phase d'engagement individuel

70 La loi de finances pour 2019 a introduit une nouvelle obligation de conservation : la société interposée dont les titres sont transmis doit conserver sa participation directe ou indirecte dans la société exerçant l'activité éligible pendant toute la durée de l'engagement individuel.

Le nouveau Bofip énonce qu'en application du dernier alinéa de l'article 787 B, c du CGI le bénéfice de l'exonération partielle est également subordonné à la condition que les participations soient conservées inchangées à chaque niveau d'interposition pendant toute la durée de l'engagement individuel de conservation. Ainsi, la société détenant, directement ou le cas échéant indirectement, une participation dans la société dont les titres font l'objet du pacte Dutreil doit conserver cette participation durant l'engagement individuel de conservation. Les personnes physiques bénéficiaires de l'exonération partielle doivent également conserver l'ensemble de leurs titres (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 377 et BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20 n° 130).

On note que l'exigence nouvelle qui semble imposée par l'administration fiscale du maintien d'un taux de participation indirecte (voir n° 66) ne concerne que la phase d'engagement collectif/unilatéral. Pendant la phase d'engagement individuel, l'obligation consiste à conserver des titres et non un taux de participation.

Obligations déclaratives

71 La loi de finances pour 2019 a modifié les obligations déclaratives. Le décret 2020-897 du 22 juillet 2020 a modifié les articles 294 bis et 294 ter de l'annexe II au CGI afin de tenir compte de ces modifications.

Entrée en vigueur

72 L'administration précise que les dispositions de l'article 40 de la loi 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 afférentes aux obligations déclaratives sont applicables à compter du 1er janvier 2019, quelle que soit la date de la réalisation de la transmission à titre gratuit des titres sous le bénéfice de l'article 787 B du CGI, y compris pour celles effectuées antérieurement à cette date (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-30 n° 1).

Ce faisant, l'administration fiscale précise donc que les bénéficiaires d'une transmission réalisée antérieurement au 1er janvier 2019 doivent respecter les nouvelles dispositions de l'article 294 ter de l'annexe II du CGI.

Contenu des obligations déclaratives

73 L'administration se contente de reprendre les dispositions des articles 294 bis et 294 ter de l'annexe II au CGI, sans apporter de précisions.

On peut regretter l'absence de commentaires de ces dispositions, qui sont ambiguës et soulèvent de nombreuses interrogations.

Sanction du non-respect des obligations déclaratives

74 Selon l'administration, le non-respect par le redevable de ces obligations est susceptible d'entraîner la reprise de l'exonération accordée. La mise en recouvrement des droits complémentaires n'intervient toutefois qu'après, notamment, information des motifs de la remise en cause suivie d'un délai de trente jours laissé au contribuable pour présenter ses observations (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-30 n° 1).

La remise en cause de l'exonération Dutreil pour le défaut de production dans les temps d'une attestation semble une sanction disproportionnée. On pense notamment à la nouvelle obligation d'envoi spontané d'une ou plusieurs attestations dans les trois mois suivant la fin de l'engagement individuel : si la transmission a eu lieu peu de temps après la signature du pacte Dutreil, il peut s'écouler un délai de six ans entre la transmission et cette dernière obligation déclarative.

La formulation nuancée de l'administration selon laquelle le non-respect des obligations déclaratives est « susceptible » d'entraîner une reprise de l'exonération et la possibilité pour le contribuable de fournir des observations laissent espérer la possibilité de pouvoir expliquer un oubli ou un retard de production d'une attestation, le cas échéant en adressant dans un délai raisonnable une attestation omise. Une clarification de la position de l'administration serait cependant préférable.


 

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