L e 1er janvier 2021 marque la fin de la période de transition au cours de laquelle le droit de l’UE continuait de s’appliquer au Royaume-Uni. Pour favoriser une transition aussi souple que possible, des pans entiers de la réglementation européenne applicable aux marchés (dans leur version en vigueur avant le 31 décembre 2020) ont été « préservés » et importés, moyennant quelques ajustements nécessaires, dans le droit britannique interne (la retained EU law). Depuis le 1er janvier 2021, le Royaume-Uni applique sa propre version de la réglementation relative aux prospectus, à la transparence et aux abus de marché.
Quelles sont les principales conséquences pratiques pour les intervenants du marché de la dette obligataire en France ? La plus évidente et immédiate d’entre elles est la perte du passeport européen : bien que la réglementation prospectus reste (pour l’instant) très similaire outre-Manche, il n’est plus possible pour un émetteur d’offrir ses titres au public ou de les faire admettre sur un marché réglementé au Royaume-Uni avec un prospectus approuvé en France (à l’exception de ceux ayant fait l’objet d’un passeport avant le 31 décembre 2020 et bénéficiant d’une clause de « grand-père »). Inversement, l’approbation d’un prospectus au Royaume-Uni ne permet plus une offre au public ou une admission sur un marché réglementé en France. Sauf cas de dispense, les offres au public sur les territoires britanniques et français, de même que les doubles cotations sur leurs marchés réglementés, nécessitent désormais une double approbation par les régulateurs en France et au Royaume-Uni.
Pour les émetteurs disposant d’un programme EMTN ou ayant une offre au public en cours, se pose la question de la publication d’un supplément au prospectus de base ou prospectus préalablement approuvé. Il faut l’envisager au cas par cas. Des modifications de la documentation sont nécessaires pour refléter le fait que le droit de l’UE ne s’applique plus au Royaume-Uni (si cela n’avait pas été ou n’avait pu être anticipé pendant la période transitoire) et intégrer les nouvelles références au droit anglais applicable (si cela est pertinent). Ce sera généralement le cas pour les dispositions relatives aux restrictions de ventes au titre des règlements Prospectus et PRIIPS, à la gouvernance des produits au titre de MiFID 2, à la stabilisation au titre du règlement MAR, aux reventes sur le marché secondaire, à l’enregistrement des indices de référence et de leurs administrateurs au titre du règlement Benchmark et à l’enregistrement et la supervision des agences de notation au titre du règlement CRA. Pour toutes ces dispositions, l’ICMA a rédigé des propositions à destination des intervenants de marché. S’agissant des prospectus de base ou prospectus en cours, ces changements, essentiellement techniques, pourraient ne pas être jugés suffisamment significatifs pour nécessiter un supplément, sauf pour certains émetteurs, notamment ceux s’adressant à des investisseurs de détail ou offrant des titres référencés sur des indices dont l’administrateur n’est plus sur le registre de l’ESMA.
Un supplément pourrait également s’avérer nécessaire pour des émetteurs particulièrement exposés aux conséquences de la fin de la période de transition, afin d’intégrer un facteur de risques nouveau ou mis à jour. Les émetteurs bancaires français de dette de droit anglais devraient également insérer (s’ils ne l’avaient pas déjà fait pendant la période de transition) une clause de reconnaissance contractuelle des pouvoirs de renflouement interne et de suspension européens en cas de résolution au titre de BRRD (et inversement, pour les banques anglaises contractant sous droit français s’agissant de la reconnaissance de ces pouvoirs en droit anglais).
Autre conséquence à prévoir au titre de la directive Transparence : les émetteurs français ayant gardé le Royaume-Uni comme Etat membre d’origine pour le dépôt de leur information réglementée devront choisir et notifier un Etat membre de l’UE avant le 31 mars 2021. Enfin, une attention particulière devra également être portée aux critères d’éligibilité de la dette en tant que collatéral à des opérations de refinancement auprès de la BCE, notamment si cette dette reste cotée sur un marché réglementé britannique ou est émise en livres sterling ou si les émetteurs ou les garants sont localisés au Royaume-Uni.
Un aperçu rapide et non exhaustif des premiers effets de la fin de cette période transitoire permet déjà de se rendre compte de la difficulté de voir coexister deux régimes distincts. Et cela ne devrait pas aller dans le sens de la simplification : bien qu’étant pour l’heure encore sensiblement similaires, ces régimes devraient tendre inexorablement vers des divergences d’autant plus profondes que le Royaume-Uni a d’ores et déjà annoncé se départir de certains aspects de la réglementation européenne applicable aux marchés, notamment afin de maintenir la compétitivité des marchés financiers britanniques. n
Article paru dans Option Finance le 01/02/2021
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