En matière de concentrations, on le sait, le contrôle découle « des droits, contrats ou autres moyens qui confèrent, seuls ou conjointement et compte tenu des circonstances de fait ou de droit, la possibilité d'exercer une influence déterminante sur l'activité d'une entreprise, et notamment (...) sur la composition, les délibérations ou les décisions des organes d'une entreprise » (art L 430-1 C. com.).
De ce fait, un contrôle conjoint peut découler d'une prise de participation minoritaire lorsque celle-ci s'accompagne d'une modification des statuts de la cible ou encore lorsque s'y adjoint un contrat de distribution permettant à la tête de réseau de limiter l'autonomie de l'adhérent, tant dans la conduite de sa politique commerciale que dans la possibilité de changement d'enseigne.
Plusieurs décisions récentes de l'Autorité de la concurrence illustrent la nécessité de prendre en compte ces paramètres à l'occasion de la conclusion de contrats de distribution, tout particulièrement depuis que la LME du 4 août 2008 a abaissé sensiblement les seuils de notification des opérations de concentration intervenant dans le secteur du commerce de détail.
Ainsi, à l'occasion de l'examen d'un protocole de cession par lequel l'animateur d'un réseau de franchises s'engageait à acquérir la totalité des actions de l'un de ses franchisés dans le capital duquel il détenait une action de préférence, l'Autorité de la concurrence a considéré que cette opération se traduisait par le passage d'un contrôle conjoint à un contrôle exclusif du franchiseur sur la cible (décision n0 09-DCC-64 du 17/11/09).
Elle a estimé que, combinée au contrat d'enseigne conclu avec le franchisé, la détention de cette action de préférence conférait au franchiseur une influence déterminante sur son cocontractant. En effet, les statuts du franchisé lui attribuaient, pendant une durée supérieure à 10 ans, la possibilité de bloquer tout changement d'enseigne, de s'opposer à toute mutation d'actions et d'obliger les actionnaires majoritaires à céder le fonds de commerce dès l'instant où ils exploiteraient un fonds similaire sous une enseigne concurrente. Quant au contrat d'enseigne, il conférait au franchiseur, toujours pour une durée supérieure à 10 ans, un droit de préférence en cas de cession du fonds à un prix calculé selon une formule prédéterminée. Enfin, même si après cette période il n'avait plus la possibilité de bloquer tout changement d'enseigne ou de s'opposer à toute mutation d'actions, le franchiseur conservait un droit de préférence sur toute vente de titres pendant cinq années supplémentaires.
Constitue également une opération de concentration conférant le contrôle conjoint de la cible le pacte d'actionnaires conclu entre l'actionnaire majoritaire de celle-ci et la tête d'un réseau de distribution prévoyant rémission au profit de ce dernier d'une action de préférence et entraînant les modifications statutaires suivantes : objet principal de la cible consacré à l'exploitation d'un hypermarché sous enseigne du groupe de distribution ; octroi au distributeur, pour une durée de sept ans, d'un droit de veto sur toute modification statutaire et d'un droit d'information renforcé, ainsi que d'un droit de préemption en cas de transfert de valeurs mobilières (décision ne 09-DCC-80 du 16/12/09).
Egalement, dans un cas où la tête d'un réseau de distribution avait conclu avec l'actionnaire majoritaire d'une société exploitant un commerce à son enseigne et dont elle détenait 1 % du capital, un protocole d'accord prévoyant la mise en location-gérance du fonds à son profit pour une durée maximale de trois ans à l'expiration de laquelle la totalité des actions de la cible lui serait cédée, l'ADLC a considéré qu'avant même la réalisation decette opération le distributeur détenait le contrôle conjoint de la cible. Les statuts de cette dernière prévoyaient en effet que le commerce visé devait être exploité sous une enseigne du groupe de distribution et ils conféraient au distributeur un droit de veto sur toutes les décisions extraordinaires, ce qui incluait, notamment, toute modification statutaire. Ayant relevé que la mise en location-gérance du fonds et sa future cession, qui visaient le même objectif économique, avaient fait l'objet d'un lien conditionnel réciproque prévu par un accord juridique contraignant, l'ADLC a estimé que ces opérations pouvaient être assimilées à une concentration unique réalisée lors de la mise en location-gérance (décision n° 10-DCC- 04 du 14/01/10).
Elisabeth Flaicher-Maneval, Avocat
Analyse juridique parue dans la revue Option Finance le 10 mai 2010
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