En cas de liquidation d'un débiteur, le traitement d’un créancier varie significativement selon le rang de sa créance : un créancier bénéficiant d'une sûreté réelle sera mieux traité qu'un créancier chirographaire, qui sera lui-même payé avant les créanciers subordonnés.
Le créancier qui octroie un financement, qu’il soit prêteur bancaire ou obligataire, et qui a accepté d’être chirographaire en ne demandant aucune sûreté, souhaite donc généralement s’assurer que l'emprunteur ne consentira pas de sûretés sur une part significative de ses actifs au profit d’autres créanciers : il s’agit d’ éviter que ces derniers ne puissent être payés, sur la valeur desdits actifs, par priorité sur lui, ce qui aurait pour effet de subordonner une créance qui n’était pas stipulée comme telle. C’est l’objet des clauses pari passu et negative pledge, que l’on trouve dans la plupart des financements.
Clause pari passu
Le débiteur s'engage généralement dans le contrat de crédit ou dans le contrat d’émission d’obligations à traiter ses prêteurs de la même manière que tous ses autres créanciers de même rang, par le biais d'une déclaration d'égalité de rang, dite pari passu. Ainsi, dans le cas d’un emprunt obligataire de rang chirographaire (également appelé senior), il est souvent stipulé que les obligations émises constituent des engagements non subordonnés et non assortis de sûretés de l'émetteur venant au même rang entre eux et (sous réserve des dispositions impératives du droit français) au même rang que tous les autres engagements non subordonnés et non assortis de sûretés, présents ou futurs, de l'émetteur.
Cette clause présente surtout un intérêt si le droit du pays du débiteur édicte ou permet des règles discriminatoires entre les créanciers. En droit français, au-delà de l’affirmation du rang de la créance, la clause est essentiellement de style, puisque l'article 2285 du Code civil prévoit que les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers et que le prix s'en distribue entre eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence.
Clause de negative pledge
La clause pari passu est généralement complétée d'une clause de maintien de l'emprunt à son rang, dite de negative pledge, d’un intérêt contractuel plus important. En intégrant cet engagement, parfois qualifié de "sûreté négative", dans un contrat de financement, le créancier interdit par principe au débiteur de consentir des sûretés à d'autres créanciers, sauf à lui accorder les mêmes sûretés et le même rang. Pendant la vie du financement, avant de pouvoir octroyer une sûreté à un tiers, le débiteur devra donc obtenir l’autorisation du créancier, ce qui permet à ce dernier de veiller au maintien du rang de sa créance.
Le champ de la negative pledge, et donc la marge de manœuvre dont dispose l’emprunteur pour accorder des sûretés, peut être plus ou moins large, de sorte que la négociation de cette clause est un élément important dans la structuration du financement. En fonction de la qualité de crédit du débiteur et des particularités de l’opération, la clause peut ainsi interdire totalement l’octroi de sûretés ou intégrer de nombreuses exceptions.
Sur le marché obligataire international (Eurobond et EMTN), réservé à des émetteurs disposant d’une bonne qualité de crédit, la pratique de marché est de limiter le champ de la negative pledge aux emprunts obligataires : l’émetteur prend l’engagement de ne pas consentir de sûretés à d'autres créanciers obligataires, mais conserve la possibilité de le faire, notamment, au profit de ses créanciers bancaires.
Sur le marché obligataire high yield, sur le marché de l’Euro PP et sur le marché des prêts syndiqués, la negative pledge a le plus souvent un champ plus large, pour couvrir l’ensemble des dettes d’emprunts, obligataires comme bancaires, du débiteur, voire de ses filiales (étant rappelé que l'engagement pris par la mère ne lie pas les filiales). Lorsque le champ de la clause de maintien de l'emprunt à son rang est large, des exceptions sont prévues pour permettre au débiteur d’exercer son activité sans avoir à solliciter l’autorisation de ses créanciers dans des situations où l’octroi de telles sûretés n’affecterait pas significativement la qualité de crédit du débiteur. Les sûretés habituellement autorisées dans le contrat, par dérogation à l’interdiction de principe, incluent les sûretés consenties dans le cours normal des affaires (par exemple les clauses de réserve de propriété, les droits de rétention ou les clauses de compensation de soldes de comptes bancaires), les sûretés existantes à la date du contrat de crédit ou d'émission des obligations et les sûretés venant les remplacer, les sûretés consenties dans le cadre de dérivés conclus à des fins non spéculatives, les sûretés que le débiteur serait obligé de consentir aux termes d'une décision de justice ou à la demande d'une autorité judiciaire, voire les sûretés consenties sur des actifs en garantie du financement de l’acquisition desdits actifs. En plus de ces exceptions, une enveloppe de dette sécurisée peut également être autorisée, le débiteur conservant la liberté de consentir des sûretés sous réserve que le montant total cumulé garanti à tout moment par lesdites sûretés ne dépasse pas un montant plafond fixé dans le contrat de financement.
Article paru dans Option Finance le 06/12/2021
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