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Quel sort fiscal pour les constructions et aménagements immobiliers financés par l’entreprise locataire ?

06/10/2022

Il est fréquent que pour les besoins spécifiques de leur activité industrielle ou commerciale, les entreprises soient amenées à apporter des modifications ou ajouts de nature immobilière à leurs locaux professionnels alors même qu’elles n’en sont pas propriétaires. Ces situations peuvent donner lieu à un encadrement juridique dès la prise à bail (notamment en concluant un bail spécifique) ou faire l’objet d’avenants. Au plan fiscal, le choix de l’outil juridique n’est pas sans conséquence puisque le régime peut substantiellement différer notamment pour ce qui concerne l’impôt sur le revenu ou sur les sociétés. Mais d’autres points tenant à la fiscalité indirecte ou locale sont également à relever.

1. Le régime fiscal de droit commun applicable en matière d’IR ou d’IS aux constructions sur sol d’autrui

En vertu de la présomption (simple) établie par l’article 553 du Code civil, les constructions élevées sur le sol d’autrui sont réputées faites par le propriétaire. En cours de bail, lorsqu’une entreprise locataire édifie des constructions ou procède à des aménagements sur des locaux dont elle n’est pas propriétaire, la question se pose au plan fiscal de savoir si les dépenses ainsi engagées sont immédiatement déductibles ou sont au contraire génératrices d’un élément d’actif amortissable. Normalement, seul un bien possédé par l’entreprise peut être inscrit à son actif et amorti par elle.

Toutefois en matière de BIC, les travaux effectués sur des immeubles appartenant à autrui qui, par leur importance, excèdent les simples frais d’entretien et de réparation, sont générateurs d’éléments d’actif amortissables pour l’entreprise qui les réalise. L’article 39 D du Code général des impôts (CGI) prévoit d’ailleurs à ce titre, sans restriction aucune, l’amortissement des constructions et aménagements sur sol d’autrui, laquelle dépréciation doit être répartie sur leur durée normale d’utilisation, indépendamment d’ailleurs de la durée du bail. En fin de bail, le bailleur, propriétaire du sol, devient, sauf convention contraire, propriétaire des constructions et des aménagements effectués par l’entreprise locataire.

Pour l’entreprise locataire, le retour gratuit s’analyse en une perte équivalente à la valeur résiduelle de l’immobilisation transférée sous réserve qu’il s’agisse d’un acte de gestion normale ; le retour contre indemnité constitue une cession d’élément d’actif. Pour le bailleur, si ce retour s’effectue contre indemnité, il n’y a pas lieu de tenir compte de l’opération pour la détermination du revenu imposable. En revanche le supplément de loyer qui résulterait de la remise gratuite de ces constructions et aménagements constituera, en principe pour leur valeur de marché, un profit imposable entre les mains du bailleur au titre de l’année d’expiration ou de résiliation du bail.

2. Un outil dédié et disposant d’un régime fiscal dérogatoire en matière d’IR ou d’IS : le bail à construction

Le bail à construction est un contrat par lequel le preneur s’engage, à titre principal, à édifier des constructions sur le terrain du bailleur et à les conserver en bon état d’entretien pendant toute la durée du bail. Il est conclu pour une durée comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans sans tacite reconduction possible.

En cours de bail, les loyers et prestations de toute nature qui constituent le prix du bail à construction ont le caractère de revenus fonciers (CGI art. 33 bis) et sont imposables selon les cas à l’IS ou à l’IR. Lorsque le prix du bail consiste, en tout ou partie, dans la remise d’immeubles ou de titres donnant vocation à la propriété de tels immeubles, la valeur de ces immeubles, calculée d’après leur prix de revient, constitue pour le bailleur un revenu imposable dans les mêmes conditions que les loyers proprement dits.

Quand le preneur est une entreprise soumise aux règles des BIC, les loyers versés sont normalement déductibles des bénéfices imposables de cette entreprise dans les conditions de droit commun. Les constructions édifiées par celui-ci sont amorties - par dérogation à la règle prévue en cas de construction sur sol d’autrui (CGI art. 39 D) - soit sur la durée du bail lorsqu’elles sont transférées gratuitement au propriétaire des terrains, soit sur la durée normale d’utilisation lorsque leur transfert a lieu contre indemnités. En outre, l’entreprise locataire peut amortir les constructions édifiées sur la durée du bail lorsque celles-ci doivent revenir gratuitement au bailleur en fin de bail (BOI-BICAMT-20-40-30 n° 20).

Au terme du bail, les constructions édifiées par le locataire conformément aux dispositions du contrat deviennent la propriété du bailleur. D’une part, il en résulte une perte d’actif pour l’entreprise locataire à hauteur du prix de revient non encore amorti de ces constructions. Selon les cas les parties peuvent avoir ou non prévu une clause visant à indemniser le locataire, auquel cas cette indemnisation constitue un revenu imposable pour le locataire, compensé par l’éventuelle perte déductible liée à la sortie de l’actif.

D’autre part, le bailleur est amené à constater un revenu dit « d’accession » à raison du prix de revient d’origine des constructions dont il devient propriétaire. Ce gain, imposable au même titre que pouvaient l’être les loyers, bénéficie toutefois d’un régime particulier en application de l’article 33 ter du CGI, à savoir :

  • un éventuel étalement sur 15 ans du revenu imposable, lequel est limité au prix de revient d’origine des constructions ; – une exonération totale lorsque la durée du bail est au moins égale à trente ans ;
  • ou si la durée du bail est inférieure à trente ans, un abattement de 8 % par année, au-delà de la 18e année de bail.

3. Le sort des constructions en fin de bail est une question délicate en matière de TVA

En cours de bail, la doctrine administrative tire les conséquences du principe d’accession fixé par l’article 546 du Code civil puisqu’elle précise que « les constructeurs d’immeubles édifiés sur sol d’autrui sont du moins durant une certaine période, propriétaires de l’immeuble qu’ils ont fait construire ». Il en résulte qu’au plan de la TVA, le preneur est réputé propriétaire des constructions nouvelles ou additions de construction en cause jusqu’à l’expiration du bail (en cas de bail ordinaire) et peut ainsi opérer la déduction de la taxe y afférente. Cette déduction s’exerce également de plein droit en cas de bail à construction ou bail emphytéotique, qui confère au preneur un droit réel immobilier jusqu’à l’expiration du bail.

La situation n’est pas aussi claire à l’expiration du bail. En effet, la question du traitement TVA de la somme éventuellement versée par le bailleur au preneur pour indemniser ce dernier du retour des constructions dans son patrimoine est complexe aussi bien dans un bail ordinaire que dans un bail à construction (et dans un bail emphytéotique). S’agit-il de la contrepartie d’une vente des constructions par le preneur au bailleur ? Tel ne semble pas être le cas en matière de bail à construction puisque l’article 266-5 du CGI prévoit que l’indemnité éventuellement versée par le bailleur au preneur vient en diminution de la valeur du droit de reprise qui constitue, avec le montant des loyers, la base d’imposition du bail à construction. Qu’il s’agisse d’un bail ordinaire ou d’un bail à construction, la question du traitement TVA de cette indemnisation revêt son importance puisqu’elle entraîne des conséquences éventuelles en matière de régularisation des droits à déduction exercés antérieurement par le preneur. Enfin, la cession des constructions édifiées par le locataire à des tiers est soumise de manière classique aux règles applicables aux mutations immobilières, quelle que soit la nature du bail conclu.

4. Quel que soit le type de contrat, la question du redevable légal en matière de fiscalité locale se pose

Les améliorations ou constructions effectuées par un preneur à bail peuvent également avoir des incidences en matière de taxe foncière pour la détermination du redevable légal de la taxe. Rappelons que cet impôt, qui taxe le foncier, doit être établi au nom de celui qui est propriétaire de l’immeuble et qui dispose d’un droit réel sur celui-ci. Cette taxe s’adresse donc en principe au propriétaire de l’immeuble (article 1 400 du CGI).

Lorsqu’un propriétaire donne en location son immeuble, il demeure redevable de la taxe foncière sauf dans les cas où la convention prend la forme d’un bail emphytéotique, d’un bail à construction, d’un bail à réhabilitation ou d’une AOT constitutive de droits réels. Dans ces hypothèses, c’est le preneur qui devient redevable de la taxe foncière une fois la convention publiée au fichier immobilier. Hormis ces cas particuliers limitativement énumérés, le propriétaire du sol reste imposé à la taxe foncière sur l’immeuble lui appartenant.

Le sort des améliorations apportées par un locataire ou des constructions réalisées sur sol d’autrui par le preneur ne déroge pas au principe d’imposition du propriétaire. Toutefois, dès lors que le bail prévoit explicitement que les améliorations ou constructions édifiées reviennent sans indemnité au propriétaire à l’expiration du bail, c’est ce dernier qui est alors réputé en avoir la propriété dès leur édification. Compte tenu de ces principes, la plus grande prudence s’impose dans la rédaction du bail.

Si la clause prévoit un retour gratuit automatique et sans aléa au propriétaire du sol, ce dernier est alors bien redevable de la taxe foncière. En revanche, s’il existe un aléa sur le sort des constructions en fin de bail ou une obligation de remise en l’état par le preneur, le locataire se trouve alors seul redevable de la taxe foncière pendant toute la durée du bail sur les édifications qu’il a réalisées. Il est donc recommandé d’examiner avec attention les clauses du bail avant d’envisager la réalisation de constructions sur sol d’autrui.

Zoom sur les enjeux juridiques

Différents baux peuvent permettre à un preneur de réaliser des constructions ou des modifications sur un bien immobilier appartenant à son bailleur. Le bail à construction (art. L.251 et suiv. du Code de la construction et de l’habitation) et le bail emphytéotique (art. L.451-1 et suiv. du Code rural) sont des contrats qui se prêtent à ce type d’opérations. Il s’agit de baux de longue durée (la durée du bail doit être comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans) qui confèrent un droit réel au preneur. Ce droit réel est par nature plus important que les droits personnels conférés par les baux ordinaires. Il est librement cessible et hypothécable, ce qui rend ces contrats intéressants sur le plan du financement des travaux. L’emphytéote et le preneur d’un bail à construction ont également la possibilité de recourir au crédit-bail. Ils sont libres de consentir tous contrats d’occupation à des tiers. S’agissant des différences entre ces deux contrats, l’obligation de construire du preneur est une caractéristique essentielle du bail à construction alors que l’emphytéote doit avoir la liberté de réaliser toutes constructions ou modifications de son choix, à condition qu’elles ne diminuent pas la valeur du bien loué. Par ailleurs, dans le cadre d’un bail emphytéotique, la destination des locaux ne peut pas être encadrée alors qu’un bail à construction peut imposer la destination des locaux à édifier.

Ajoutons qu’à l’expiration de ces baux, sauf clause contraire, le bailleur devient automatiquement propriétaire des constructions édifiées. Ces baux réels sont soumis à la publicité foncière.

Des baux « classiques », qui ne confèrent pas de droits réels, peuvent également concourir à des projets de construction ou de travaux par le preneur sur la propriété du bailleur. Une attention particulière devra alors être portée à la rédaction des clauses relatives aux travaux du preneur. Le bail civil de droit commun (art. 1714 et suiv. du Code civil) peut être utilisé à condition qu’aucun régime locatif impératif (par exemple, celui des baux commerciaux) ne s’applique. Ce contrat présente l’avantage d’offrir aux parties une grande liberté pour organiser leurs relations contractuelles. A cet égard, la durée du bail est librement fixée par les parties, il n’y a pas de durée minimale.

Le régime du bail commercial (art. L.145-1 et suiv. du Code de commerce) s’applique lorsque la location porte sur des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds de commerce est exploité ou sur des terrains nus sur lesquels ont été édifiées des constructions à usage commercial, industriel ou artisanal avec l’accord du bailleur. Ce type de bail présente moins de souplesse que le bail civil de droit commun. Il est régi par un régime impératif comportant de nombreuses dispositions d’ordre public. Relevons que sa durée ne peut être inférieure à neuf ans. Le sort des travaux du preneur en fin de bail peut être librement organisé par les parties. Il convient d’être vigilent dans la rédaction de la clause concernée dès lors que, dans certains cas, ces travaux peuvent être pris en compte pour la fixation du loyer de renouvellement. Le bail civil de droit commun et le bail commercial ne sont soumis à la taxe de publicité foncière que lorsque leur durée excède douze ans.

Article paru dans la lettre de l'immobilier de septembre 2022


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