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Proportion femmes et hommes dans les collèges électoraux

A défaut d’accord, la détermination incombe à l’employeur

08/11/2021

Par arrêt du 29 septembre 2021, la Cour de cassation rappelle que lorsque la question de la proportion de femmes et d’hommes au sein de chaque collège électoral n’est pas réglée au sein du protocole d’accord préélectoral, seul l’employeur peut déterminer cette proportion. Il en va ainsi y compris en cas de saisine de la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) dans le cadre d’un contentieux préélectoral, laquelle n’est pas compétente pour décider de cette proportion.

Les faits :

En l’espèce, une unité économique et sociale (UES) composée de trois sociétés avait saisi la Direccte afin qu’elle procède à la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et à la répartition du personnel dans les collèges électoraux pour l’élection de son comité social et économique (CSE). En effet, en l’absence de consensus entre l'employeur et les organisations syndicales sur ces points aux termes du protocole d’accord préélectoral, la Dreets doit être saisie dès lors qu'au moins une organisation syndicale a répondu à l'invitation de l'employeur pour la négociation du protocole d’accord préélectoral (article L. 2314-13 du Code du travail).

Au cas particulier, la  Dreets (la Direccte à l’époque des faits) avait alors procédé à la répartition des effectifs et des sièges entre les collèges électoraux. Pour autant, elle n’avait pas tranché le sujet de la fixation de la proportion de femmes et d’hommes composant chaque collège électoral. Dans le silence des textes, il pouvait de prime abord sembler logique que l’administration statue sur cette question, découlant directement de celle de la répartition du personnel dans les collèges électoraux pour laquelle l’administration du travail est compétente.

Considérant que la décision de l’autorité administrative était dès lors incomplète, un syndicat a saisi le Tribunal judiciaire compétent d’une demande d’annulation de la décision administrative. Pour mémoire, l’autorité administrative dispose d’un délai de deux mois pour rendre sa décision à compter de la réception de la contestation. Sa décision peut faire l’objet d'un recours devant le Tribunal judiciaire dans un délai de quinze jours suivant sa notification (article R. 2314-3 du Code du travail).

Ses demandes ayant été rejetées, le syndicat a formé un pourvoi en cassation.

La position de la Cour de cassation : à défaut de précisions dans le PAP, l’employeur est seul compétent pour fixer la proportion de femmes et d’hommes dans les collèges électoraux, même en cas de saisine de l’autorité administrative

Dans sa décision du 29 septembre dernier, la Cour de cassation n’a pas suivi le raisonnement du syndicat et a confirmé la décision des juges du fond ayant rejeté la demande en annulation de la décision administrative.

Afin de statuer sur la problématique relative à la répartition des compétences entre l’administration et l’employeur en matière préélectorale, la Haute Cour rappelle qu’en application de l’article L. 2314-13 du Code du travail, la proportion de femmes et d’hommes composant chaque collège électoral doit, tout comme la répartition du personnel par catégorie et des sièges par collège, être mentionnée au sein du protocole d’accord préélectoral. Puis elle rappelle les dispositions de l’article L. 2314-31 du Code du travail énonçant que, dès qu'un accord ou une décision de l'autorité administrative ou de l'employeur sur la répartition du personnel est intervenu, l'employeur porte à la connaissance des salariés, par tout moyen permettant de donner une date certaine à cette information, la proportion de femmes et d'hommes composant chaque collège électoral.

La Cour de cassation en déduit qu’à défaut de précisions au sein du protocole d’accord préélectoral, il revient nécessairement à l’employeur de fixer cette proportion, en fonction de la composition du corps électoral existant au moment de l’établissement de la liste électorale, « sous le contrôle des organisations syndicales ». Elle rejette donc le moyen au pourvoi du syndicat reprochant à l’autorité administrative de ne pas s’être prononcée sur la part de femmes et d’hommes dans chaque collège électoral. La décision du tribunal judiciaire est uniquement cassée – sans renvoi – en ce qu’elle a condamné le syndicat à verser à l’UES des dommages-intérêts pour procédure abusive de nature à ralentir le processus de mise en place du CSE.

Force est de constater que le raisonnement de la Cour s’appuie sur la lettre de l’article L.2314-31 du Code du travail, qui met à la charge de l’employeur, en tout état de cause, même dans l’hypothèse où une décision de l'autorité administrative sur la répartition du personnel et des sièges est intervenue, la responsabilité d’informer les salariés de la proportion de femmes et d’hommes par collège. Une lecture stricte de l’article L. 2314-13 du Code du travail conduit au même raisonnement : l’autorité administrative n’est saisie pour trancher le contentieux préélectoral que lorsque « l'accord mentionné au premier alinéa du présent article ne peut être obtenu ». Or, le premier alinéa est afférent à la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux. Le deuxième alinéa, afférent à la proportion de femmes et d’hommes dans chaque collège, n’est pas visé. Cette lecture n’est au demeurant contredite par aucun texte règlementaire. Aucune disposition ne prévoit donc formellement la compétence de l’autorité administrative.

Rappelons par ailleurs que la Cour a très récemment jugé, au visa des articles L.2314-13 et L.2314-31 du Code du travail, que la proportion de femmes et d'hommes composant chaque collège électoral doit figurer dans le protocole d’accord préélectoral en fonction des effectifs connus lors de la négociation du protocole. A défaut, elle est fixée par l'employeur en fonction de la composition du corps électoral existant au moment de l'établissement de la liste électorale, sous le contrôle des organisations syndicales (Cass. soc., 12 mai 2021, nº 20-60.118). La décision du 29 septembre vient confirmer cette solution et préciser que cette compétence est bien réservée à l’employeur.

Une fixation unilatérale de la proportion de femmes et d’hommes dans les collèges électoraux « sous le contrôle des organisations syndicales »

Si l’arrêt de la Cour a le mérite de statuer clairement sur la compétence de l’employeur, il interroge toutefois sur les modalités concrètes de la fixation unilatérale retenue, laquelle doit s’effectuer, selon la formulation qui figurait déjà dans l’arrêt du 12 mai 2021 précité : « sous le contrôle des organisations syndicales ». Indépendamment de la question de l’organisation pratique du contrôle des « organisations syndicales », il semble pouvoir être retenu que celles-ci doivent s’entendre des organisations syndicales devant être invitées à négocier le protocole d’accord préélectoral au sens des alinéas 1 et 2 de l’article L. 2314-5 du Code du travail et habilitées à établir des listes de candidats au premier tour de scrutin conformément aux dispositions de l’article L. 2314-29 du Code du travail.

Enfin, toute contestation en justice de la répartition décidée par l’employeur, au moment de l’établissement de la liste électorale, devrait à notre sens être nécessairement formée devant le Tribunal judicaire dans le délai de 3 jours suivant la publication de la liste électorale conformément au 2ème alinéa de l’article R. 2314-24 du Code du travail. Restera ensuite à déterminer si les organisations syndicales sous le contrôle desquelles la proportion des femmes et d’hommes dans chaque collège a été fixée, seront en mesure de justifier d’un intérêt à agir.  En tout état de cause, à défaut de contestation, la proportion de femmes et d’hommes fixée par l’employeur s’imposera aux organisations syndicales pour l’établissement de leurs listes de candidats.


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