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Private enforcement

action en réparation d’un dommage concurrentiel exercée contre une filiale

09/12/2021

Une filiale peut-elle être tenue pour responsable du dommage concurrentiel causé par une pratique anticoncurrentielle mise en œuvre par sa société mère ?

C’est à cette question inédite que la Cour de justice de l’Union européenne vient de répondre par l’affirmative (arrêt du 6 octobre 2021, aff. C-882-/19).

A l’origine de la saisine, une affaire classique de cartel. La société mère d’un constructeur automobile est condamnée par la Commission européenne pour s’être entendue avec d’autres fabricants européens de camions sur la fixation des prix de ces véhicules dans l’Espace économique européen. Après cette condamnation, une entreprise qui avait acquis quelques années plus tôt deux camions auprès de la filiale espagnole du groupe engage une action en dommages-intérêts contre cette filiale pour obtenir réparation du préjudice subi en raison de l’entente (surcoût payé). Le juge s’interroge alors sur la recevabilité de cette action dans la mesure où la filiale n’était pas visée par la décision de condamnation.

L’existence d’une unité économique

La CJUE reconnaît à la victime la possibilité d’agir contre la filiale, lorsque mère et fille constituent une même unité économique et que les droits de la défense de la filiale sont respectés.

Elle se fonde sur la notion d’entreprise. Toute personne est en droit de demander aux « entreprises » ayant participé à une pratique interdite au titre de l’article 101 TFUE (ententes ou abus de domination) la réparation du préjudice qui en découle. Dans la mesure où les actions en dommages et intérêts font partie intégrante du système de mise en œuvre des règles de concurrence de l’Union, au même titre que les actions des autorités publiques - qui permettent de condamner solidairement une société mère pour des pratiques mises en œuvre par sa filiale -, la notion d’« entreprise » au sens de l’article 101 TFUE ne saurait avoir une portée différente selon que l’on est en présence de « public enforcement » ou de « private enforcement ».

Or, la notion d’entreprise vise toute entité exerçant une activité économique, indépendamment de son statut juridique et de son mode de financement : elle désigne une unité économique, même si, du point de vue juridique, cette dernière est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales.

En conséquence, lorsqu’une société appartenant à une telle unité économique viole l’article 101 §1 TFUE, il en résulte une responsabilité solidaire entre les entités qui composent cette unité économique au moment de la commission de l’infraction, peu important que soit poursuivie une société contrôlante ou une société contrôlée. A cet égard, la CJUE exclut qu’une réglementation nationale puisse réserver la possibilité d’imputer la responsabilité du comportement d’une société à une autre société uniquement dans le cas où la seconde contrôle la première.

Une démonstration incombant à la victime

C’est à la victime de démontrer l’existence d’une entreprise entre les deux entités. La CJUE insiste sur le fait que la notion d’« entreprise » étant une notion fonctionnelle,  l’unité économique qui la constitue doit être identifiée du point de vue de l’objet de l’accord en cause.

La démonstration d’une unité économique au moment de la commission de l’infraction doit en conséquence s’appuyer à la fois sur :

  • les liens organisationnels et juridiques unissant la mère et la fille,
  • et sur l’existence d’un lien concret entre l’activité économique de la filiale et l’objet de l’infraction.

Cette approche fonctionnelle conduit à exclure de la notion d’entreprise les conglomérats, dont la caractéristique est l’agrégation d’activités économiques différentes.

Le nécessaire respect des droits de la défense

Si la victime peut agir en indemnisation contre la filiale, c’est à la condition que, de son côté, la filiale puisse exercer devant le juge national ses droits de la défense.   

La filiale doit ainsi pouvoir contester son appartenance à la même entreprise que sa société mère.

En revanche, elle ne pourra contester l’existence du comportement infractionnel de sa mère que si celui-ci n’a pas été constaté par la Commission (action en « stand alone »). En effet, dans le cas contraire (action en « follow on »), aucune contestation n’est possible, le juge national n’étant pas autorisé à prendre de décisions qui iraient à l’encontre de la décision de la Commission.

La CJUE précise que la responsabilité de la filiale pour les préjudices causés par sa société mère n’est pas exclue du simple fait que la Commission n’a adopté aucune décision ou que la décision par laquelle elle a constaté l’infraction n’a pas infligé à cette filiale une sanction administrative.

C’est donc une approche favorable à l’indemnisation des victimes que retient la CJUE : les actions en réparation devraient se trouver facilitées lorsque les sociétés mères sont situées dans un autre Etat que celui des victimes. Un paramètre à ne pas oublier dans les opérations d’acquisition.

Article paru dans Option Finance le 29/11/2021


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