Le 16 mars 2020, la garde des Sceaux ordonnait la fermeture de toutes les juridictions, sauf en ce qui concerne le traitement des « contentieux essentiels ».
En l’absence de règles spécifiques concernant le fonctionnement des juridictions à cette date, les tribunaux ont été contraints d’adopter, dans l’urgence, des mesures visant à assurer un maintien minimal d’activité.
Nous avons alors pu constater que les mesures suivantes avaient été mises en œuvre par de nombreuses juridictions : suppression des audiences physiques programmées pendant la période de confinement (sauf contentieux jugés « essentiels »), prorogation des délibérés, etc., sans qu’aucun texte légal ou règlementaire ait permis d’harmoniser la pratique desdites juridictions.
Le 25 mars 2020, mettant fin à cette première période d’incertitudes judiciaires, le Gouvernement a adopté une ordonnance 2020-304 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire. Ce texte éclaircit la situation, sans pour autant mettre fin à toute interrogation.
S’agissant d’abord des questions relatives aux actes de procédure devant être régularisés pendant la période d’urgence sanitaire, et des délais correspondants, l’ordonnance n°2020-304 prévoit1 pour les délais de procédure devant expirer pendant la période débutant le 12 mars 2020 et s’achevant le 24 juin 2020, que les actes de procédure seront « réputés avoir été faits à temps » s’ils sont effectués dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
Si cette disposition est particulièrement bienvenue au regard des difficultés actuellement rencontrées pour le respect des délais procéduraux (services minimaux des huissiers de justice, perturbation des services postaux, fermeture des greffes etc.), il ne peut qu’être recommandé, en pratique, de continuer à respecter, dans la mesure du possible, les délais procéduraux initialement prévus par la loi. Deux raisons à cela. D’une part, limiter le prolongement inutile des instances ; d’autre part, éviter d’éventuels débats ultérieurs sur le respect ou non de ces délais.
Concernant ensuite la simplification des échanges procéduraux entre avocats pendant la période d’état d’urgence sanitaire, l’ordonnance n°2020-304 prévoit que la communication des écritures et pièces entre les parties peut être faite par tout moyen, dès lors que le juge est en mesure de s’assurer du respect du contradictoire.
L’ordonnance n°2020-304 a, par ailleurs, prévu des moyens alternatifs visant à pallier l’absence d’audience physique : est en effet généralisé l’usage de la télécommunication audiovisuelle en lieu et place des audiences physiques.
Si l’intention est bonne, cette mesure semble toutefois peu réaliste en pratique. Rien ne garantit en effet que toutes les juridictions disposent des moyens techniques nécessaires à sa mise en œuvre.
La mise en place de la télécommunication est, en tout état de cause, laissée à la discrétion du juge qui devra s’assurer (i) de l’identité des parties, (ii) de la qualité de la transmission et (iii) de la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats. Dans les mêmes conditions, le magistrat pourra même aller jusqu’à décider de tenir des audiences par voie de conférence téléphonique.
Plus simple et réaliste, l’ordonnance offre la possibilité au juge de décider que la procédure se déroulera sans audience. Il est alors tenu d’en informer les parties par tout moyen afin que ces dernières puissent s’y opposer dans un délai de 15 jours. A défaut d’opposition, les audiences seront remplacées par une procédure exclusivement écrite, impliquant le dépôt d’un dossier écrit au tribunal.
Dans les situations où, ni l’usage de télécommunication ni le passage à une procédure écrite ne sont envisageables, les audiences seront renvoyées sine die.
Enfin, l’ordonnance retient que lorsqu’une audience est supprimée et que les parties sont assistées d’un avocat, le greffe avise les parties du renvoi de l’affaire par tout moyen, et notamment par voie électronique. En pratique, nous savons que ce n’est que rarement le cas, ce qui est source de fortes incertitudes et inquiétudes.
Au résultat, en dépit des diverses mesures prises en application de l’ordonnance n°2020-304, certaines modalités concrètes de fonctionnement des juridictions civiles et commerciales demeurent floues et évolutives, et il est encore difficile d’anticiper avec précision le déroulement des contentieux civils et commerciaux. Une extrême vigilance reste donc de mise.
Article paru dans Option Finance du 20 avril 2020
1Par renvoi de son article 2, I°, à l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306.
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