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Pérennisation des habitudes de travail post-covid

impacts fiscaux

11/05/2021

Tandis que la crise se prolonge, les mesures exceptionnelles d’organisation du travail mises en place pour les dirigeants et employés contraints de télétravailler ou interdits de déplacements se pérennisent. Par ailleurs, nombreux sont les dirigeants et salariés qui souhaitent désormais que leur employeur normalise ces nouvelles habitudes de travail.

Face à de telles demandes, les entreprises doivent en évaluer les multiples impacts, et notamment les potentielles conséquences fiscales. L’apparition d’un risque fiscal dépendra généralement des fonctions exercées par le dirigeant/salarié, du temps passé dans l’autre Etat, des règles fiscales de cet Etat et des dispositions des conventions fiscales applicables.

1°) Création d’un établissement stable

En France, c’est le lieu d’exploitation qui détermine l’imposition d’une entreprise. Lorsque la présence du salarié ou dirigeant en France traduit l’exercice habituel d’une activité de l’entreprise en France, les bénéfices rattachés à cette activité y sont imposables[1]. L’activité pourrait ne pas être considérée comme exercée de manière habituelle si la présence du salarié ou dirigeant résulte de circonstances exceptionnelles liées à la crise Covid. Mais si la situation se pérennise, l’argument a moins de poids. Il faut alors examiner si les dispositions d’une convention fiscale signée par la France pourraient faire obstacle à l’imposition.

En avril 2020, répondant à la demande de pays concernés par les impacts de la crise sur la fiscalité internationale, le Secrétariat de l’OCDE a publié des orientations fondées sur une analyse des commentaires de la convention Modèle OCDE[2]. S’appuyant sur le caractère exceptionnel et temporaire de la crise, le Secrétariat a conclu qu’il était peu probable que le critère de permanence nécessaire à la caractérisation d’un établissement stable (ES) emportant imposition de l’entreprise dans le pays d’où travaille son employé soit rempli. Cependant, lors d’une mise à jour en janvier dernier, le Secrétariat a précisé que son analyse ne s’appliquait qu’aux situations occasionnées par la pandémie et alors que des mesures de santé publique, imposées ou recommandées par les pouvoirs publics (notamment les restrictions aux déplacements), sont en vigueur.

Ainsi, si un employé continue de travailler à domicile après la fin de ces mesures de santé publique, la situation pourrait présenter un degré de permanence suffisant pour caractériser un ES sous la forme d’une installation fixe d’affaires. Toutefois, pour qu’il y ait création d’un ES, il faudrait également que le bureau à domicile puisse être considéré comme à la disposition de l’entreprise. Ce serait a priori le cas si l’entreprise imposait à la personne de travailler à domicile, par exemple en ne fournissant pas d’autre local au salarié alors que la nature même de l’emploi l’exigerait. Les mêmes critères s’appliquent lorsque l’employé travaille depuis les locaux d’une autre filiale du groupe ou de bureaux partagés.

Le risque de création d’un ES existe aussi lorsque l’employé conclut habituellement des contrats pour le compte de l’entreprise ou joue habituellement le rôle principal menant à la conclusion, routinière et sans modification importante, de contrats par l'entreprise. Une telle activité, exercée depuis l’étranger en raison de la crise Covid pourrait être considérée comme transitoire, et donc non habituelle. Cependant, plus la situation perdure, plus il est difficile de justifier du caractère transitoire, notamment si l’activité est in fine poursuivie après la levée des mesures de santé publique. Lors de l’appréciation du risque d’ES, il faut prendre en compte l’ampleur et la fréquence de l’activité du salarié, la nature des contrats et de l’activité de l’entreprise. Le Secrétariat de l’OCDE invite à ce titre les Etats à se référer notamment à la durée de 6 mois en pratique généralement retenue par les Etats pour constater l’existence ou non d’un ES.

2°) Modification de la résidence fiscale de la société

L’application des conventions fiscales est subordonnée à la condition de résidence de la société, laquelle repose notamment sur le lieu de son siège de direction effective, i.e. le lieu où sont prises les décisions stratégiques en matière de gestion et de politique industrielle ou commerciale et où se localisent, en fait, principalement ses organes de direction, d’administration et de contrôle[3].

La relocalisation de dirigeants d’entreprise dans un Etat autre que celui du siège social de leur société peut donc modifier la résidence fiscale de cette société pour l’application des conventions. Selon le Secrétariat de l’OCDE, les relocalisations dues à la crise ne devraient pas avoir d’impact dès lors que ce siège de direction effective devrait s’entendre comme habituel ou ordinaire. Une situation temporaire n’aurait donc pas à être prise en compte. Là encore, l’élément temporel est essentiel, et le temps joue donc contre les entreprises.

3°) Risque portant sur les rémunérations des salariés

Les entreprises devront être également attentives aux changements affectant la résidence fiscale de leurs salariés et l’imposition de leur rémunération. Les obligations sociales/fiscales de ces salariés ainsi que celles de leur employeur pourrait être modifiées. Les employés dont les régimes fiscaux sont conditionnés à un certain nombre de jours passés dans un Etat présentent un profil à risque.

Il s’agit notamment des salariés détachés ou affectés à l’étranger au sein des groupes internationaux. Les conventions fiscales établies sur le Modèle OCDE prévoient que leur rémunération est imposable dans l’Etat d’exercice de leur activité dès lors que le salarié y passe plus de 183 jours, que les rémunérations sont payées par un employeur qui est un résident de cet État, ou que la rémunération est supportée par un établissement stable que l’employeur a dans cet État[4]. Une retenue à la source est en pratique souvent prélevée dans l’Etat d’exercice par la filiale ou l’établissement stable de détachement et la double-imposition éliminée dans l’Etat de résidence de l’employé.

Une révision du décompte des jours passés dans chaque pays ainsi qu’un réexamen de la résidence du salarié peut s’avérer nécessaire. En effet, ces deux critères sont susceptibles de modifier le traitement fiscal applicable au salaire et de nécessiter la révision des procédures de paie mises en place. A noter à ce titre qu’en cas de télétravail, la rémunération est considérée comme trouvant sa source dans l’État où l’activité est matériellement exercée.

Toutes modifications pourraient potentiellement avoir également des conséquences en matière de protection sociale (les règles de sécurité sociale étant d’application territoriale) et d’immigration.

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Ces considérations fiscales devraient amener les entreprises, après une analyse approfondie, à adopter des mesures rapides afin d’éviter un risque fiscal. Il est important notamment d’adapter l’organisation juridique à ces nouvelles modalités de travail (mise en place ou révision des contrats de mise à disposition de personnel, des contrats de prestation de services), de mettre en place des procédures internes encadrant les fonctions de certains salariés (notamment les commerciaux), de réviser la politique de prix de transfert du groupe et, le cas échéant, de formaliser la création d’établissement stable.


[1] CGI, art. 209, I.

[2] Les Etats restant libres de leur propre analyse.

[3] BOI-INT-CVB-DZA-10- 12/09/2012, n° 170 ; Commentaires sur l’article 4 du Modèle de convention OCDE 2017, paragraphe 24.1.

[4] Art. 15 du modèle OCDE


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