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Brevetabilité des interfaces graphiques

La cour d’appel de Paris élargit le champ des possibles

29/08/2019

Certains procédés de présentation d’informations pourraient receler des spécificités techniques de nature à caractériser une mission inventive. Décryptage de cette décision et des perspectives qu’elle ouvre. 

Vers une brevetabilité des inventions relatives à des procédés d’affichage d’information mis en œuvre au moyen d’interfaces graphiques ?

En droit français, « sont brevetables, dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle ». Au titre des inventions exclues par le législateur du domaine de la brevetabilité figurent notamment les « méthodes mathématiques » ainsi que les « présentations d'informations » (article L.611-10 du Code de propriété intellectuelle - CPI).

Dans un arrêt du 21 mai 2019, la cour d’appel de Paris s’est pourtant prononcée en faveur de la brevetabilité d’une invention à la lisière de ces deux exclusions, concernant un procédé d’affichage d’informations mis en œuvre au moyen d’une interface graphique (CA Paris, 21 mai 2019, pôle 5 – chambre 1, n° 18/19669). 

En l’espèce, il s’agissait d’une invention développée par la société Thalès consistant dans un « procédé d’affichage temporel de la mission d’un aéronef » destiné à faciliter la lecture et la compréhension par le pilote d’un avion des données de mission qu’il reçoit via différentes fenêtres d’affichage présentes au sein du cockpit. Thalès avait déposé sa demande de brevet français auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) en décembre 2010.

Le 17 juillet 2018, l’INPI avait rejeté cette demande de dépôt, estimant :

  • d’une part que l’invention se réduisait à une simple présentation d’informations, et était donc exclue du domaine de la brevetabilité ; et
  • d’autre part que, faute de caractéristiques techniques suffisantes, l’invention ne pouvait pas faire l’objet d’une comparaison avec l’état de la technique comme exigé par l’article L.612-14 du CPI.

La cour d’appel de Paris a infirmé cette décision.

La position de la cour d’appel de Paris : en présence d’un moyen technique, la brevetabilité ne saurait être exclue ab initio

Elle a tout d’abord rappelé que seules les inventions reposant uniquement sur les présentations d’informations étaient exclues du champ de la brevetabilité. Au contraire, « la façon de présenter une information, pour autant qu’elle soit distincte du contenu de celle-ci, peut présenter des caractéristiques techniques brevetables ». C’est le cas lorsque celle-ci « aide de façon crédible l’utilisateur à effectuer une tache technique au moyen d’un processus d’interaction homme-machine continu et/ou guidé ».

En l’espèce, l’invention reposait sur deux caractéristiques principales :

  • l’affichage d’une fenêtre graphique au sein du cockpit comprenant une échelle graduée en temps (« timeline ») où les éléments de la mission de vol étaient triés en fonction de l’horaire de leur accomplissement ;
  • lorsque la longueur de la « timeline » était supérieure à celle de la première fenêtre graphique, le pilote ne pouvait alors afficher qu’une partie de la « timeline ».

Pour la Cour d’appel, si la première caractéristique concerne une simple transmission d’information, la seconde s’analyse comme un moyen technique. Par conséquent, prise dans son ensemble, l’invention n’est pas exclue de la brevetabilité.

A signaler également : une mise au point concernant les pouvoirs du directeur de l’INPI

Par ailleurs, la Cour d’appel a considéré que l’argument soulevé par l’INPI relatif à l’impossibilité de réaliser un rapport de recherche ne pouvait constituer un motif de rejet de la demande de dépôt, dès lors que « contrairement aux pouvoirs de l’OEB, qui permettent un examen complet des conditions de fond de brevetabilité, ceux du directeur général de l’INPI sont strictement limités, ne permettant pas en particulier une appréciation des conditions de description suffisante, d’application industrielle ou d’activité inventive ».

A noter que, dans le cadre de la réforme introduite par la loi PACTE, et qui devra être précisée par ordonnance et par décret, l’INPI devrait bientôt voir ses compétences élargies au stade de l’analyse des demandes, lui permettant notamment d’examiner l’activité inventive. Toutefois, pour l’heure, il ne semble pas envisagé de laisser à l’INPI le pouvoir d’apprécier la suffisance de description d’un brevet. 

S’il est encore tôt pour savoir si la solution retenue par la cour d’appel de Paris est duplicable et pourra faire jurisprudence, il convient de rester attentif à toute nouvelle décision qui pourrait être rendue à ce sujet. Tout particulièrement, le pourvoi formé contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris devra être suivi avec attention. Nous ne manquerons pas de vous tenir informés d’éventuelles suites.


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Cet article a été publié dans notre Lettre Propriétés Intellectuelles d'octobre 2019. Découvrez les autres articles de cette lettre.

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