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Paquet ESAP

Un projet ambitieux au service de la transparence des marchés financiers

22/12/2022

Le 25 novembre 2021, la Commission européenne a présenté un ensemble de textes visant à stimuler les marchés européens de capitaux1. Outre la modification du règlement ELTIF, du règlement d’application de MIF et de la directive AIFM, ce « paquet » contient trois textes visant à mettre en place un point d’accès unique européen (european single access point – ESAP).

Ces trois textes pourraient, à moyen terme, révolutionner les manières de présenter et de commercialiser des produits d’investissement.

Le concept de point d’accès unique

Le point d’accès unique devrait être un portail permettant à tous d’accéder aux informations publiques concernant les entreprises financières et non financières et les produits d’investissement de l’Union européenne. Il s’agirait donc d’une avancée majeure en matière de transparence et d’accessibilité des données financières puisqu’elle permettrait d’accéder à l’ensemble de ces données auprès d’une seule source d’information.

En effet, les autorités européennes ont constaté que de nombreuses informations financières sont collectées au sein des Etats membres par les régulateurs, mais demeurent dispersées et peu accessibles au format numérique. La Commission a ainsi évalué les obligations de reporting applicables à plus de 200, concernant quelque 150 000 entités dans l’Union2.

Le projet vise donc à organiser la remontée systématique des informations collectées vers le portail européen, qui prendrait en charge leur agrégation et leur traitement. Le principe qui s’appliquerait serait celui du « dites-le nous une fois » ; la publication du paquet ESAP n’induirait ainsi aucune nouvelle obligation d’information pour les acteurs déjà soumis à ces obligations de communication.

L’ESMA serait chargée de mettre au point les infrastructures nécessaires pour collecter les données et l’interface de consultation, qui devrait comprendre des services de traduction automatique et des outils de recherche efficaces, ainsi qu’un service de notification. Les données seraient accessibles tant au travers d'un filtre spécifique que globalement. Les coûts liés au développement de la plate-forme seraient financés sur fonds publics européens.

Les retombées à attendre

Points positifs – Le regroupement des informations en un lieu unique devrait permettre aux entreprises – notamment aux PME – de bénéficier d’une visibilité accrue, et de mobiliser plus facilement des sources de financement. Il sera ainsi possible aux petites entreprises, qui sont exemptées de certaines obligations de reporting, de transmettre volontairement certaines informations à l’ESAP.

D’une manière plus globale, les informations relatives aux entreprises, et notamment à leur approche du point de vue des critères de durabilité, une fois regroupées et traitées, devraient rendre ces informations plus lisibles et pourraient, assez rapidement, permettre de faire évoluer les méthodes de notation ou de labellisation actuellement existantes. Il deviendrait également plus facile d’orienter les investissements vers des opérations ou des entreprises durables.

Si cet aspect est peu mis en avant par la Commission européenne, le projet prévoit la mise à disposition des données en nombre, en open data, à des fins de réutilisation. Cela se concrétise par la possibilité de télécharger, éventuellement sous licence, des fichiers JSON ou XML et de retraiter les données en nombre : cela ouvre des perspectives très intéressantes pour les entreprises d’investissement, ou celles qui souhaiteraient se lancer dans une activité d’évaluation des produits ou des entreprises, ainsi que pour les certificateurs, publics ou privés. Le fonctionnement et les chaînes de commercialisation des produits pourraient ainsi évoluer de manière importante grâce au point d’accès unique. L’accès à ces données devrait en principe être gratuit, sauf exception en cas de captation très récurrente ou en très gros volume.

Points négatifs – Pour que les données collectées puissent être exploitées, elles doivent être rendues comparables et être transmises dans un format adéquat. Cela nécessitera d’adapter ou de réexaminer les procédures et formats de reporting existants et provoquera inévitablement une augmentation temporaire de la charge administrative des entreprises, qui devront s’adapter aux nouveaux formats, et parfois modifier leurs procédures internes pour ce faire.

On peut par ailleurs regretter que le projet n’envisage pas l’intégration de séries historiques, ce qui permettrait de donner un panorama plus global et plus exact, lorsque toutefois les données afférentes sont d’ores et déjà disponibles dans un format adapté.

Enfin, des débats existent quant à l’opportunité d’intégrer certaines données dans le portail unique. On peut particulièrement citer les documents d’information clés, les déclarations de vente à découvert ou encore les sanctions3.

ESAP : avancement et calendrier

Formellement, le paquet ESAP est composé de trois textes : un règlement qui met en place le point d’accès unique4, ainsi qu’un règlement et une directive5 dont l’objet est de modifier les textes existants pour y intégrer ledit point d’accès unique. Ces trois textes devraient être votés en commission parlementaire le 31 janvier 2023, avant de probables négociations interinstitutionnelles.

La Commission européenne a indiqué vouloir avancer rapidement sur ce projet. C’est pourquoi, en parallèle de l’examen des trois textes, elle a commencé à travailler sur le volet technique du projet.

La version initiale des textes prévoit une mise en service de l’ESAP au plus tard le 31 décembre 2024 et une montée en charge progressive des transmissions de données entre 2024 et 2026. Les premières données disponibles, dès le lancement de la plate-forme, devraient être les informations ESG (fondées sur les règlements taxonomie et SFDR), les informations relevant de la directive Transparence et celles issues du règlement Prospectus.

Par la suite, devraient être intégrées certaines informations collectées :

  • dans le cadre de la règlementation sur les produits (AIFM, UCITS, PRIIPS, PEPP, ELTIF) ;
  • dans un cadre prudentiel (Solvabilité II, IFR/IFD, BRRD, CRR) ;
  • aux fins de réguler les rapports de commercialisation (MIF, IDD) ;
  • ou encore pour réguler certaines pratiques, comme au titre du règlement sur les abus de marché ou de celui sur les indices de référence.

Cette liste n’est pas exhaustive, mais elle montre, s’il en était besoin, le spectre extrêmement large de ce projet.

Dans son communiqué du 29 juin 2022 , le Conseil de l’Union européenne a fait savoir qu’il était très favorable à la mise en place du point d’accès unique, mais a préconisé une montée en charge moins ambitieuse – et peut-être plus réaliste – avec des transmissions échelonnées entre 2026 et 2030. La BCE s’est également prononcée en faveur d’une mise en œuvre plus tardive, afin de se donner le temps d’établir un cadre pour la qualité et la gouvernance des données. Ce point devra être tranché durant les négociations interinstitutionnelles.

Points clés :

  • Le point d’accès unique européen est une plateforme de mise à disposition de données, qui devrait être opérationnelle à partir de 2025.
  • Elle rendrait accessibles et lisibles des données, en détail ou en masse, concernant les entreprises financières et non financières et les instruments financiers.
  • Elle devrait améliorer la transparence du secteur, donner corps à la stratégie de l’Union pour une finance ouverte, et permettre à terme la création de nouveaux métiers qu’un accès facilité aux données rendra plus crédibles et/ou rentables (comparaison, notation, prédictibilité).

Article paru dans Option Finance le 12/12/2022

 


(1) Communiqué IP/21/6251 de la Commission : « Union des marchés des capitaux : la Commission propose de nouvelles mesures pour stimuler les marchés européens des capitaux ». 
(2) Fiche d'information : « Paquet CMU 2021 - Point d'accès unique européen » (novembre 2021).
(3) Voir sur ce point, par exemple, le document de position de l’AFEP du 29 avril 20222. 
(4) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un point d’accès unique européen (ESAP) fournissant un accès centralisé aux informations publiées utiles pour les services financiers, les marchés des capitaux et la durabilité – COM/2021/723 final.
(5) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant certains règlements eu égard à l’établissement et au fonctionnement du point d’accès unique européen – COM/2021/725 final et proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant certaines directives eu égard à l’établissement et au fonctionnement du point d’accès unique européen - COM/2021/724 final.
(6) Communiqué 639/22 : « Facilité d'accès des investisseurs aux informations sur les sociétés : le Conseil arrête sa position sur le point d'accès unique européen ».


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