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Réforme du droit des entreprises en difficulté

Ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021

21/09/2021

Après des mois d’attente et de nombreux échanges entre la Chancellerie et les acteurs de place (ARE, EUROPLACE, cabinets d’avocats, CNAJMJ, etc.), l’ordonnance réformant le livre VI du Code de commerce a passé l’examen du Conseil d’Etat et du Conseil des Ministres pour être publiée le 16 septembre 2021 au Journal Officiel (Ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021). Le décret d’application de cette réforme a été publié le 24 septembre 2021 (Décret 2021-1218 du 23 septembre 2021) assurant ainsi la fluidité de l’entrée en vigueur au 1er octobre 2021 comme prévu.

Cette réforme a pour objectif principal de transposer la Directive « Restructuration Préventive1 ». Le droit français ayant en partie servi de modèle au texte européen, il ne se trouve pas bouleversé par l’ordonnance. Cette stabilité est bienvenue et confirme le sentiment que le corpus actuel (notamment préventif) s’est montré efficace et résilient au plus fort de la crise sanitaire et que, optimisé par l’ordonnance complétée du décret, il offrira des outils toujours plus efficaces pour accompagner les entreprises dans la sortie de crise qui se profile.

Les principaux leviers maintenant bien connus du restructuring sont optimisés : renforcement des procédures amiables et de la détection des difficultés (I), substitution des classes de créanciers aux comités de créanciers (II), privilège de post-money (III) et renforcement de la lisibilité et de l’efficacité des procédures collectives « traditionnelles » (IV).

Un point toutefois laisse perplexe : le sort de l’actionnaire de l’entreprise en difficulté pourtant acteur pleinement impacté et impliqué dans le traitement de la défaillance d’une entreprise (V).

I. La prévention et l'amiable

Le législateur tire toutes les conséquences de l’efficacité des dispositifs de prévention et de traitement amiable des difficultés. 

Ainsi, d’une part, le commissaire aux comptes se voit reconnaître une faculté d’apprécier l’efficacité des mesures envisagées dans le cadre d’une procédure d’alerte et d’accélérer cette dernière en communicant plus rapidement avec le Président du Tribunal.

D’autre part, se trouve pérennisé le pouvoir accordé au Président du Tribunal de suspendre l’exigibilité des créances des créanciers appelés à une procédure de conciliation le temps de cette procédure, étant précisé que les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté un bien en garantie bénéficient également de ce délai de grâce. Cette mesure, introduite dans le contexte de la crise sanitaire, se voit pérennisée à ceci près que le respect du principe du contradictoire est rétabli.

Par ailleurs, une disposition expresse est introduite visant à sécuriser les participants à un accord de conciliation en cas de résolution ou de caducité de celui-ci en précisant qu’alors, les clauses dont l’objet est d’organiser les conséquences de la remise en cause de l’accord ne sont pas affectées. En toute logique, cette disposition devrait être largement entendue afin, notamment, de sécuriser les sûretés accompagnant de tels accords.

II. Les classes de parties affectées : la lutte des classes aura-t-elle lieu ?

Le droit français connaissait pour les plus importants dossiers les comités de créanciers (150 salariés et 20 millions d’euros de chiffre d’affaires), il connaitra désormais, pour les plus gros dossiers,  les « classes de parties affectées » par le projet de plan, les seuils d’accès obligatoires à cette forme de d’élaboration du projet de plan étant maintenant fixés à 250 salariés et 20 millions d’euros de chiffre d’affaires net ou 40 millions d’euros de chiffre d’affaires net (en deçà de ces seuils, qui doivent être appréciés au niveau du groupe pour les sociétés qui détiennent ou contrôlent une autre société, un recours volontaire aux classes demeure possible). Indépendamment de ces seuils, les classes seront obligatoires lors du déroulement des sauvegardes accélérées.

L’objectif demeure de permettre l’adoption d’un plan plus ambitieux qu’un simple moratoire judiciaire à la majorité (et non l’unanimité) des créanciers. 

Pour préserver les intérêts des créanciers, cette loi de la majorité jouera à l’intérieur de chaque classe de créanciers (constituée par l’administrateur judiciaire, avec droit de recours devant le juge-commissaire pour les créanciers, sur la base de critères objectifs et vérifiables permettant de regrouper les créanciers en catégories suffisamment homogènes) et, en cas d’application forcée interclasse / cross class cram down entre les classes. Ainsi, le plan proposé par le débiteur ne pourra être adopté que s’il recueille un vote favorable au sein de chacune des classes ou, d’une majorité des classes constituées, ou au moins d’une classe de créanciers autres que détenteurs de capital et qui soient « dans la monnaie ».

Ces mécanismes sont encadrés par (1) le test du « meilleur intérêt des créanciers » (l’application du plan demeure conditionnée au fait que le plan ne dégrade pas la situation d’une partie affectée l’ayant refusé par rapport à la situation qui serait la sienne dans un cadre liquidatif et qu’au moins une classe de créanciers privilégiés a accepté le projet de plan), ainsi que par (2) la « règle de priorité absolue » (selon laquelle une classe de créanciers doit être intégralement désintéressée par des moyens identiques ou équivalents pour qu'une classe de rang inférieur puisse avoir droit à un paiement ou conserver un intéressement).

III. Privilège de « post-money »

Le privilège dit de « post-money » accordé aux créanciers fournissant de nouveaux apports de trésorerie dans le cadre de la procédure (et du plan), introduit par les « ordonnances Covid », est maintenu.

IV. Efficacité et lisibilité

La formule est connue : efficacité + lisibilité = attractivité ! 

L’ordonnance limite la période d’observation, une fois la sauvegarde ouverte, à 12 mois (au lieu de 18). Cette mesure permettra de concentrer les procédures de sauvegarde et donc de les rendre plus efficaces au bénéfice de tous. En redressement judiciaire, le législateur a toutefois fait le choix de conserver la possibilité d’avoir une période d’observation d’une durée maximale de 18 mois.

Le rang des créanciers dans un cadre liquidatif est spécifiquement précisé par la loi.

V. L'associé

L’ordonnance modifie à plusieurs égards le statut de l’associé d’une société en difficulté, faisant ressortir une forme de défiance à son égard.

Enfin, comme le prévoyait la loi d’habilitation2, l’ordonnance, décidément très riche, a été l’occasion d’une modernisation et d’une simplification des règles relatives aux sûretés et leurs bénéficiaires dans le cadre des procédures du livre VI du Code de commerce. En particulier, les conditions de la déclaration et de l’opposabilité de ces sûretés sont modifiées, et la protection du garant personne physique, déjà acquise en procédure de sauvegarde, est élargie au redressement judiciaire.

La réforme est applicable aux procédures de traitement des difficultés ouvertes à compter du 1er octobre 2021.

En parallèle, l’ordonnance réformant en profondeur le droit des sûretés a été publiée le même jour, ses principales dispositions entrant en vigueur le 1er janvier 2022.

Notre équipe Restructuring & Insolvency se tient à votre entière disposition pour présenter plus en détails les innovations apportées par cette importante réforme du droit des procédures collectives.


1 Directive (UE) 2019/1023 du Parlement Européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l'efficacité des procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes, et modifiant la directive (UE) 2017/1132 (directive sur la restructuration et l'insolvabilité)

2Article 60 14° de la loi n°2019-486 du 22 mai 2019, dite loi « PACTE »


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