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Réforme de la fiscalité internationale

Publication par l’OCDE du modèle de Règles du Pilier 2 et adaptation européenne

15/02/2022

La fin de l’année 2021 a été marquée par deux nouvelles étapes dans la mise en œuvre de la réforme sur l’imposition minimale des groupes : la publication du modèle de Règles du Pilier 2 de l’OCDE et celle de la proposition de directive visant à adapter ces règles au sein de l’Union européenne.

Le compte à rebours est commencé : l’OCDE a publié le 20 décembre 2021 un modèle de Règles du Pilier 2 (également appelées « Règles globales de lutte contre l’érosion de la base d’imposition » ou « Règles GloBE »), qui vise à mettre en oeuvre la solution reposant sur deux piliers pour résoudre les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie, adoptée par 137 juridictions membres du Cadre inclusif et entérinée par les ministres des Finances et dirigeants du G20 en octobre 2021 (voir notamment notre article « Les piliers de la réforme fiscale internationale : état des lieux » publié dans le Mois fiscal d’octobre 2021). Deux jours après seulement, la Commission a publié une proposition de directive reprenant très largement ces règles.

S’il se confirme que le Pilier 2 devra s’appliquer à compter de 2023, les entreprises entrant dans le champ du dispositif devront s’adapter dans des conditions extrêmes à ces nouvelles obligations fiscales.

I. Modèle de Règles de l’OCDE

Le modèle de Règles publié par l’OCDE prévoit les détails techniques de la mise en œuvre du « Pilier 2 » visant à établir une imposition minimale des groupes multinationaux fixée à 15 %. L’architecture générale du dispositif correspond aux annonces faites par l’OCDE lors de publications antérieures mais le document publié comporte un grand nombre de précisions sur l’ensemble des composantes du dispositif « GloBE ».

Le modèle de Règles apporte de nombreux éléments permettant de cerner les entités relevant du Pilier 2. Sont en principe concernés les groupes présents dans au moins deux pays, et dont le chiffre d’affaires consolidé est au moins égal à 750 millions d’euros au titre d’au moins deux exercices au cours des quatre exercices précédents. Le chapitre 1 du modèle de Règles prévoit toutefois que celui-ci ne s’applique ni aux entités publiques, organisations internationales et organisations à but non lucratif, ni aux fonds de pension, fonds d’investissement ou fonds d’investissement immobilier. Sous certaines conditions, les entités détenues par les entités précitées sont elles-mêmes exclues.

Les mécanismes d’application de la règle d’inclusion du revenu (RIR) et de la règle sur les paiements insuffisamment imposés (RPII) sont détaillés, de même que les règles de calcul du taux effectif d’imposition des entités potentiellement sous-imposées. Ainsi, celles-ci doivent calculer leur taux effectif d’imposition pour chaque juridiction où elles exercent des activités et paient un impôt complémentaire correspondant à la différence entre leur taux effectif d’imposition par juridiction et le taux minimum de 15 %. En général, l’impôt complémentaire qui en résulte est prélevé dans la juridiction de la société mère ultime de l’entreprise multinationale. Une exclusion de minimis s’applique lorsque le chiffre d’affaires et le bénéfice dans une juridiction sont d’un montant relativement faible. En outre, le modèle de Règles sur le Pilier 2 envisage la possibilité pour les juridictions d’instaurer leur propre impôt complémentaire minimum national basé sur le mécanisme GloBE, qui est ensuite intégralement déductible de tout impôt dû en vertu des Règles GloBE, préservant ainsi le droit souverain d’une juridiction d’imposer les bénéfices générés sur son sol.

On trouve également dans le modèle de Règles du Pilier 2 plusieurs articles sur l’impact des restructurations et plus généralement de l’évolution du périmètre des groupes sur le champ d’application personnel des nouvelles règles. De nombreux détails sont encore apportés sur le fonctionnement du dispositif en présence de joint-ventures, de sociétés holdings ou d’entités fiscalement transparentes. Enfin, l’un des chapitres du document publié le 20 décembre précise les règles de transition qui s’appliqueront lors de l’entrée dans le dispositif.

Le fonctionnement administratif du Pilier 2 est évoqué mais peu développé. En particulier, les règles de simplification qui permettraient à certaines entreprises de se dispenser de l’ensemble des calculs du taux effectif lorsqu’elles sont établies dans des Etats à fiscalité élevée ne font l’objet que de développements sommaires. On apprend néanmoins que l’option des entreprises pour le mécanisme de « safe harbour » ne s’appliquera pas dans un certain nombre de cas. Le communiqué de presse accompagnant la publication du modèle de règles annonce quant à lui que le cadre pour la mise en œuvre du Pilier 2, au sein duquel figureront lesdites règles de simplification, ne sera publié qu’en « début 2022 ».

De façon plus générale, le tableau livré par le modèle de Règles ne livre qu’une vision incomplète du Pilier 2 puisqu’on attend encore le détail technique de la règle d’assujettissement à l’impôt.

La lecture du modèle de Règles publié le 20 décembre confirme l’extrême complexité du futur dispositif, dont témoignent à elles seules les 17 pages consacrées aux définitions des concepts utilisés par lesdites règles.

II. L’adaptation européenne du Pilier 2

Deux jours après le modèle de Règles publié par l’OCDE, la Commission européenne a publié une proposition de directive qui en constitue l’adaptation européenne (sur l’autre proposition de directive également publiée le 22 décembre 2021, voir notre article page 27 sur la directive sociétés écran).

L’union européenne ayant activement soutenu le projet d’imposition minimale des groupes internationaux, la publication d’une proposition de directive en la matière n’est pas une surprise. Le contenu de la proposition reprend donc très largement celui du modèle de Règles échafaudé par le cadre inclusif sur le BEPS de l’OCDE et du G20.

La proposition de directive recèle toutefois quelques spécificités. La première est de permettre à un Etat membre de l’Union dans lequel le taux effectif d’imposition d’une société membre d’un groupe international est inférieur à 15 % de remédier lui-même à cette sous-imposition en prélevant un impôt additionnel. Alors que dans l’épure du système imaginé par le Cadre inclusif, c’est en principe à l’Etat de la société mère de le faire, le particularisme de la proposition de directive consiste à donner à l’Etat de la filiale la possibilité de prélever ce supplément d’impôt.

La seconde spécificité de la proposition de directive consiste en l’extension obligatoire du dispositif d’imposition minimale aux groupes purement nationaux. Une société mère établie dans un Etat membre et disposant dans le même Etat d’une filiale ayant un taux effectif d’imposition inférieur à 15 % devra ainsi acquitter un supplément d’imposition. Cette identité de traitement entre les groupes purement nationaux et les groupes ayant des filiales et établissements stables étrangers est présentée par la Commission européenne comme nécessaire pour respecter la liberté d’établissement. Le surcroît d’imposition qui en résultera ne devrait toutefois commencer de s’appliquer qu’à l’issue d’une période de cinq ans à compter de la date à laquelle un groupe purement interne entre dans le champ d’application de la règle.

Les considérants introductifs de la proposition de directive précisent également l’articulation entre les règles relatives aux sociétés étrangères contrôlées prévues par la directive ATAD (règles « SEC » telles, en France, que l’article 209 B du CGI) et la nouvelle règle d’inclusion du revenu. Il est ainsi énoncé que la règle d’inclusion du revenu prévue par la proposition de directive et les règles SEC devraient s’appliquer en parallèle. En pratique, les règles SEC s’appliqueraient en premier, et le supplément d’impôt en résultant pour la société mère sera pris en compte dans le calcul du taux d’imposition effectif de la filiale dans son Etat d’établissement. Aucune réforme de la directive ATAD n’est donc envisagée à ce stade.

La date de transposition prévue par la proposition de directive est le 31 décembre 2022 pour une application à compter du 1er janvier 2023. La règle sur les paiements insuffisamment imposés ne s’appliquerait toutefois qu’à compter de 2024.


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