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TVA : un nouvel encadrement pour les taux réduits

Directive 2022/542 du 5 avril 2022

12/05/2022

Le Conseil de l'Union européenne a adopté le 5 avril 2022 une directive (2022/542) qui modernise et renforce l'harmonisation des règles de fixation des taux de la TVA par les Etats membres de l'UE en leur offrant, en pratique, des marges de manœuvre étendues.

La directive étant entrée en vigueur le 6 avril 2022 (date de sa publication), les Etats membres peuvent d'ores et déjà faire usage des nouvelles règles à l'exception de quelques dispositions particulières. Jusqu'à présent, la directive TVA (2006/112/CE) autorisait les Etats membres à appliquer, en plus d'un taux dit « normal » qui ne peut être inférieur à 15 % (20 % en France), au maximum deux taux dits « réduits » (10 % et 5,5 % en France) qui, d'une part, ne peuvent en principe être inférieurs à 5 % et, d'autre part, s'appliquent aux seuls biens et services de leur choix parmi ceux limitativement énumérés à l'annexe III de la directive.

Mais en pratique, les Etats membres appliquent également des taux inférieurs à 5 % (2,10 % en France) y compris des exonérations avec droit à déduction (ci-après dites « taux 0 ») et/ou des taux réduits à des biens et services qui ne figurent pas à l'annexe III, soit qu'ils avaient été autorisés à maintenir ces régimes parce qu'ils existaient avant leur entrée dans l'UE (clauses de gel) soit qu'ils ont bénéficié d'une dérogation pour les appliquer. En revanche, ces règles dérogatoires ne pouvaient être ni étendues à d'autres biens et services ni appliquées aux mêmes transactions par d'autres Etats membres que ceux qui remplissaient les conditions pour en bénéficier.

Le « régime définitif » de la TVA qui devait mettre un terme à cette hétérogénéité étant resté lettre morte, la Commission européenne a présenté dès 2018 un projet visant à harmoniser l'encadrement des politiques de taux réduits. Le texte finalement adopté par le Conseil de l'UE retient toutefois une logique différente de celle suggérée par le projet initial. En particulier, si la très grande majorité des dérogations est supprimée comme l'avait proposé la Commission européenne, le texte adopté préserve une liste limitative des biens et de services éligibles élargie à certaines catégories principalement issues des anciennes dérogations, alors que le projet initial prévoyait d'instituer un principe de liberté quasi totale de choix des biens et services éligibles à un taux réduit.

1. Les nouveaux mécanismes généraux de fixation des taux réduits

Comme précédemment, les Etats membres peuvent, en plus de leur taux normal, appliquer deux taux réduits au moins égaux à 5 % mais ils ne peuvent désormais les appliquer qu'à 24 catégories au maximum de biens et services parmi celles prévues à l'annexe III. L'accès à un taux réduit inférieur à 5 % ou au « taux 0 », qui ne bénéficiait jusqu'à présent qu'aux Etats membres couverts par une dérogation ou une clause de gel, est désormais possible pour tout Etat membre mais dans la limite de sept catégories maximum. Les biens et services éligibles à un tel taux « super-réduit » qui sont à prendre en compte pour l'appréciation du seuil sont : 

– d'une part, ceux relevant des sept catégories identifiées comme éligibles de plein droit par la directive ;

– et, d'autre part, les biens et services en principe éligibles à un taux réduit au moins égal à 5 % mais pour lesquels au moins un Etat membre appliquait au 1 janvier 2021 un taux super-réduit : cet Etat membre peut continuer d'appliquer un taux inférieur à 5 % et les autres Etats membres peuvent, à condition d'en décider au plus tard le 7 octobre 2023, en faire également usage pour les mêmes biens et services. Il est vraisemblable que le taux applicable soit alors le taux super-réduit déjà en vigueur dans l'Etat membre « emprunteur ».

Les modalités du décompte du nombre de catégories utilisées ne sont pas précisées par la directive mais la rédaction du texte paraît signifier que toute application d'un taux réduit ou super-réduit à un bien ou produit relevant de l'une des différentes catégories doit être considérée comme valant utilisation de la catégorie concernée, même si le nombre de produits ou services bénéficiant du taux réduit est très limité par rapport à l'étendue de la catégorie fixée par la directive. Inversement, un Etat membre qui ferait usage d'un taux réduit pour seulement certains biens ou services d'une catégorie pourrait décider d'en étendre l'application à d'autres produits de la même catégorie sans entamer son « quota » de catégories couvertes.

Par ailleurs, la directive permet à ceux des Etats membres qui faisaient usage d'un taux réduit égal ou supérieur à 12 % d'en maintenir l'application pour des biens et services qui ne sont pas en principe éligibles à un taux réduit de la taxe (cette décision a été motivée par la proximité d'un tel taux réduit avec le niveau plancher du taux normal qui est de 15 %). Les autres Etats membres bénéficient, dans ce cas, du même mécanisme d'emprunt que celui prévu pour les taux super-réduits appliqués à d'autres catégories éligibles à un taux réduit que celles identifiées par la directive.

Enfin, les Etats membres disposent, sauf exception, d'un délai expirant le 1 janvier 2032 :

– pour respecter les quotas de 24 catégories aux taux réduit et/ou de sept aux taux super-réduits (bien qu'elle fasse largement usage des taux réduits de 10 % et 5,5 %, la France n'excède pas actuellement ces plafonds) ;

– et pour mettre un terme à l'application de taux réduits à des biens et services qui ne figurent pas dans la liste établie par l'annexe III et qu'ils peuvent temporairement continuer à appliquer s'ils en faisaient usage au 1 janvier 2021.

2. Les catégories de biens et de services éligibles

La nouvelle version de l'annexe III est enrichie, pour l'essentiel, de biens ou services qui étaient précédemment éligibles à un taux réduit sur le fondement de dérogations. Certains de ces aménagements sont motivés par les objectifs fixés par le « Pacte vert pour l'Europe » comme en particulier la fin programmée de l'application de taux réduits aux combustibles fossiles (1 janvier 2030) ainsi qu'aux engrais chimiques et pesticides (1 janvier 2032).

L'annexe III compte désormais 34 catégories de biens et de services contre 21 dans l'ancienne version. On y retrouve l'ensemble des biens et services qui y figuraient précédemment même si les catégories dans lesquelles ils étaient regroupés ont fait l'objet de certains aménagements dans leur ordonnancement et/ou leur libellé, voire d'enrichissements (par exemple dans le secteur immobilier et pour les équipements médicaux) dont la portée méritera d'être examinée plus en détail.

Les nouvelles catégories concernent notamment certaines opérations de rénovation immobilière, des énergies et installations calorifiques, les équidés vivants, les plantes vivantes et les produits de la floriculture, les vêtements pour enfants, les objets d'art et de collection, certains services juridiques rendus au profit de salariés et chômeurs, les services de secours et d'aide en mer. Les sept catégories pour lesquelles peut désormais s'appliquer un taux inférieur à 5 % ou un « taux 0 » sont les denrées alimentaires, la distribution de l'eau, les équipements médicaux, le transport de personnes et des biens qui les accompagnent, les panneaux solaires, les produits pharmaceutiques et les livres, journaux et presse (la France applique le taux de 2,10 % à ces deux dernières catégories).

3. Dispositions particulières

La directive comporte un certain nombre de dispositions particulières parmi lesquelles nous signalons notamment l'aménagement des règles applicables aux manifestations « virtuelles » (spectacles, visites culturelles, manifestations sportives, cours de sport, etc.) qui, pour les particuliers, deviendront à compter du 1 janvier 2025 taxables au lieu d'établissement du bénéficiaire (et non plus au lieu de la manifestation) et seront éligibles à un taux réduit au moins égal à 5 %.

Ce nouveau cadre suscitera assurément, en particulier s'agissant des catégories de biens et de services désormais éligibles à un taux inférieur à 5 % ou égal à 0, non seulement de nouvelles revendications mais aussi un débat renouvelé sur l'opportunité de recourir à ces marges de manœuvre et sur les termes duquel nous invitons le lecteur à se reporter aux nombreuses et riches études portant sur l'efficacité des politiques de taux de TVA comme instrument de politique économique.

Article paru dans Option finance le 24/04/2022


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