Home / Publications / Crédit d'impôt recherche : des opportunités méconnues...

Crédit d'impôt recherche : des opportunités méconnues à saisir

17/10/2006

La réforme substantielle du régime du crédit d'impôt recherche proposée par la loi de finances pour 2004 (Loi n°2003-1311 du 30 décembre 2003) a incontestablement ravivé l'intérêt des entreprises pour ce dispositif, en réintroduisant -entre autres mesures favorables- une part "en volume" dans le calcul du crédit d'impôt: toute dépense de recherche éligible engagée depuis le 1er janvier 2004 donne droit à un crédit d'impôt égal à 5% de son montant, proportion portée à 10% à partir du 1er janvier 2006.

L'option pour le crédit d'impôt recherche devenant en outre annuelle, de nombreuses entreprises ont opté ou réopté pour ce dispositif à partir de 2004. Pour autant, il est probable qu'un certain nombre d'entre elles, en se focalisant sur la part en volume, ont minimisé le montant du crédit d'impôt auquel elles avaient droit en obérant leurs capacités d'obtention d'une "part en accroissement", qui s'ajoute à la part en volume. Cette part ne doit pas être négligée dans la mesure où elle reste égale en 2006 à 40% (45% en 2004 et 2005) de l'augmentation des dépenses de recherche de l'entreprise... sous déduction d'éventuels "débits" générés par la décroissance antérieure de ces dépenses.

Certaines entreprises, antérieurement en décroissance, ont pu penser que les débits qu'elles avaient accumulés avant 2004 effaçaient intégralement leurs éventuelles parts en accroissement constatées à partir de 2004. Cette remarque peut être valable pour des entreprises n'ayant réopté pour le crédit d'impôt recherche qu'en 2004, dans la mesure où si elles étaient sorties du dispositif depuis moins de 5 ans, elles ont été tenues de reconstituer le montant de leur part en accroissement comme si elles avaient continûment opté. Or l'analyse des déclarations de crédits d'impôt recherche des entreprises (imprimé n°2069 A) révèle souvent la méconnaissance ou l'incompréhension de mesures techniques propres à limiter largement le montant des débits reportables et donc l'impact de la succession d'années de décroissance :

  • en premier lieu, la durée de report des débits est désormais limitée à 5 ans; appliquée en 2004, cette mesure a permis d'effacer les éventuels reports débiteurs accumulés avant 1999, et chaque nouvel exercice entraîne la prescription potentielle d'une année de débits ;
  • en second lieu, l'éventuel report débiteur calculé à la clôture d'un exercice est plafonné en fonction du montant total des parts en accroissement antérieurement obtenues, et l'Administration fiscale a confirmé le mode de calcul de ce plafond: ne doivent être retenues que les parts en accroissement qui ont effectivement donné lieu à un crédit imputé sur l'impôt ou remboursé, et le total en résultant doit en outre être diminué du montant des éventuelles parts qui auraient été effacées par des reports débiteurs. L'idée sous-jacente est de ne pas forcer une entreprise à imputer et reporter au total plus de débits qu'elle n'a obtenu de crédits effectifs au titre de l'accroissement de ses dépenses.

L'Administration admettant désormais de calculer ce plafond sur un historique de parts en accroissement ou en décroissance limité à une période de 10 ans (par exemple, pour 2004, les années 1994 à 2003 incluses), les entreprises ont tout intérêt à reprendre leur historique pour vérifier, année par année, comment ce plafond a pu s'appliquer. L'expérience prouve que ce travail permet souvent d'effacer un report débiteur que l'on pensait exister.

La réforme de 2004 s'est également révélée opportune pour les sociétés intégrées fiscalement, qui bénéficient désormais d'un cadre de fonctionnement dans l'ensemble plus cohérent, plus précis et donc plus sûr. D'utiles précisions -généralement favorables au contribuable- ont été apportées par l'Administration notamment sur le calcul et l'articulation des parts en volume et des parts en accroissement transmises par les sociétés du groupe, ainsi que sur le calcul des plafonds applicables respectivement au crédit d'impôt recherche et aux éventuels reports débiteurs.

Ainsi, le plafond du crédit d'impôt recherche (10.000.000 Euro par société depuis le 1er janvier 2006) est appliqué au niveau de chaque société prise individuellement. Lorsque ce plafond s'applique à la somme des parts en volume et en accroissement (positive) calculées par une filiale, il entraîne un ajustement proportionnel de ces deux parts. Si la part en volume excède le plafond, tandis que la part en accroissement est négative, cette dernière est réduite dans les mêmes proportions que la part en volume : en d'autres termes le plafonnement de la part en volume est compensée par une moindre prise en compte de la diminution des dépenses ! Enfin, au niveau du groupe comme au niveau individuel, les parts en volume sont calculées et cumulées indépendamment des parts en accroissement négatives, celles-ci ayant simplement vocation à créer des reports débiteurs imputables sur d'éventuelles futures parts en accroissement positives.

Concernant ce dernier point, la grande nouveauté apportée par la réforme de 2004 est l'application du plafonnement du report débiteur au niveau du groupe, et non plus au niveau individuel des filiales, ce qui a le mérite de la simplicité. Les imprimés n°2069 A ont été adaptés en conséquence: les filiales intégrées sont dispensées de renseigner les lignes relatives au plafonnement de leur propre part en accroissement négative (qui est donc transmise telle quelle au groupe) et la tête de groupe dispose d'un cadre approprié pour calculer le plafond du report débiteur groupe, sur la base d'un historique des parts en accroissement du groupe qu'elle doit reconstituer sur une période de 10 ans.


Si l'analyse des déclarations passées de l'entreprise révèle des montants erronés de reports débiteurs, celle-ci peut ajuster le montant de son report sur la prochaine déclaration. Si ces erreurs l'ont privée d'une part en accroissement positive et ont donc diminué le montant du crédit d'impôt recherche auquel elle avait droit, elle peut procéder à une réclamation dans un délai expirant à la fin de la deuxième année suivant celle du paiement de l'impôt sur lequel a été imputé le crédit (ou celle du remboursement du crédit par le Trésor).

La correction d'une erreur commise au titre du crédit d'impôt recherche 2004 est donc encore possible, pour les entreprises ayant opté, c'est-à-dire ayant déposé une déclaration de crédit d'impôt recherche pour 2004. Pour les entreprises qui auraient oublié d'opter pour le nouveau régime du crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2004, il est malheureusement trop tard pour le faire. Contrairement à d'autres régimes fiscaux optionnels pour lesquels la jurisprudence a pu admettre des options exercées a posteriori (par exemple, en matière de carry-back), le juge de l'impôt interdit en effet à ce jour l'exercice d'une option "rétroactive" en matière de crédit d'impôt recherche (cf. CE 1er oct. 2001, n°220683; TA Paris 8 fév. 2005, n°98-819, 01-8991 et 01-8995). Les conséquences de cette position rigoureuse incitent à une vigilance toute particulière dans deux situations.

En premier lieu, celle d'une société déficitaire, qui par hypothèse n'est pas tenue de verser un solde d'impôt sur les sociétés au titre d'un exercice ne dégageant aucun bénéfice imposable: la déclaration de crédit d'impôt recherche doit en effet désormais être annexée au relevé de solde de l'impôt sur les sociétés et non plus à la déclaration des bénéfices.

En second lieu, celle d'un groupe intégré, dont la tête ne calcule pas de crédit d'impôt recherche à son propre niveau (cas par exemple d'une pure société holding): depuis 2004, l 'application du mécanisme du crédit d'impôt recherche au niveau du groupe dépend en effet d'une option exercée par la tête de groupe. En pratique, le calcul d'un crédit d'impôt recherche groupe ne résulte plus du simple dépôt de déclarations n°2069 A par une ou plusieurs filiales intégrées, mais dépend en outre du dépôt par la tête de groupe d'une déclaration n°2069 A individuelle (même si celle-ci n'est remplie qu'au niveau des cadres concernant le crédit d'impôt groupe).

Il semblerait opportun que le juge de l'impôt, s'il avait à se prononcer sur une erreur formelle ou de délai commise dans l'une de ces deux situations, atténue la rigueur de son interprétation actuelle et admette une régularisation a posteriori dès lors que la volonté d'opter était établie (par une déclaration annexée à la liasse fiscale pour une société déficitaire ou, pour un groupe, par les déclarations individuelles).

Article paru dans la revue Option Finance le 10 juillet 2006


Authors:

Frédéric Gerner, Avocat