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Sociétés familiales non cotées

Comment assurer une certaine liquidité aux actionnaires ?

24/04/2023

Les sociétés familiales sont confrontées à des difficultés lorsqu’il s’agit d’assurer une certaine liquidité de leurs actions. L’organisation d’un marché interne est à cet égard une réponse efficace au besoin de liquidité des actionnaires, qui permet également d’assurer la pérennité du caractère familial de l’actionnariat.

Les sociétés familiales peuvent compter, compte tenu des générations qui se succèdent, plusieurs dizaines voire plusieurs centaines d’actionnaires.

Ces actionnaires sont attachés au maintien du caractère familial de l’actionnariat et à la pérennité de l’entreprise, mais ils expriment également un besoin de liquidité.

En effet, compte tenu de la vision long-terme de ces entreprises, et du réinvestissement des profits, le rendement des actions n’est pas nécessairement élevé, tandis que les actionnaires doivent faire face au coût fiscal des transmissions, ou peuvent avoir des projets d’investissements personnels, en dehors du groupe familial.

L’organisation d’un marché interne est alors une solution à envisager. Il s’agit en réalité d’organiser un processus de fixation d’un prix et de rencontre de l’offre et de la demande des titres de la société, afin que les actionnaires cédants puissent trouver des acheteurs dans le cercle des actionnaires existants.

Une liquidité, à quel prix ?

Dans une société non cotée, la valeur des titres est par définition inconnue des actionnaires. Dans ce cadre, il sera nécessaire de déterminer une valeur, reposant sur une combinaison de méthodes financières classiques en matière d’évaluation (par exemple valeur mathématique, actif net réévalué, méthode des discounted cash flows, multiples d’EBITDA compte tenu de comparables boursiers, valeur de rendement, etc.) adaptées aux spécificités du secteur d’activité de l’entreprise.

Il sera également souhaitable que les paramètres de l’évaluation soient véritablement attachés aux fondamentaux intrinsèques de l’entreprise, pour éviter de fortes variations à la hausse ou à la baisse d’une année sur l’autre, qui ne reflèteraient pas la vision long-terme portée par l’entreprise et son actionnariat.

Les restrictions statutaires limitant la cession des titres (clauses d’agrément, notamment) et le caractère minoritaire des détentions seront également reflétés par des décotes.

L’appel à un professionnel de l’évaluation apparait dans ce cadre indispensable. Il ne s’agira pas de confier à un expert la détermination du prix, mais plutôt de faire appel à un évaluateur pour fixer une méthode qui puisse être répliquée par un tiers indépendant, ou par l’entreprise elle-même.

Comment organiser la rencontre de l’offre et de la demande ?

Outre la détermination d’un prix qui puisse être attractif à la fois pour les vendeurs et pour les acheteurs, il est souhaitable d’organiser un processus pour faciliter les transactions.

Aucune règle préétablie en ce cadre : mais il s’agit en pratique de centraliser les offres et les demandes, auprès du service de gestion des titres ou d’un organe ou comité dédié, pour une mise en relation et l’organisation des transactions, en veillant à respecter les contraintes de la réglementation financière (attention aux qualifications d’offre au public de titres financiers (anciennement appel public à l’épargne) ou de démarchage financier réglementé).

Le marché interne mis en place sera par définition peu liquide, et des fenêtres de transaction s’imposent dans ce cadre. Les actionnaires pourront selon les cas vendre et acheter des titres sur un rythme semestriel ou annuel.

Ces fenêtres s’imposent pour des raisons pratiques de détermination du prix (par référence aux derniers comptes annuels ou semestriels, en tenant compte du dividende versé ou à verser) ou de gestion des transactions et des ordres de mouvement dans un temps précis. Elles permettent également de gérer les autres enjeux patrimoniaux des actionnaires, et notamment de ceux qui concluent des pactes Dutreil pour anticiper donations et successions, avec le bénéfice d’un abattement de 75 % pour le calcul des droits de mutation.

Pour mémoire, les exonérations Dutreil impliquent la conclusion d’un engagement collectif d’une durée minimale de deux ans, puis le respect par les héritiers ou donataires qui ont reçu des titres d’un engagement individuel de conservation de quatre ans. Dans ce cadre, des actionnaires familiaux qui signent tous les deux ans des pactes Dutreil seront ainsi désireux de pouvoir participer à une fenêtre de liquidité organisée entre l’expiration d’une première période d’engagement collectif et le commencement d’une nouvelle période.

En pratique, un pacte actionnarial sera conclu, ou un règlement intérieur rédigé, afin de fixer les règles du jeu, de façon transparente pour tous les actionnaires. La méthode de détermination du prix sera fixée, de même que le processus de transmission des offres d’achat et de vente, les éléments de calendrier, ainsi que les règles applicables pour répartir les titres à acquérir et à vendre, en cas de déséquilibre entre l’offre et la demande.

L’on peut même imaginer qu’une société de liquidité dédiée soit créée pour procéder aux achats et ventes et assurer un rôle de régulation du capital, cette solution permettant notamment de répondre à des demandes de liquidité plus importantes, et de préserver l’anonymat des vendeurs et des acheteurs. Si elle est créée au sein du groupe familial, la mise en place d’une telle structure devra faire l’objet d’une analyse préalable approfondie, compte tenu des règles applicables en matière d’interdiction des participations croisées, de limitation des droits de vote en cas de boucle d’autocontrôle, ou encore s’agissant de l’interdiction de consentir des prêts ou des suretés en vue de l’achat de ses propres titres par un tiers.

Des opportunités, et quelques contraintes

L’organisation d’un marché interne au sein d’une société non cotée – qui devra nécessairement se faire dans le respect de la réglementation financière – répond à de nombreux objectifs.

Ce marché permet de répondre aux besoins financiers des actionnaires, sans désinvestissement de la part de l’entreprise qui serait sollicitée pour augmenter le montant des dividendes ou organiser des rachats massifs de ses propres titres.

Dès lors qu’il fixe une valeur, ce marché implique néanmoins nécessairement une cohérence entre les valeurs de cessions et les valeurs retenues pour effectuer des transmissions (donations et successions). En revanche, cette valeur de marché offre une sécurité juridique, dès lors que si le marché est suffisamment actif, cette valeur s’imposera à l’administration fiscale en cas de contrôle fiscal. Compte tenu de la jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat, en matière d’évaluation de titres non cotés sur un marché réglementé, le critère principal est en effet la référence à des transactions portant sur les titres de la même société, dans des conditions équivalentes, et à condition que ces transactions aient été effectuées dans un délai raisonnable. Ce n’est que dans un second temps, faute de transaction comparable, que la détermination de la valeur par le fisc peut reposer sur des combinaisons de méthodes permettant d’obtenir un chiffre aussi proche que possible de celui qu’aurait entrainé le jeu normal de l’offre et de la demande.

L’on notera de surcroît qu’un marché interne efficient permet d’envisager la mise en place d’outils d’actionnariat salarié, dans un cadre sécurisé s’agissant de la valeur des titres, comme de la liquidité.

La détermination de la valeur vénale des titres, par le marché, permettra de sécuriser le régime fiscal et social des actionnaires salariés, notamment s’ils sont bénéficiaires d’actions gratuites dans le cadre de plans d’AGA, étant précisé que lorsque les salariés sont actionnaires au travers d’un FCPE, un expert indépendant devra intervenir pour déterminer la valeur des titres de la société non cotée.

De plus, actionnaires familiaux et actionnaires salariés seraient rassurés sur la possibilité d’organiser à terme l’acquisition des actions auprès d’une population salariée qui n’a pas nécessairement vocation à détenir des actions sur le très long-terme.

Article paru dans Option Finance le 11/04/2023


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